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''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard    Page 1 sur 9

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''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mar 03 Mai 2022, 18:30

Les sept premiers billets regroupent des textes dispersés dans le fil des Nuits de France Culture.

16 mars 2019
Les Maîtres du mystère - La plume empoisonnée (25/11/1958  Chaîne Parisienne)
D'Agatha Christie - Adaptation Hélène Misserly - Interprétation Denise Gence, Madeleine Lambert, André Var, Jean Topart, Laurence Weber, Jean Bolo, Jeanne Dorival, Anne-Marie Duverney, Simone Matil, Geneviève Morel, Gaétan Jor et Pierre Delbon - Réalisation Pierre Billard
Un "Maîtres du mystère" des débuts.
C'est à dire l'époque où l'émission adaptait de nombreux romans policiers, avant de laisser place progressivement à des pièces spécialement écrites pour la radio. Pour être précis, à partir de 1964, il n'y aura plus d'adaptations.
Pierre Billard sur sa méthode de travail  : "On faisait généralement une première lecture vers 1h-1h30 de l'après-midi. On s'installait dans le studio et on lisait le texte de la pièce. Je m'arrangeais pour que ça n'ait pas l'air d'un travail trop rigoureux, trop solennel. Puis on passait à l'enregistrement. La première scène, il était rare qu'on ne la refasse pas une deuxième fois. Mais après, tout s'enchaînait et j'essayais de maintenir le petit sentiment d'urgence et de tension qu'on avait dans le direct. En règle générale, on enregistrait les scènes dans l'ordre chronologique (contrairement à beaucoup de réalisateurs qui jouent à faire du cinéma...). Il y a comme cela une continuité psychologique. Les comédiens vivent l'action en même temps qu'ils la jouent. Après, le prémontage est vite fait. L'émission d'une heure était montée en une heure de temps, alors que la moyenne des montages pour une émission de durée analogue, c'était cinq jours !"
            Extrait de l'ouvrage de Jacques Baudou, Radio Mystères, le théâtre radiophonique policier (Encrage/Ina, 1997)
Jusqu'en 1962 la dramatique était suivie de la chronique cinéma de Roger Régent et d'une autre sur les romans policiers par Germaine Beaumont. Ces chroniques, qui sentent aujourd'hui la naphtaline, avaient tendance à disparaître en fonction de la longueur de la dramatique.
Une partie de l'ouvrage de Jacques Baudou revient sur les réalisations de Pierre Billard.
Voilà une chronologie plus précise des "Maîtres du mystère", sans rentrer dans les détails de l'histoire :
- Octobre 1952-octobre 1953 : "Le jeu du mystère et de l'aventure" (Jean Luc/Billard)
- Octobre 1953-juillet 1957 : "Faits divers" (départ de Jean Luc, arrivée de Pierre Véry)
- Octobre 1957-juillet 1965 : Les Maîtres du mystère (Billard/Beaumont, émission créée suite au départ de Véry)
- Octobre 1965-novembre 1974 : Le "couple" se sépare.
Alternance entre "Mystère mystère" de Billard et "L'heure du mystère" de Beaumont.
Ajoutons "Les mystères de l'été" de Billard, dont on peut aisément deviner la période de diffusion...
L'INA les a massivement mises en vente.
Seules "Les heures du mystère" manquent à l'appel. Il fut un temps, relativement lointain (fin années 80/années 90), où les Nuits en diffusèrent quelques-unes.
"Quelqu'un" de François Billetdoux (Le jeu du mystère et de l'aventure)  a été diffusée dans une nuit rêvée, mais impossible de la retrouver. Elle doit pourtant bien y être encore.
Les Faits divers dans les Nuits : Une preuve d'amour (19-10-1954), Parole d'homme (26-10-1954), Crime hors-concours (22-02-1955), Monsieur bien sous tous rapport (27-07-1954) quatre dramatiques de Boileau-Narcejac, La malédiction des sept félicités (01-11-1955) de Pham Van Ky, Le jeu de la vérité (02-04-1957) d'Hélène Misserly, Le chien des Baskerville (05-07-1955) adapté par Narcejac, Contredanse pour maître-chanteur (16-04-1957) de Ralph Messac et Léo Malet.

Les Maîtres du mystère dans les Nuits : Le meurtre de Roger Akroyd (22-10-1957) descendre sur la page de la nuit rêvée, Sir Arthur mène l'enquête (26-05-1959), Nuit blanche (26-02-1963) de Jean Chatenet, La mariée était en noir (03-06-1958),  On vous attend en bas (24-02-1959) d'après William Irish, Énigme au music-hall (28-05-1963), Coliques de plomb (05-01-1960), Gros plan sur le mort (14-11-1961), Casse pipe à la Nation (28-01-1958) d'après Léo Malet, Le tueur numéro deux (01-07-1958) d'après Mac Orlan, Carambolage (14-04-1959) de Fred Kassak, descendre sur la page de la nuit rêvée, Fumées sans feu (15-11-1960) de Germaine et Jacques Decrest, Une ténébreuse affaire (05-11-1957), les adaptations de "classiques" n'étaient pas nécessairement de grandes réussites, L'inconnu du Nord Express (27-09-1960), Crêpe suzette (01-12-1959) de Fred Kassak, et Le pays sans étoiles (18-10-1960) de Pierre Véry, une première version ayant déjà été enregistrée en 1958 avec Jean Topart à la place de Dominique Paturel.


16 mars 2019
Extrait de l'ouvrage de Jacques Baudou.

''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard Captur70
L'équipe de Faits divers fait croire au photographe qu'elle est en plein travail.
De gauche à droite : Pierre Billard, Maurice Renault, Germaine Beaumont, Pierre Véry,
Jean Luc, et Roger Régent suivi de son fume-cigarette.


11 juin 2019
« L’heure du mystère », l’émission de Germaine Beaumont, diffusée en alternance avec celle de Pierre Billard, « Mystère, Mystère », de 1965 à 1974.
« L’heure du mystère » fonctionnait sur le même principe que la série de Billard, mais bien sûr les réalisateurs et les auteurs étaient différents.
Deux dramatiques de Jacques Fayet, qui en plus d’être auteur et acteur, est le quasi excellent (l’excellence pure étant réservée à Avis critique) créateur des Nuits.
- Une rose thé dans un vase de cristal, du 10-07-1973
- Madame Pauline n’a pas d’épines, du 10-03-1974
Les réalisations sont de Guy Delaunay, mais elles ne se différencient, à l’écoute en tout cas, en rien de celles de Pierre Billard. La sobriété, le minimum d’effets. Et l’unique extrait musical qui sert de lien entre toutes les séquences.
Les acteurs sont tous quasi excellents (désolé, plus, ce n’est pas possible, c’est réservé).
Par contre l’inspiration de Jacques Fayet est plus inégale.
La première histoire, celle d’un roman à succès dont l’histoire ne semble aucunement inventée, repose surtout sur la personnalité du commissaire et de sa femme, leur relation, qui n’est pas sans rappeler celle du couple Maigret. Les autres personnages, peu développés de surcroît, ne servent qu’à faire avancer l’enquête : ils sont purement fonctionnels.
Dans la seconde, c’est l’inverse. Le commissaire, qui porte pourtant le même nom, est renvoyé au second plan, et c’est un vrai festival. Une riche industrielle (Annie Ducaux) décide de prendre une retraite bien méritée, et de revendre toutes ses affaires. Passons sur les détails de l’intrigue, là aussi, ce n’est pas l’essentiel. Les rapports entre les différents serviteurs de la maison et l’insupportable industrielle sont délectables, et là Jacques Fayet a, en 50 mn, exploité avec semi-brio (le brio absolu est aussi réservé) les relations parfois complexes entre les différents personnages. Ce n’est plus à Maigret que l’on pense, mais à certains personnages de Claude Chabrol.
La musique du générique n’est pas celle des « Maîtres du mystère » (utilisée encore pour « Mystère, mystère »), mais une autre, vraisemblablement toujours d’André Popp, avec une présence plus discrète de l’onde Martenot. Pour tout dire, elle est sacrément plus mystérieuse… peut-être aussi parce qu’on la connaît moins.


