16 mars 2019
Les Maîtres du mystère - La plume empoisonnée (25/11/1958 Chaîne Parisienne)
D'Agatha Christie - Adaptation Hélène Misserly - Interprétation Denise Gence, Madeleine Lambert, André Var, Jean Topart, Laurence Weber, Jean Bolo, Jeanne Dorival, Anne-Marie Duverney, Simone Matil, Geneviève Morel, Gaétan Jor et Pierre Delbon - Réalisation Pierre Billard
Un "Maîtres du mystère" des débuts.
C'est à dire l'époque où l'émission adaptait de nombreux romans policiers, avant de laisser place progressivement à des pièces spécialement écrites pour la radio. Pour être précis, à partir de 1964, il n'y aura plus d'adaptations.
Pierre Billard sur sa méthode de travail : "On faisait généralement une première lecture vers 1h-1h30 de l'après-midi. On s'installait dans le studio et on lisait le texte de la pièce. Je m'arrangeais pour que ça n'ait pas l'air d'un travail trop rigoureux, trop solennel. Puis on passait à l'enregistrement. La première scène, il était rare qu'on ne la refasse pas une deuxième fois. Mais après, tout s'enchaînait et j'essayais de maintenir le petit sentiment d'urgence et de tension qu'on avait dans le direct. En règle générale, on enregistrait les scènes dans l'ordre chronologique (contrairement à beaucoup de réalisateurs qui jouent à faire du cinéma...). Il y a comme cela une continuité psychologique. Les comédiens vivent l'action en même temps qu'ils la jouent. Après, le prémontage est vite fait. L'émission d'une heure était montée en une heure de temps, alors que la moyenne des montages pour une émission de durée analogue, c'était cinq jours !"
Extrait de l'ouvrage de Jacques Baudou, Radio Mystères, le théâtre radiophonique policier (Encrage/Ina, 1997)
Jusqu'en 1962 la dramatique était suivie de la chronique cinéma de Roger Régent et d'une autre sur les romans policiers par Germaine Beaumont. Ces chroniques, qui sentent aujourd'hui la naphtaline, avaient tendance à disparaître en fonction de la longueur de la dramatique.
Une partie de l'ouvrage de Jacques Baudou revient sur les réalisations de Pierre Billard.
Voilà une chronologie plus précise des "Maîtres du mystère", sans rentrer dans les détails de l'histoire :
- Octobre 1952-octobre 1953 : "Le jeu du mystère et de l'aventure" (Jean Luc/Billard)
- Octobre 1953-juillet 1957 : "Faits divers" (départ de Jean Luc, arrivée de Pierre Véry)
- Octobre 1957-juillet 1965 : Les Maîtres du mystère (Billard/Beaumont, émission créée suite au départ de Véry)
- Octobre 1965-novembre 1974 : Le "couple" se sépare.
Alternance entre "Mystère mystère" de Billard et "L'heure du mystère" de Beaumont.
Ajoutons "Les mystères de l'été" de Billard, dont on peut aisément deviner la période de diffusion...
L'INA les a massivement mises en vente.
Seules "Les heures du mystère" manquent à l'appel. Il fut un temps, relativement lointain (fin années 80/années 90), où les Nuits en diffusèrent quelques-unes.
"Quelqu'un" de François Billetdoux (Le jeu du mystère et de l'aventure) a été diffusée dans une nuit rêvée, mais impossible de la retrouver. Elle doit pourtant bien y être encore.
Les Faits divers dans les Nuits : Une preuve d'amour (19-10-1954), Parole d'homme (26-10-1954), Crime hors-concours (22-02-1955), Monsieur bien sous tous rapport (27-07-1954) quatre dramatiques de Boileau-Narcejac, La malédiction des sept félicités (01-11-1955) de Pham Van Ky, Le jeu de la vérité (02-04-1957) d'Hélène Misserly, Le chien des Baskerville (05-07-1955) adapté par Narcejac, Contredanse pour maître-chanteur (16-04-1957) de Ralph Messac et Léo Malet.