4 août 2019
Faits divers - une émission de Pierre Véry et Maurice Renault - Réalisations de Pierre Billard - Bruitages Gabriel de Rivage - Assistant Jean Garretto 
L'émission est constituée d'une dramatique, et de différentes rubriques qui vont disparaître au fil des ans. 

Le principe de la dramatique : les auditeurs envoient les faits divers de leur choix. L'auteur a comme contrainte de s'inspirer de l'un d'entre eux pour écrire sa pièce. Il n'en reste parfois que des bribes.
La qualité des acteurs et la sobriété de la réalisation, qui tranche avec les productions de l'époque doivent beaucoup au plaisir pris à l'écoute de cette série. 

Les rubriques : des concours. Un sur la sécurité (Quand sonnera minuit), et, plus récurent, un jeu où les auditeurs doivent inventer un titre original à un fait divers choisi. Les accidents et les meurtres réels servent ouvertement de terrain de jeux (de mots).
Le petit courrier de l'aventure et du mystère : En fait de courrier, il s'agit de deux chroniques, celle de Germaine Beaumont, et celle de Roger Régent. C'est la seule rubrique qui restera dans les premiers temps des Maîtres du mystère. Deux grands numéros, qui font souvent sourire.
Germaine Beaumont nous raconte les derniers "romans qu'elle a lus". Oui, elle raconte au moins la moitié de l'intrigue. Elle ne sait pas s'arrêter. Certains auteurs francophones qu'elle défend vont intégrer l'équipe des Maîtres du mystère. Ex. ici, Maurice-Bernard Endrèbe.
Et le meilleur pour la fin, Roger Régent : dans Faits divers, il parle des "derniers spectacles qu'il a vus". Policiers ou pas, il s'en fiche. Et que les choses soient claires, les films à suspense et les cadavres à la chaîne, il déteste. (cf sa chronique dans "Phare à vendre") D'ailleurs allons plus loin : le cinéma, c'est pas non plus sa tasse de thé. Les films qui l'enthousiasment sont juste "charmants", "plaisants", "bien ficelés". Capable de défendre un réalisateur du calibre de Jack Pinoteau et massacrer un John Ford ou un Hitchcock, Roger Régent passe à côté de tout. Un délice. Sa chronique demeure, involontairement, un numéro impayable. C'est le dernier fait divers de l'émission : l'assassinat du cinéma. 

Quand sonnera minuit (27-11-1956) de Yannick Boisyvon - Avec Marie-Jeanne Gardien (la standardiste), Pierre Blanchard (Pierre Berthier), Lucienne Lemarchand (Louise Berthier), Henri Crémieux (docteur Chauvin) et Arlette Thomas (Thérèse Leblanc)
Dramatique courte (environ une demi-heure). Pierre Blanchard s'autoparodie dans un rôle de pianiste torturé : est-il fou ou simule-t-il ? L'auteur s'est dit inspiré par la lecture d'une biographie de Schumann. Sinon, variation autour du thème mari/femme/amant, sans originalité particulière. 
Roger Régent s'excite sur les demoiselles dénudées du Grand-Guignol. Les deux drames du spectacle lui ont beaucoup plu, d'autant qu'un des deux a été déjà diffusé dans Faits divers, alors...
Les films chroniqués sont tombés dans un oubli plus que relatif.

Phare à cendre (30-04-1957) de Pham Van Ky - Interprétation Henri Guisol (le détective), Marguerite Cassan (Madame Nakamuri) et Pierre Delbon (Kakuso Sato)
Intrigue plus alambiquée. Une jeune japonaise vient se venger de l'assassinat de sa mère, commis il y a tout juste dix ans. Scène de haute tension dans un phare, et retournements de situation hautement rocambolesques, invraisemblables, et à la limite du fantastique. Dans la tradition du Grand Guignol évoqué plus haut.
Diatribe de Roger Régent contre la mode du suspense, dézingage rapide d'Otto Preminger. Mais par ailleurs, la réalisation de Gilles Grangier (Le rouge est mis) est "d'une bonne qualité technique", quoique sans personnalité. Dans l'ensemble "le metteur en scène ne mérite aucun blâme..." Ouf ! "... sinon celui d'avoir choisi ce sujet, si toutefois c'est lui qui l'a choisi". Mince ! Foutu le Grangier ! La suite est un massacre en règle du scénario. Le seul intérêt du film ? Annie Girardot. 

Le plus beau métier du monde (23-02-1954) de Jean Cosmos - avec Jean-Claude Michel, Jean-Marie Amato, Pierre Destailles
Morceau de bravoure de près de 50 mn (pas de rubriques, à la trappe, les duettistes Beaumont/Régent) autour d'un seul coup de téléphone. Un journaliste essaie de faire parler un présumé criminel en fuite. Grand numéro de Jean-Marie Amato (la voix de Furax). Un effet de réalisation inhabituel chez Pierre Billard : le procédé d’"échos" (la dernière phrase du personnage est répétée sous forme d'écho) qui permet de passer d'un bout du fil à l'autre. 
Jean Cosmos, un habitué des séries de Pierre Billard, va aussi beaucoup écrire pour la télévision, avant d'être le scénariste régulier, à partir de 1988 (La vie et rien d'autre) de Bertrand Tavernier. 

Le chinois du Quartier Latin (04-01-1955) de Louis Chavance - Avec Hubert Deschamps (Le chinois du Quartier Latin), Pierre Delbon (Marcel Ribaldi), Guy Decomble (l'inspecteur Mignonet), Annie Girardot (Arlette Masseret), Geneviève Morel (l'hôtelière Madame Morel), Jacques Duby (Pierre Lanneau), Jacques Anquetil, Pierre Olaf, Yves Duchateau et Jean Bolo
Un étudiant se retrouve accusé de différents méfaits (crime, cambriolages) par des lettres anonymes. Louis Chavance, surtout connu pour ses collaborations à de nombreux films des années 30/40 (L'Atalante, dont il assure aussi le montage, Le corbeau...), a écrit une petite fantaisie policière, autour de personnages savoureux que l'interprétation magnifie. Hubert Deschamps joue un chinois à l'accent russe, Guy Decomble un inspecteur que le nom rend parfois peu crédible. Guy Decomble, c'est l'instituteur d'Antoine Doinel dans Les quatre cents coups ("que je dégradasse les murs de la classe").
Germaine Beaumont flingue le dernier James Hadley Chase, et Roger Régent, qui en a marre des récits policiers pour cette semaine, a apprécié la dernière pièce de Peter Ustinov, l'acteur Jess Hahn, et, surtout, Magali Noël, qui lui fait bien des choses au fin fond de son système glandulaire. Ahhh... Il la verrait bien un peu plus dénudée. Il fait ouvertement appel aux producteurs de cinéma pour qu'ils œuvrent au plus vite dans ce sens.

Son meilleur rôle (03-02-1954) de Yves Jamiaque - Avec Jacques Thébault (François Bergier), Louis Arbessier (le Docteur Herbert), Jacqueline Rivière (Hélène, l'assistante du docteur), Marcel André (le commissaire Veuillard), André Wasley, Jean Chevrin, Pierre Leproux, Pierre Marteville, Geneviève Morel, Nicolas Amato, Suzanne Cely, Lisette Lemaire et Paul Enteric
Un acteur miteux se retrouve atteint de leucémie. Il va endosser le crime d'un autre pour tenter de gagner du temps et sauver sa peau. Tout ici repose sur l'interprétation et la réalisation (très sobre, quelques bruitages et aucune musique). L'intrigue, basée sur une coïncidence hautement improbable, puisque l'acteur rencontre pile comme il faut le docteur qui est sur le point de trouver un remède pour guérir sa maladie, est plutôt laborieuse. 
Germaine Beaumont étant grippée, c'est Pierre Véry qui lit son éloge de Léo Malet et de ses Rats de Montsouris. 
Roger Régent nous régale une fois de plus : il porte aux nues Marty sans nommer son réalisateur (Delbert Mann, rien à voir avec Anthony, mais alors rien). Éloge (mesuré n'exagérons pas) de Un homme est passé. "Nous sommes dans le meilleur cinéma", il y a du suspense (pourtant nous croyions qu'il détestait ça, mais nous ne sommes pas à une contradiction près), et malgré une seconde partie plus faible, "cela reste toujours du cinéma", "c'est à l'image et à l'image seule que l'on fait appel le plus souvent pour nous toucher", "c'est dans la bonne tradition du Far West et du spectacle cinématographique". 
Roger Régent s'emballe tellement qu'il ne nous dit pas le nom de ce réalisateur de génie (John Sturges !). Une magnifique définition du cinéma et de la mise en scène. Merci Roger.



Dernière édition par Curly le Dim 27 Aoû 2023, 13:20, édité 4 fois

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mer 04 Mai 2022, 11:30

17 août 2019
Trois Faits divers - une émission de Pierre Véry et Maurice Renault - Réalisations de Pierre Billard - Bruitages Gabriel de Rivage
La Galerie des automates (21/05/1957 Chaîne Parisienne) de Roger de Lafforest - Interprétation Pierre Olivier (Arthur), Evelyne Ker (Edith), Roger Crouzet, Jean Bolo, André Wasley, Georges Chamarat (Sir Réginald), Henri Crémieux (docteur Mortimer Quadogann)
Cette histoire de testament au dénouement alambiqué, d’un réalisme douteux, d’un sadisme apte à réjouir l’auditeur habitué de l’émission, est basé sur un fait divers réel, dont la lecture au début ne peut rien dévoiler de l’histoire puisque elle n’a aucun rapport, si ce n’est l’existence d’un testament saugrenu. Une grande maison vide, un homme désabusé et menacé qui vit seul et isolé avec sa fille, qui reçoit son fiancé en cachette, et un majordome à la jambe grinçante car artificielle, tel est le point de départ de l’histoire.
Au début, rubrique de type « A travers la presse déchaînée » du Canard, recueil de bévues journalistiques, à la différence près que l’on se gausse d’un article sur un homme qui massacre sa famille à coups de hache.
Roger Régent dresse le bilan du dixième festival de Cannes, et vous allez voir qu’au pays des Marronniers, les journalistes sont rois. Les cinéastes sont marqués par leur époque, une dure époque pleine de bruits et de fureur, et la tragédie leur va mieux que le rire. « C’est le règne et le triomphe du fait divers», regrette-t-il, donnant un coup de pied comme ça mine de rien à l’émission où il est en train de passer présentement alors.
Roger Régent a beaucoup aimé un des films les plus oubliés et obscurs de ce festival, « Commando sur le Yang-Tsé » de Michael Anderson.
Second film qui a retenu son attention, « Les nuits de Cabiria ». Fellini, qui avait la côte auprès de la critique, se retrouve loué, mais à la Régent. Il refuse de comparer le film à « La strada », mais que croyez-vous qu’il fait juste après avoir énoncé ces belles paroles ? Devinez.
Les meilleurs moments :
« La strada » = « du néoréalisme de moulin à café, du néoréalisme moulu tour après tour comme une poudre qui tombe à rythme régulier dans le tiroir du moulin.»
Dans « Les nuits de Cabiria » le personnage de Giuletta Masina, Cabiria donc, prend de l’épaisseur, de la consistance au fur et à mesure, et Roger Régent a coupé dans le lard en coupant le film en deux parties comme ça, comme un boucher : « la première partie est la plus faible et la plus irritante », « Giuletta Masina joue avec tous ses trucs de cabotine, est agaçante au plus haut point » mais tout à coup au bout d’une demi-heure, soudain, elle devient excellente ! Et « parfois admirable » ! Parfois seulement ! M. Régent est vraiment sans pitié.

Capital décès (08/01/1957) de Philippe Hébert - Interprétation Gaétan Jor (l'inspecteur Leblanc), Jean-Pierre Lituac, Geneviève Morel, Pierre Marteville, Henri Virlojeux, Yves Duchateau, André Wasley, Jacqueline Rivière (Colette Salvin), Jean Brochard (monsieur Rivière) et Jean-Marie Amato (le commissaire Grosset)
Pierre Véry refuse de lire avant la dramatique le fait divers qui a servi de point de départ. Il a été modifié en profondeur, mais il permet à l’auditeur de ne pas être « aiguillé sur une fausse piste ». Par rapport au fait divers, l’auteur a heureusement complexifié l’histoire, afin de ménager retournements de situations et suspense. Mais d’un autre côté, il l’a aussi rendu plus moral, et conforme à la bienséance.
Un homme tombe dans la cour de son immeuble. Comment en est-il arrivé là ? Suicide ? Poussé par sa femme ? Le commissaire qui mène l’enquête, encore un commissaire plus ou moins calqué sur le personnage de Maigret, a la voix, ici chaude et rassurante, de Jean-Marie Amato.
Germaine Beaumont démontre que « les femmes sont douées pour écrire de bons romans policiers ».
Le Roger Régent Chronicle :
Expédition en quatrième vitesse de « Bébé Doll », qui a subi une semi traduction en français et qui est excellent. Le réalisateur, aux oubliettes, et passons à autre chose, c’est à dire… à Denys de La Patellière et son « Salaire du péché », « qui est loin d’être sans intérêt ». Il est nettement plus inspiré, Roger. Bon, « on nous r’fait le coup des Diaboliques », mais bon ça va, ça tient la rampe. Dommage que la fin soit totalement élucubratoire.
Grand final sur « Mitsou » de Jacqueline Audry. Bon, le film a l’air mauvais, mais heureusement que Roger peut admirer toute la splendeur du jeu de Danielle Delorme.

Prix Goncourt (25/05/1954) de Claude Gével - Interprétation Josette Vardier (Claire Meuzier), Pierre Trabaud (Fred Meuzier), Jean Topart (Gilles Espalin), Christiane Barry, Becky Rosanes, Lucienne Letondal, Pierre Olivier, Jacques Sarthou, Yves Duchateau, Jean-Pierre Lituac, Pierre Marteville, André Wasley et Jean Mauvais
Le fait divers (de la vie littéraire) qui inspire cette dramatique est le Prix Goncourt. Claude Gével brosse le portrait d’un gagnant minable, arriviste, et au talent discutable. Il a donc beaucoup inventé... Pas d’inquiétude, mort et enquête il y a, et pour rassurer l’auditeur, Pierre Véry nous le clame en introduction.
Le titre du Goncourt : « Le vol des canards ». Le titre de son roman suivant : « Le vol des vautours ».
Après la dramatique, lecture de quelques faits divers envoyés par les fidèles zauditeurs.
Germaine Beaumont a lu le dernier Simenon, « Maigret à l’école », et elle ne l’a pas beaucoup aimé. Le roman est « lent », les personnages, à part Maigret, ne sont pas sympathiques : ils sont sordides. Germaine est de bien mauvaise humeur car la lenteur et le sordide, c’est la marque de fabrique de Simenon.
Le cinéma de Roger : aujourd’hui, Bernard Borderie, « La môme vert-de-gris ». Roger nous dit bien à plusieurs reprises que la barre n’est pas bien haute, mais il peine à cacher qu’il s’est régalé de tout son saoul. « La réussite est complète » ! Le but que s’est fixé le réalisateur est comme une bonne tarte normande, il est tatin. Certes, ce but n’est pas « honorable », mais baste, Roger a pris son pied.
La mise en scène de Borderie est saluée dans toute sa longueur, sa largeur et sa hauteur. Un honneur que n’ont eu ni Fellini, ni même Elia Kazan (celui de Bébé Doll). Et tant qu’on y est, festival Borderie avec « Les femmes s’en balancent », autre chef d’oeuvre du Maître : ça fracasse partout, ça bécote des pépées à droite à gauche, ça picole du whisky à fond de cale. Le nirvana cinématographique de Roger Régent.
Le dernier chef d’oeuvre de la semaine, le court métrage qui passe avec « Pain, amour et fantaisie » (une comédie « délicieuse »), « L’étranger ne laisse pas de carte » « dans la plus pure tradition anglaise ». La réalisation de Norman Coy (?) est portée au pinacle. L’enthousiasme est à son comble. On en aura « le souffle coupé ».