Les Maîtres du mystère dans les Nuits : Le meurtre de Roger Akroyd (22-10-1957) descendre sur la page de la nuit rêvée, Sir Arthur mène l'enquête (26-05-1959), Nuit blanche (26-02-1963) de Jean Chatenet, La mariée était en noir (03-06-1958), On vous attend en bas (24-02-1959) d'après William Irish, Énigme au music-hall (28-05-1963), Coliques de plomb (05-01-1960), Gros plan sur le mort (14-11-1961), Casse pipe à la Nation (28-01-1958) d'après Léo Malet, Le tueur numéro deux (01-07-1958) d'après Mac Orlan, Carambolage (14-04-1959) de Fred Kassak, descendre sur la page de la nuit rêvée, Fumées sans feu (15-11-1960) de Germaine et Jacques Decrest, Une ténébreuse affaire (05-11-1957), les adaptations de "classiques" n'étaient pas nécessairement de grandes réussites, L'inconnu du Nord Express (27-09-1960), Crêpe suzette (01-12-1959) de Fred Kassak, et Le pays sans étoiles (18-10-1960) de Pierre Véry, une première version ayant déjà été enregistrée en 1958 avec Jean Topart à la place de Dominique Paturel.
16 mars 2019
Extrait de l'ouvrage de Jacques Baudou.
De gauche à droite : Pierre Billard, Maurice Renault, Germaine Beaumont, Pierre Véry,
Jean Luc, et Roger Régent suivi de son fume-cigarette.
11 juin 2019
« L’heure du mystère », l’émission de Germaine Beaumont, diffusée en alternance avec celle de Pierre Billard, « Mystère, Mystère », de 1965 à 1974.
« L’heure du mystère » fonctionnait sur le même principe que la série de Billard, mais bien sûr les réalisateurs et les auteurs étaient différents.
Deux dramatiques de Jacques Fayet, qui en plus d’être auteur et acteur, est le quasi excellent (l’excellence pure étant réservée à Avis critique) créateur des Nuits.
- Une rose thé dans un vase de cristal, du 10-07-1973
- Madame Pauline n’a pas d’épines, du 10-03-1974
Les réalisations sont de Guy Delaunay, mais elles ne se différencient, à l’écoute en tout cas, en rien de celles de Pierre Billard. La sobriété, le minimum d’effets. Et l’unique extrait musical qui sert de lien entre toutes les séquences.
Les acteurs sont tous quasi excellents (désolé, plus, ce n’est pas possible, c’est réservé).
Par contre l’inspiration de Jacques Fayet est plus inégale.
La première histoire, celle d’un roman à succès dont l’histoire ne semble aucunement inventée, repose surtout sur la personnalité du commissaire et de sa femme, leur relation, qui n’est pas sans rappeler celle du couple Maigret. Les autres personnages, peu développés de surcroît, ne servent qu’à faire avancer l’enquête : ils sont purement fonctionnels.
Dans la seconde, c’est l’inverse. Le commissaire, qui porte pourtant le même nom, est renvoyé au second plan, et c’est un vrai festival. Une riche industrielle (Annie Ducaux) décide de prendre une retraite bien méritée, et de revendre toutes ses affaires. Passons sur les détails de l’intrigue, là aussi, ce n’est pas l’essentiel. Les rapports entre les différents serviteurs de la maison et l’insupportable industrielle sont délectables, et là Jacques Fayet a, en 50 mn, exploité avec semi-brio (le brio absolu est aussi réservé) les relations parfois complexes entre les différents personnages. Ce n’est plus à Maigret que l’on pense, mais à certains personnages de Claude Chabrol.
La musique du générique n’est pas celle des « Maîtres du mystère » (utilisée encore pour « Mystère, mystère »), mais une autre, vraisemblablement toujours d’André Popp, avec une présence plus discrète de l’onde Martenot. Pour tout dire, elle est sacrément plus mystérieuse… peut-être aussi parce qu’on la connaît moins.
4 août 2019
Faits divers - une émission de Pierre Véry et Maurice Renault - Réalisations de Pierre Billard - Bruitages Gabriel de Rivage - Assistant Jean Garretto
L'émission est constituée d'une dramatique, et de différentes rubriques qui vont disparaître au fil des ans.
Le principe de la dramatique : les auditeurs envoient les faits divers de leur choix. L'auteur a comme contrainte de s'inspirer de l'un d'entre eux pour écrire sa pièce. Il n'en reste parfois que des bribes.