18 février 2020
Les Maîtres du mystère - On vous attend en bas (24/02/1959 Chaîne Parisienne)
d'après William Irish -adaptation : Serge Douay - Réalisation : Pierre Billard
Interprétation : Evelyne Gabrielli, Pierre Trabaud, Jean-Jacques Steen, Pierre Moncorbier, Lisette Lemaire, Claude Bertrand, Jean Chevrin, Micheline Bona, Florence Brière, Pierre Vernier et Jean Lagache
Un mystère dont le point de départ est plus réussi que sa résolution, basée sur une histoire d’espionnage ou de trafic dont l’auteur n’a que faire visiblement.
Un jeune homme attend sa fiancée en bas d’un immeuble. Fiancée qui s’évapore dans la nature.

Les chroniques
Germaine Beaumont a aimé « Carambolages» de Fred Kassak. A tel point qu’il sera adapté pour les Maîtres du mystère par Jean Cosmos deux mois plus tard.
(cf aussi Crêpe suzette du 01/12/1959, par le même trio Kassak/Cosmos/Billard)

Les pensées de Roger Régent : Éloge, modérément enthousiaste, du «Vent se lève » d’Yves Ciampi. Roger en a toujours sa claque du suspense, on en met trop tout plein dans tous les films. Il se plaît même à en imaginer dans une version cinéma de la vie de Saint François d’Assise.
L’histoire du « Vent se lève » paraît bien convenue, mais au diable les lieux communs pour Roger, « ce scénario en vaut bien un autre », la réalisation n’est pas d’une grande subtilité, mais pour Roro, « c’est ainsi qu’il fallait faire ».
Autre perle : Curd Jurgens « est toujours semblable à lui-même », donc il est très bien. Et Mylène Demongeot doit subir ce compliment passionné : « il y a peu à dire, elle joue très correctement ».
Heureusement une pièce de théâtre vient remonter le moral du chroniqueur. « Tchin-tchin » de François Billetdoux : bon c’est vrai, ça n’a rien à voir avec Les  Maîtres du mystère, Rodger en convient, mais Billetdoux a écrit plusieurs dramatiques pour la série. Ouf, nous voilà sauvé in extremis du hors-sujet.


8 mars 2020
Les maîtres du mystère - L’affaire Lerouge d’après Émile Gaboriau, adaptation de Claude Gevel, bruitage Jean Bériac
avec Nicolas Amato (le domestique), Jean Topart (Noël Gerdy), André Reybaz (le Vicomte Albert de Commarin), Louis Arbessier (le juge Daburon), Raymond Pelissier (le commissaire de police), Henri Crémieux (Taburet), Marie Martine (le gamin), Geneviève Morel (la domestique), Yves Duchateau (un policier), Christiane Lasquin (Claire d'Arlange, fiancée d'Albert), Jean-Pierre Lituac (l'usurier Clergeau), Nelly Delmas (l'amie de Noël Gerdy), Jean Brunel (le marinier Lerouge) et Jean Toulout (le Comte de Commarin).
Intrigue criminelle autour d’un échange de nourrissons à la naissance.
Classique double enquête : la première, trop simple, se retrouve mise en question par l’enquêteur éclairé.
Le procédé dramatique est vite deviné, car il a été usé depuis jusqu’à la corde.
L’interprétation est comme très souvent dans cette série de tout premier ordre, le rythme est enlevé, Pierre Billard mène son intrigue à toute allure, et n’hésite pas à recourir à des ellipses d’importance pour aller à l’essentiel, et puis au diable la vraisemblance. L’énergie de l’ensemble emporte tout.
Émile Gaboriau, pionnier du récit policier, est le créateur du commissaire Lecoq, ancêtre lointain de Maigret, et dont les enquêtes ont été adaptées dans la série des Maîtres du mystère.
Ici, pas de Lecoq. C'est Taburet qui mène la danse, un des modèles de Sherlock Holmes. Il est l’auxiliaire non officiel de la police lorsque celle-ci piétine.

Le conseil cinéma de Roger Régent :
Ah... octobre 1959 !
Autopsie d’un meurtre d’Otto Preminger, The Krimson Kimono de Samuel Fuller, Deux hommes dans Manhattan de Jean-Pierre Melville, La mort aux trousses d’Alfred Hitchcock, Rio Bravo de Howard Hawks, Meurtre à l’italienne de Pietro Germi...
Mais Roger Régent a trouvé mieux : un remake des « 39 marches » d’Alfred Hitchcock, pour faire l’éloge, non du film, mais du roman. Il glisse avant le générique de fin, pour enfoncer une bonne fois le clou, que les couleurs du film sont particulièrement laides. Avant il aura pu nous apprendre que c’est un film de série où tout le monde fait ce qu’il faut comme il faut, l’opérateur a bien mis en marche le moteur de la caméra, les acteurs ont parlé, bougé comme il faut, et le metteur en scène n’a pas oublié de raconter une histoire.
Roger est aux anges. L’interprète principal masculin « ne manque pas d’humour » alors que son homologue féminin semble être une grande actrice : elle est « gentille ».


7 juillet 2020
Faits divers par Pierre Véry Maurice Renault
Samuel est mort deux fois (12/07/1955 Chaîne Parisienne) - plus de liens, diffusions dans les nuits du 04-07-2020 & 19-05-2021
de Roger de Lafforest - interprétation Jean-Pierre Lituac, Jean Negroni, Marcel Lestan, Jean Chevrin, Pierre Leproux, Pierre Marteville, Yves Duchateau, André Wasley, Jean Bolo, Pierre Moncorbier et Geneviève Morel - réalisation Pierre Billard
Un « fait divers » jamais rediffusé. Même l’INA n’en a pas proposé l’écoute sur son site.
Les auteurs s’inspirent d’un véritable fait divers, dont ils ne retiennent parfois qu’un détail.
Pierre Billard a déjà trouvé la méthode qu’il appliquera aussi pour les Maîtres du mystère : rapidité d’exécution, spontanéité, et un seul accompagnement musical qui tourne pendant toute la dramatique.
Une histoire de substitution de cadavres. Samuel est un indic pour Scotland Yard, qui disparaît simultanément du monde des vivants à Marseille et à Calais. C’est surtout cet aspect qui intéresse l’auteur, dont les lauriers sont tressés en ouverture par Pierre Véry. Le démantèlement d’un réseau de trafic de diamants n’est qu’un prétexte.
Nous comprenons dès le départ, pas seulement grâce au titre, que l’indic va disparaître à deux endroits en même temps. Il y aura donc un rebondissement supplémentaire, mais attention, il n’est pas éblouissant d’originalité.
Ensuite, les rubriques habituelles avec le jeu des titres, où les auditeurs proposent des titres spirituels à un fait divers.
Et enfin, le duo Germaine Beaumont/Roger Régent.
Germaine Beaumont résume la nouvelle aventure de Nestor Burma, « Les sapins dorment dans les caves », et Roger Régent s’extasie sur une comédie italienne d’Alessandro Blasetti, « Dommage que tu sois une canaille », avec Vittorio de Sica, Sophia Loren, et Marcello Mastroggani (sic).
C’est une des nombreuses comédies italiennes qui fait la jonction entre le néoréalisme de l’après-guerre qui commence à s’essouffler et la comédie italienne plus acide dont le point de départ est « Le pigeon » en 1958.
Là, nous sommes dans de la comédie gentillette, dans la veine de « Pain, amour et fantaisie », donc Roger s’emballe et n’hésite pas une seconde : il compare sans hésiter avec la comédie américaine des années 30. Blasetti ne serait autre que le nouveau Lubitsch, le nouveau Hawks.


15 juillet 2020
Faits divers avec supplément meule
Faits divers par Pierre Véry et Maurice Renault - L'assassin n'est pas coupable (26/06/1956 Chaîne Parisienne)
de Claude Gevel - bruitage Gabriel de Rivage - Interprétation Robert Murzeau (le commissaire Fautral), Silvia Monfort (Fabienne Saliroy), Josette Vardier, Jacqueline Carrel, Becky Rosanes, Lisette Lemaire, Robert Basile, Henri Virlojeux, (Monsieur Lafarge), Albert Gercourt et Jean Négroni - réalisation Pierre Billard, assistant Jean Garretto
Pierre Véry explique directement dans l’introduction ce titre mystérieux, qui du coup ne l’est plus. Il a beau se rattraper en prédisant quelques rebondissements à l’auditeur, c’est trop tard.
Donc au programme, spiritisme et réincarnation.
Souvent dans la série, les auteurs essayaient d’inventer un enquêteur original. Le commissaire Fautral est toujours secondé par sa femme dans son enquête, et celle-ci, bien qu’ayant l’esprit très affûté, reste muette de bout en bout.
Germaine Beaumont fait ensuite l’éloge de Claude Aveline, auteur qui a œuvré aussi beaucoup à la radio, avant de descendre en flèche un certain Charles Franklin.
Roger Régent n’aime pas quand ça déborde : quand c’est trop c’est trop.
Il a apprécié « Sourires d’une nuit d’été », et Ingmar Bergman est nommé à la fin mais en tant que « grand scénariste ». Après avoir énuméré les qualités du film, Roger se rend compte soudain que c’est trop. Donc, c’est trop. Le film est en fait trop riche, il a trop de qualités, et il met en garde les futurs spectateurs.
Pour résumer les qualités de la mise en scène, une seule formule passe-partout suffit : « c’est un film plein de qualités cinématographiques ».
Il a apprécié aussi « Les assassins du dimanche » d’Alex Joffé. Et là aussi, c’est trop. Il y a trop de choses, ça s’éparpille. Mais les « intentions sont bonnes » et « l’auteur mérite des compliments ».

Les Nuits ont fait sauter la rubrique « L’accident de la semaine ». C’est dommage. En voici donc l’essentiel.
C’était un accident survenu dans un atelier de meulage. L’accident n’est pas rappelé, à vous de l’imaginer.
Les deux questions posées aux auditeurs étaient les suivantes :
- Quelles sont les deux fautes commises ?
Réponse : Le support de pièces mal réglé laissait un espace trop grand entre lui et la meule – L’ouvrier ne disposait pas de matériel de prévention pour sa pièce.
- Quelles sont les éléments de sécurité indispensables que doit comporter une meule commandée électriquement ?
Une meule commandée électriquement doit comporter un carter protecteur muni d’une bavette réglable à sa partie supérieure et d’une buse de captation de poussière à sa partie inférieure, un écran transparent, un support de pièces réglables, une plaque signalétique très visible comportant la vitesse de rotation, la nature des meules pouvant être utilisées, et les diamètres maximum et minimum de ces meules. Et enfin une borne de mise à la terre.
Pourquoi avoir coupé un tel moment de poésie, si rondement meulé ?

Curly 

Curly

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Jeu 12 Mai 2022, 11:39

20 juillet 2020
Faits divers par Pierre Véry & Maurice Renault avec supplément polyandrique
L'aventure est au bout du fil  de Jacques- Daniel Norman
26/06/1956 Chaîne Parisienne – nouvelle diffusion de l’émission du 03/05/1955
interprétation Pierre Trabaud (Jacques Dubois), Rosy Varte (Claire Dornet), Jacqueline Rivière (Irène Ponsard), Jacques Morel (Lucien Ponsard), Nicole Vervil, Loleh Bellon, Becky Rosanes, Evelyne Langey, Guy Decomble, Jean Bolo, Armand Vallé-Valdy, Lucien Plaissy, Nicolas Amato, et André Wasley - réalisation Pierre Billard

Encore une fois, la présentation de Pierre Véry écrase tout le mystère que pouvait contenir la première partie de la dramatique. D’abord parce qu’il rappelle le fait divers qui l’a inspirée, et ensuite parce qu’il va nous livrer le résultat de ses réflexions sur la jalousie, sentiment qui entretient selon lui la bonne entente dans le couple. Est-ce vraiment une invite à pimenter son quotidien ?
Donc, la révélation concernant le mystérieux coup de fil suivi de celui de pistolet est émoussée dès le début. Heureusement que l’auteur, présenté comme scénariste pour le cinéma, mais qui a aussi été réalisateur, a eu l’idée d’une péripétie supplémentaire, rappelant sur certains points, sur un mode plus léger, « D’entre les morts » de Boileau-Narcejac, paru l’année précédente, qui a inspiré le « Vertigo » d’Alfred Hitchcock.
Heureusement aussi que l’interprétation soit toujours aussi réjouissante.

Les Nuits ont fait encore sauter une rubrique, et c’est toujours dommage. Car cette émission, sous le verni de la bienséance et du bon goût – que l’on sent dès le générique dit par Jean Toscane, le speaker le plus décontracté de l’histoire de la radio, toutes époques confondues - se réjouit dès que l’immoralisme pointe son nez - avec ou sans cadavres, peu importe - avec une délectation qui dépasse l’entendement.
La rubrique manquante est celle du jeu des titres. Un fait divers est proposé aux auditeurs, qui ont à lui trouver un titre, si possible spirituel.
Le fait : une londonienne a résolu le problème de la lutte des classes en se mariant à un industriel fondeur et à un ouvrier métallurgiste.
L’ouvrier travaillant de nuit, et l’industriel de jour, la chose fut possible, mais certainement quelque peu épuisante, puisqu’arriva le jour où la mariée s’emmêla les pinceaux, et fut donc découverte, gagnant le privilège d’être la vedette du jeu des titres dans « Faits divers ».
Parmi les titres proposés, plein de jeux de mots de bon ton : « Une femme, deux ménages », « Objectif à deux foyers », « Double mixte », « Les deux font l’affaire », « Une femme qui met les couchées doubles », « Une femme, deux poires, et beaucoup de pépins »...
Le winner s’inspire de l’actualité de l’époque, il tombe donc un peu à plat pour nous : « La poule (/pool) charbon-acier ». Il gagne donc le roman policier de la semaine, à condition d’envoyer à la RTF une adresse plus précise que « Dreux ».
Le fait divers sélectionné pour le prochain jeu des titres : Un docteur de St Germain des Près attaqué par quatre voyous qui le rouent de coups, lui prennent son portefeuille, et, pour parachever le tout, son pantalon. Le docteur a pu rentrer chez lui drapé dans une couverture « aimablement prêtée par les gardiens de la paix ».