La qualité des acteurs et la sobriété de la réalisation, qui tranche avec les productions de l'époque doivent beaucoup au plaisir pris à l'écoute de cette série.
Les rubriques : des concours. Un sur la sécurité (Quand sonnera minuit), et, plus récurent, un jeu où les auditeurs doivent inventer un titre original à un fait divers choisi. Les accidents et les meurtres réels servent ouvertement de terrain de jeux (de mots).
Le petit courrier de l'aventure et du mystère : En fait de courrier, il s'agit de deux chroniques, celle de Germaine Beaumont, et celle de Roger Régent. C'est la seule rubrique qui restera dans les premiers temps des Maîtres du mystère. Deux grands numéros, qui font souvent sourire.
Germaine Beaumont nous raconte les derniers "romans qu'elle a lus". Oui, elle raconte au moins la moitié de l'intrigue. Elle ne sait pas s'arrêter. Certains auteurs francophones qu'elle défend vont intégrer l'équipe des Maîtres du mystère. Ex. ici, Maurice-Bernard Endrèbe.
Et le meilleur pour la fin, Roger Régent : dans Faits divers, il parle des "derniers spectacles qu'il a vus". Policiers ou pas, il s'en fiche. Et que les choses soient claires, les films à suspense et les cadavres à la chaîne, il déteste. (cf sa chronique dans "Phare à vendre") D'ailleurs allons plus loin : le cinéma, c'est pas non plus sa tasse de thé. Les films qui l'enthousiasment sont juste "charmants", "plaisants", "bien ficelés". Capable de défendre un réalisateur du calibre de Jack Pinoteau et massacrer un John Ford ou un Hitchcock, Roger Régent passe à côté de tout. Un délice. Sa chronique demeure, involontairement, un numéro impayable. C'est le dernier fait divers de l'émission : l'assassinat du cinéma.
Quand sonnera minuit (27-11-1956) de Yannick Boisyvon - Avec Marie-Jeanne Gardien (la standardiste), Pierre Blanchard (Pierre Berthier), Lucienne Lemarchand (Louise Berthier), Henri Crémieux (docteur Chauvin) et Arlette Thomas (Thérèse Leblanc)
Dramatique courte (environ une demi-heure). Pierre Blanchard s'autoparodie dans un rôle de pianiste torturé : est-il fou ou simule-t-il ? L'auteur s'est dit inspiré par la lecture d'une biographie de Schumann. Sinon, variation autour du thème mari/femme/amant, sans originalité particulière.
Roger Régent s'excite sur les demoiselles dénudées du Grand-Guignol. Les deux drames du spectacle lui ont beaucoup plu, d'autant qu'un des deux a été déjà diffusé dans Faits divers, alors...
Les films chroniqués sont tombés dans un oubli plus que relatif.
Phare à cendre (30-04-1957) de Pham Van Ky - Interprétation Henri Guisol (le détective), Marguerite Cassan (Madame Nakamuri) et Pierre Delbon (Kakuso Sato)
Intrigue plus alambiquée. Une jeune japonaise vient se venger de l'assassinat de sa mère, commis il y a tout juste dix ans. Scène de haute tension dans un phare, et retournements de situation hautement rocambolesques, invraisemblables, et à la limite du fantastique. Dans la tradition du Grand Guignol évoqué plus haut.
Diatribe de Roger Régent contre la mode du suspense, dézingage rapide d'Otto Preminger. Mais par ailleurs, la réalisation de Gilles Grangier (Le rouge est mis) est "d'une bonne qualité technique", quoique sans personnalité. Dans l'ensemble "le metteur en scène ne mérite aucun blâme..." Ouf ! "... sinon celui d'avoir choisi ce sujet, si toutefois c'est lui qui l'a choisi". Mince ! Foutu le Grangier ! La suite est un massacre en règle du scénario. Le seul intérêt du film ? Annie Girardot.