Le petit courrier des amateurs de mystère et d’aventure :
Germaine Beaumont raconte presque en entier deux romans qu’elle a appréciés, et Roger Régent, qui n’est amateur ni de mystère, ni d’aventure, propose deux spectacles qui n’ont aucun rapport ni avec l’aventure, ni avec le mystère.
« Le sel de la terre » de Herbert J. Biberman, qui a beaucoup attiré l’attention à l’époque, est un film américain largement influencé par le courant néo-réaliste italien. Roger va vite nous donner envie d’aller le voir : « film attachant, un peu ennuyeux aussi parfois par des longueurs et une sorte de piétinement et de monotonie dans les caractères. Mais il fait courir en ce moment tout Paris et c’est réconfortant. Il n’y a pas que la Série Noire... »
Toutefois, les images sont « très faits divers », ce qui permet in-extremis de coller au titre de l’émission.
Roger ne voit rien d’autre à nous proposer au cinéma, parce qu’il n'y a rien vu de bon. Alors il se tourne, une fois n’est pas coutume, vers le théâtre, et plus exactement une pièce de Clifford Odets mise en scène par Raymond Rouleau, « Pour le meilleur et pour le pire » (The Country Girl).
Mais le sujet n’est pas bon : ce devrait être un sujet de roman ou de film et pas d’une pièce. L’étude psychologique, c’est pas pour le théâtre, Roger a bien réfléchi à la chose, et il est formel.
La pièce n’est pas si terrible que ça. La seule personne qui trouve grâce à ses yeux, c’est Raymond Rouleau.


27 juillet 2020
Faits divers par Pierre Véry et Maurice Renault - Madame Roc ne reçoit plus (12/10/1954 Chaîne Parisienne)
de Yves Jamiaque - bruitage Gabriel de Rivage
interprétation Marcelle Géniat (la voyante), Martine Sarcey (le Dr Anna Fontier), Lucien Nat (le professeur Verdier), Geneviève Morel, Becky Rosanes, Pierre Moncorbier, Françoise Jacquier, Jeanne Dorival, Yves Duchateau, Jean Bolo, Jean Chevrin, Pierre Amel, Robert Miller, Gaétan Jor, Jean Mauvais
réalisation Pierre Billard

La présentation de Pierre Véry laisse cette fois-ci un peu plus de place au mystère. De plus, coup de chance, Yves Jamiaque n’a vraiment pas gardé grand-chose du fait divers envoyé par Raymonde Dufour (qui gagne une brochure dédicacée), et sa lecture en ouverture ne dévoile rien de la dramatique qui va suivre.
La comparaison avec « Fantôme à vendre » de René Clair est tirée par les cheveux, et la conclusion de Véry, qui ouvre sur un débat autour des pouvoirs surnaturels des voyantes n’est que la démonstration du manque momentané d’inspiration du maître de cérémonie de « Faits divers ».
Comme très souvent dans la série, autant les rubriques accusent nettement le passage du temps,  autant l’interprétation des dramatiques se défend bien contre ledit passage.
Madame Roc est une voyante qui ne reçoit plus (c’est le titre), et qui annonce des événements qui ont la mauvaise idée de se produire. Le dénouement est assez niais. Celui proposé par Raymonde Dufour était plus excitant.
Marcelle Géniat, qui joue Mme Roc, n’a pas peur d’en faire trop, le rôle s’y prêtant bien.  

Les rubriques que les Nuits ont fait sauter :
Le lancement du tout premier « jeu des titres ». Maurice Renault propose un premier fait divers pour lequel il faudra trouver un titre. L'histoire : un message de naufragés d’une goélette vénitienne datant de la fin du XVIIIème siècle a été retrouvé par un jeune homme sur une plage italienne.

L’annonce de la dramatique du 26 octobre. Pierre Véry laisse la parole à son auteur, Pierre Léaud - le père de Jean-Pierre -, qui résume le fait divers qu’il a choisi, une histoire de contrebande de cigarettes sur la Côte d’Azur.
Maurice Renault demande en quoi ce fait l’a inspiré, et c’est là que nous apprenons que l’inspiration n’est pas encore venue, que la dramatique n’est pas encore écrite, et que le futur auteur espère avoir suffisamment d’imagination pour en tirer quelque chose de présentable. Maurice Renault le reprend énergiquement là-dessus : il a tout intérêt à en avoir !
En tout cas, il y a promesse d’actions, de coups de feu, « pas de fumée sans coups de feu » ajoute Véry qui là d’un coup a son moment d’inspiration. « Touchez pas aux blondes », renchérit Léaud.
Cela donne une idée de la rapidité d’exécution des dramatiques, puisque celle-ci sera diffusée seulement 15 jours plus tard, le 26 donc, sous le nom de « Mektoub ».

Le petit courrier des amateurs de mystère et d’aventure :
Germaine Beaumont résume toujours la quasi totalité des histoires, sachant s’arrêter juste au dénouement pour que le lecteur n’ait plus que les dernières pages à lire.
Cette semaine, c’est au tour du dernier Simenon, « L’horloger d’Everton ». La synthèse qu’elle en livre ne manque toutefois pas de pertinence : « nous voyons se dérouler en sens inverse deux destinées, celle du fils roulant vers l’abîme, celle du père remontant vers le passé... ». Bertrand Tavernier l’adaptera au cinéma, en transposant l’action à Lyon (« L’horloger de Saint Paul », 1974).
Autre roman qui a attiré l’attention de Germaine Beaumont, « Vague de chaleur » de Dana Moseley. L’héroïne, « abondamment pourvue de beauté et de gentillesse », commet une impardonnable maladresse : en pleine canicule, elle s’approche trop près de sa fenêtre ouverte, et dans le plus simple appareil. Et vous devinez quoi ? On l’a vue ! Et ce « on » est nombreux, bouffi de méchanceté. Le tout s’achève par un meurtre, « bien entendu », Germaine faisant l’effort suprême de ne pas nous nommer la victime.

Les spectacles vus par Rodger :
Roger Régent s’entraîne au grand écart. Le principe : choisir deux spectacles qui n’ont strictement rien à voir entre eux et leur trouver des points communs en se coupant les cheveux en quatre. Après les avoir tirés avec « Fantôme à vendre », ce devrait être plus facile.
Une pièce et un film « dont les sujets sont identiques, mais les analogies s’arrêtent là car ce film et cette pièce ne se ressemblent guère. Quant aux auteurs, à l’esprit de qui viendrait-il de comparer Jeanson et Tchekhov ? »
Les deux œuvres comparées sont donc « Madame du Barry » de Christian-Jaque, et « La cerisaie » mise en scène par Jean-Louis Barrault.
Comparaison : « Le propos des auteurs est semblable en ceci, qu’ils s’attachent l’un et l’autre à brosser le tableau d’un monde, d’une société, d’un régime disparu et enfoui sous les tumulus des révolutions. A ceci près toutefois que lorsque Tchekhov écrit « La cerisaie » (…) la société qu’il décrivait était toujours debout, alors que le Versailles du XVIIIème siècle, (…) il y a près de deux cents ans qu’il s’est écroulé. »
Bravo Rodger.
Maintenant les points saillants de ces deux œuvres :
« Madame du Barry » : les bons mots de Jeanson et les décolletés de Martine Carol. « Les premiers sont inégaux, et les seconds sont égaux à eux-mêmes » Roger a eu le temps de prendre les mesures. C’est d’un goût douteux admet-il, mais on ne s’ennuie pas.
« La cerisaie » : « très grande qualité...admirable sûreté de trait...troupe parfaitement homogène...compositions saisissantes... »
Après la pommade, le supplice de la roue : « en réalité il n’y a pas de pièce. Et c’est peut-être pour cela qu’en définitive malgré la qualité de cette soirée, nous restons un peu sur notre faim. » Fin.


2 août 2020
Faits divers par Pierre Véry & Maurice Renault – réalisation Pierre Billard
Le tir au pigeon (08/02/1955) de Pierre Véry –
interprétation - les tireurs : Jean Tissier (Antoine Marmion), Rosy Varte (Catherine Le Blanc)
- les pigeons : Maurice Ronet (Philippe Lesueur), Jean-Louis Trintignant (Christian Gaubert), Jacques Duby (Hubert Delanoux)
et Geneviève Morel, Caroline Clerc, Guy Decomble, André Wasley, Pierre Moncorbier, Jean Chevrin
Le fait divers choisi : un couple qui allait d’hôtels en hôtels et disparaissait à chaque fois sans laisser de trace. Les raisons ne sont pas données.
Pierre Véry n’est pas allé très loin pour trouver une explication. Au bout de quelques minutes, nous sommes fixés, et nous avons compris le titre. Le dialogue d’ouverture entre Catherine et Philippe est trop chargé de clichés pour sonner juste.
La réalisation est toujours aussi enlevée, et quelques ellipses bien senties permettent d’aller encore plus vite à l’essentiel. Philippe annonce qu’il va voir son oncle collectionneur d’art, et une seconde plus tard, sans même une seule transition musicale (il n’y en a pas dans la dramatique, contrairement aux habitudes de Billard) nous y sommes, et son père s’y trouve aussi, vitupérant contre lui.
L’essentiel ce sont les numéros du couple Rosy Varte et Jean Tissier, à qui Véry réserve un grand numéro tire-larme délicieux.
Là où Pierre Véry introduit un élément plus profond, c’est dans la toute dernière scène, où Philippe part rejoindre Catherine à la gare, malgré ce qu’il vient d'apprendre sur elle.

Le jeu des titres, coupé par les Nuits.
Le fait divers à titrer était encore bien coquin. « Londres. Le divorce a été accordé à Miss Barbara Curtis. Son mari l’avait quittée le lendemain de son mariage pour aller passer sa lune de miel avec la sœur jumelle de sa femme. Il n’a même pas essayé de prétendre qu’il avait été abusé par la ressemblance. »
Parmi les titres proposés par les auditeurs : « Sœur prise partie », « L’embarquement pour sister », « La sœur en est jetée », « Vol de nuits », « L’échange » en hommage à Claudel, « Eclipse de l’une »...
Pour la fine équipe de Faits divers, le meilleur est « Le double de la moitié ».
Le prochain fait divers à titrer est encore anglais. Enfin c’est plutôt un non-fait divers : un révérend vient à Paris pour participer à un concours international de tricots. Le révérend tricote « depuis sa plus tendre enfance. Et pendant la guerre de 14-18, dans l’armée, il tricotait même à cheval ».

Le fait divers retenu pour une prochaine dramatique ressemble à l’intrigue d’un film de Fritz Lang, « House by the River ». C’est l’histoire du criminel qui se dénonce lui-même en racontant son crime dans un récit. Dans le fait divers, c’est dans un concours de nouvelles.
La dramatique, « Crime hors concours », diffusée le 22-02-1955, est signée Boileau-Narcejac.

Le petit courrier.
Germaine Beaumont veut franchement nous faire peur. « Les amateurs de sensations fortes me seront gré de leur procurer d’exceptionnels cauchemars ».
Dans le premier roman, « L’enfer pour Jennifer », une femme tente d’innocenter son mari accusé du meurtre de sa première femme. Elle y réussit, avoue directement Germaine Beaumont, anéantissant le suspense tant vanté deux secondes auparavant. Mais comme promis, il va y avoir des cadavres à la  pelle, « aussi bien rangés que des clémentines chez un marchand de primeur ».
Un détail marquant, dans le roman un personnage exerce le métier de « relaxacisor ». Il paraît que c'est un masseur pour dames fortunées.
Deuxième roman, « La mort qui roule », un livre « positivement effrayant », ce qui n’apparait pas comme évident dans la présentation de l’intrigue. Lors d’une enquête, un agent du FBI (du éf-bé-i) tombe amoureux d’une strip-teaseuse. Une fois de retour chez lui il n’arrive plus à la joindre. Et c’est tout. La suite, Germaine ne trouve pas les mots pour la raconter tellement la terreur est au rendez-vous. « Tout ce que je puis dire, c’est qu’ayant refermé le livre, je me suis sentie qualifiée pour les soins expérimentés d’un relaxacisor ».

Les spectacles vus par Roger Régent.
« Le cinéma nous gâte ces jours-ci » commence-t-il. Le doute est jeté sur le sens du verbe « gâter ». C’est massacre à la tronçonneuse qui commence, avec trauma profond pour tous les amateurs de cinéma.
La sortie du « Crime était presque parfait » d’Alfred Hitchcock permet à Roger de ressortir tous les poncifs sur Hitchcock « habile faiseur mais sans plus », très en vogue dans les années 50, et contre lesquels se sont battus les jeunes « Cahiers du cinéma ».
On passera sur la comparaison avec Clouzot (Les diaboliques venaient tout juste de sortir), qui permet d’achever définitivement Hitchcock.
Les observations de Roger : il a vu la pièce dont est tiré le film, et il n’avait pas tout compris. Le film est donc mieux, il a tout compris, et puis avec les gros plans on peut voir ce qu’il faut voir, alors qu’au théâtre, on n'a pas forcément une jumelle…
Mais...le film est théâtral, c’est du « théâtre photographié ».
Pour finir, après avoir quand même envoyé une pique à Clouzot, pour contrebalancer l’excès d’éloge à son endroit, un film mignon, qui permet de passer une soirée-cinéma avec Audrey Hepburn, à défaut de pouvoir l’inviter au restau, « Sabrina », «pour ceux ne raffolent pas des émotions fortes et qui aiment les comédies aimables, charmantes ». « Moins réussi que « Vacances romaines » de William Wyler dans sa dernière partie », on ne saura jamais pourquoi. On ne saura jamais non plus que Billy Wilder en est le réalisateur, et qu’y jouent aussi Humphrey Bogart et William Holden, qui sont pour Roger certainement de trop.

Les Nuits ont fait sauter une annonce importante : la semaine suivante un perroquet qui a la mémoire des chiffres s'invite dans Faits divers. Il sera au centre d'une dramatique policière, « Les perroquets vivent cent ans », signée du plus fin amateur de suspense et de séries noires : Roger Régent.

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Jeu 19 Mai 2022, 19:23

13 août 2020
Faits divers par Pierre Véry & Maurice Renault
Il est plus tard que tu ne crois* (16-11-1954 Chaîne Parisienne)  de Jacques Decrest
interprétation Line Noro (Pauline Hamel), Jean Brochard (Docteur Albert  Hamel), Marcelle Praince (Alice), Becky Rosanes, André Wasley et Yves  Duchateau
réalisation Pierre Billard
*Pas de lien. En ce moment plusieurs émissions des nuits n'ont plus de page.
Nouvelle diffusion de la dramatique du 2 mars 1954, en hommage à Jacques Decrest, de son vrai nom Jacques-Napoléon Faure-Biguet, décédé en juillet.
Des lettres écrites par des soldats durant la Première Guerre Mondiale ont été retrouvées près de quarante ans après et distribuées à leurs destinataires. Outre l’interprétation une fois de plus impeccable, l’histoire évite de tomber dans un sentimentalisme niais. La lettre dont il est question dans notre histoire arrive pour boucler l’histoire de deux couples, levant un malentendu tellement enraciné dans le passé qu’il en avait été quelque peu oublié par les protagonistes. Un sujet en or, traité avec beaucoup de simplicité, car pour une fois, pas d’escroquerie, ni vol ni crime, seulement l’arrivée d’une lettre suivie de promenades et de conversations mélancoliques.