Le plus beau métier du monde (23-02-1954) de Jean Cosmos - avec Jean-Claude Michel, Jean-Marie Amato, Pierre Destailles
Morceau de bravoure de près de 50 mn (pas de rubriques, à la trappe, les duettistes Beaumont/Régent) autour d'un seul coup de téléphone. Un journaliste essaie de faire parler un présumé criminel en fuite. Grand numéro de Jean-Marie Amato (la voix de Furax). Un effet de réalisation inhabituel chez Pierre Billard : le procédé d’"échos" (la dernière phrase du personnage est répétée sous forme d'écho) qui permet de passer d'un bout du fil à l'autre.
Jean Cosmos, un habitué des séries de Pierre Billard, va aussi beaucoup écrire pour la télévision, avant d'être le scénariste régulier, à partir de 1988 (La vie et rien d'autre) de Bertrand Tavernier.
Le chinois du Quartier Latin (04-01-1955) de Louis Chavance - Avec Hubert Deschamps (Le chinois du Quartier Latin), Pierre Delbon (Marcel Ribaldi), Guy Decomble (l'inspecteur Mignonet), Annie Girardot (Arlette Masseret), Geneviève Morel (l'hôtelière Madame Morel), Jacques Duby (Pierre Lanneau), Jacques Anquetil, Pierre Olaf, Yves Duchateau et Jean Bolo
Un étudiant se retrouve accusé de différents méfaits (crime, cambriolages) par des lettres anonymes. Louis Chavance, surtout connu pour ses collaborations à de nombreux films des années 30/40 (L'Atalante, dont il assure aussi le montage, Le corbeau...), a écrit une petite fantaisie policière, autour de personnages savoureux que l'interprétation magnifie. Hubert Deschamps joue un chinois à l'accent russe, Guy Decomble un inspecteur que le nom rend parfois peu crédible. Guy Decomble, c'est l'instituteur d'Antoine Doinel dans Les quatre cents coups ("que je dégradasse les murs de la classe").
Germaine Beaumont flingue le dernier James Hadley Chase, et Roger Régent, qui en a marre des récits policiers pour cette semaine, a apprécié la dernière pièce de Peter Ustinov, l'acteur Jess Hahn, et, surtout, Magali Noël, qui lui fait bien des choses au fin fond de son système glandulaire. Ahhh... Il la verrait bien un peu plus dénudée. Il fait ouvertement appel aux producteurs de cinéma pour qu'ils œuvrent au plus vite dans ce sens.
Son meilleur rôle (03-02-1954) de Yves Jamiaque - Avec Jacques Thébault (François Bergier), Louis Arbessier (le Docteur Herbert), Jacqueline Rivière (Hélène, l'assistante du docteur), Marcel André (le commissaire Veuillard), André Wasley, Jean Chevrin, Pierre Leproux, Pierre Marteville, Geneviève Morel, Nicolas Amato, Suzanne Cely, Lisette Lemaire et Paul Enteric
Un acteur miteux se retrouve atteint de leucémie. Il va endosser le crime d'un autre pour tenter de gagner du temps et sauver sa peau. Tout ici repose sur l'interprétation et la réalisation (très sobre, quelques bruitages et aucune musique). L'intrigue, basée sur une coïncidence hautement improbable, puisque l'acteur rencontre pile comme il faut le docteur qui est sur le point de trouver un remède pour guérir sa maladie, est plutôt laborieuse.
Germaine Beaumont étant grippée, c'est Pierre Véry qui lit son éloge de Léo Malet et de ses Rats de Montsouris.
Roger Régent nous régale une fois de plus : il porte aux nues Marty sans nommer son réalisateur (Delbert Mann, rien à voir avec Anthony, mais alors rien). Éloge (mesuré n'exagérons pas) de Un homme est passé. "Nous sommes dans le meilleur cinéma", il y a du suspense (pourtant nous croyions qu'il détestait ça, mais nous ne sommes pas à une contradiction près), et malgré une seconde partie plus faible, "cela reste toujours du cinéma", "c'est à l'image et à l'image seule que l'on fait appel le plus souvent pour nous toucher", "c'est dans la bonne tradition du Far West et du spectacle cinématographique".
Roger Régent s'emballe tellement qu'il ne nous dit pas le nom de ce réalisateur de génie (John Sturges !). Une magnifique définition du cinéma et de la mise en scène. Merci Roger.
Dernière édition par Curly le Dim 27 Aoû 2023, 13:20, édité 4 fois