Les nuits sautent le jeu des titres. Le voici, et il est sacrément gratiné, puisque cette fois-ci c’est ouvertement une symphonie pour zigounettes.
Le fait divers « relatait la mésaventure ou la bonne aventure de cette jeune femme qui pénétra par erreur au beau milieu d’un conseil de révision en pleine activité, et s’évanouit. »
Le succès du jeu ne serait-il pas dû aussi à des choix tendancieux ? En tout cas, les producteurs sont fiers de leur histoire, qui est rappelée deux fois à la suite, une fois par Véry, une fois par Renault.
Parmi les titres donc : «Une vierge à l’armée », « Panne des sens », « Tombée des nus », « Tous les chemins mènent à l’homme », «Jeunes gens sans uniforme », « L’embarras du choix », « Destination lunes », « Fillette fillette si tu t’imagines », « Vision fugitive et longtemps poursuivie », « L’éducation instrumentale », « L’heure éblouissante ».
Le winner is « L’homme : cet inconnu ». Les autres étaient pourtant bien mieux…
Le fait divers proposé pour la suite des opérations est encore plus éblouissant : « Madame Elmer Miller marchait hier soir sur la queue de son chat. Le chat miaula, Madame Miller surprise perdit l’équilibre et tomba sur son mari qui portait une bouteille de pétrole. Celle-ci se brisa, son contenu se répandit sur le sol et prit feu au contact d’un radiateur électrique. De hautes flammes s’élevèrent, obligeant Madame Miller et son mari, et le chat, à s’enfuir à toutes jambes appeler les pompiers. »

Le petit courrier des amateurs de mystère et d’aventure :
Germaine Beaumont fait l’éloge de Jean-Pierre Conti, dont elle rappelle les précédents titres, dont « Le ciel m’est témoin », « que l’on pourrait presque comparer à une descente de rapide en canoë ».
Son dernier roman, « Mabrouk s’en va-t-en terre », récupère les recettes qui fonctionnent alors, celles d’Albert Simonin et de son grisbi. Un langage « vert plus que peppermint », et castagnes à tout va. « Avis aux amateurs ».
Le second roman est pâlichon à côté, « il y cadavres et cadavres ». Le titre : « Maintenant fermez la fenêtre ! » de Ray Lasuye. Bombardements sur une nuée d’espions. Germaine Beaumont devient exigeante, il faut que ça pète. Le problème est que l’auteur n’est pas à l’aise en plaçant son histoire dans un pays qui n’est pas le sien. En conclusion, « c’est une fenêtre que Ray Lasuye devrait fermer définitivement ».
Le ciné de Roger Régent :
Deux films sur des personnages célèbres. Aucun rapport avec le titre de l’émission ? Que nenni, Roger a plus d’un tour dans son sac : personnage célèbre = récit vécu = fait divers, et c’est dans la boîte.
En gros, Roger découvre que les films ne sont pas la réalité et que tout est peut-être romancé pour cadrer avec les conventions cinématographiquement exigées afin de faire rêver le public en émoi. Roger choisit souvent la crème de la crème du cinéma : « Houdini » de George Marshall avec Tony Curtis, et « La Belle Otero » de Richard Pottier avec Maria Felix.
Mais Roger n’est pas naïf. Pour le second film, « l’intéressée elle-même a donné son approbation au scénario. Nous avons tout lieu de penser, que le personnage reste assez fidèle au modèle ». Alors ça doit être vraiment à 2mm de la réalité.
Louis Seigner « domine l’interprétation », Maria Felix est « fort belle », même si on ne « la voit pas au mieux de sa condition ». Que peut bien sous-entendre Roger ? Il veut la voir comment ?
Houdini : Roger Régent se souvient d’un des films que le magicien avait tourné et  qu’il a vu dans son enfance, « Le maître du mystère ». « Il avait une petite tête carrée, beethovénienne, et des petits yeux gris extrêmement perçants », ce qui n’est pas le cas de Tony Curtis qui l’incarne à l’écran. Le film est « pittoresque », « ne manque pas de charme » quoique peu mystérieux.


19 août 2020
Faits divers par Pierre Véry et Maurice Renault - réalisation Pierre Billard
L'Honorable Monsieur Bouscat de Henri Grangé (13/11/1956 Chaîne Parisienne)
interprétation Henri Virlojeux, Raymond Pelissier, Jean Bolo, Geneviève Morel, Gaétan Jor, Becky Rosanes, Jean-Marie Ferté, Yves Duchateau, Marie-Jeanne Gardien, Eve Griliquez, Rosy Varte (Hélène Bouscat), Pierre Moncorbier (Louis Bouscat) et Jacques Morel (Louis Bouscat l'honorable) -

Pour une fois, Pierre Véry a la bonne idée de ne pas nous raconter l’intrigue en ouverture (il le fera à la fin). Il signale juste que l’heureux expéditeur du fait divers qui a été retenu a gagné le texte de la pièce signé de l’auteur et des interprètes.
Comme la règle de l’émission est que la morale soit sauve à  la fin, le dénouement est particulièrement dramatique, et réussi. La durée assez brève (une quarantaine de minutes) de la dramatique oblige à une certaine sécheresse dans l’exécution qui joue en sa faveur ici.

Les Nuits ont explosé le concours « Attention aux machines ».

La chronique de Germaine Beaumont :
En premier choix, « Pleins feux sur Sylvie » de Michel Lebrun, dont elle trouve l’intrigue « ingénieuse », mais les personnages « assez conventionnels ». Ce qui ne l’empêchera pas de le faire adapter pour ses « Maîtres du mystère » en 1959.
En second choix, « Peaux de bananes » de Charles Williams qui a l’air suffisamment délirant pour que l’on rappelle « aux auditeurs au cœur sensible » « qu’il arrive que le cœur parle plus haut que l’argent ».

Le moment Roger, par Roger Régent :
Roger aime bien être dans les clous, même quand il est hors-sujet. Il se plaît à résoudre presque à chaque fois ce paradoxe en usant de techniques grossières cousues de cordes blanches. Quand on y va au culot, ça marche : aujourd’hui, un court métrage sur le miracle de l’accouchement, « Tu enfanteras sans douleur » de Henri Fabiani, « une œuvre poignante ».
La corde blanche : « On peut bien dire qu’un des faits divers les plus communs, les plus quotidiens, c’est la naissance d’un être humain. »
Il nous précise que c’est un documentaire « un peu romancé ». L’expertise technique de Roger : c’est « très bien fait ».
Dans le même programme, un reportage sur le Japon et un film de Paul Paviot sur Louis Lumière. Ces trois courts métrages bout à bout valent bien un grand film, et pas seulement sur le plan du minutage, c’est ce que constate le critique éclairé.
Les deux autres films : « Invitation à la danse » de « Géné » Kelly, un vrai tour de force technique point final.
En enfin, enthousiasme général de Roger à propos de « Grand-rue » de Juan Antonio Bardem, la preuve, « il y a des défauts dans la construction de cette histoire, et les personnages en dehors de celui de la vieille fille ne sont pas très bienvenus ». Mais le film est « beau, émouvant ».
S’ensuit l’éloge de l’actrice Betsy Blair, qui est visiblement l’élément central de l’enthousiasme régentien.
La preuve : « elle peut jouer avec non moins de talent d’autres rôles. Il va devenir urgent de faire d’elle au cinéma une femme comme les autres, une femme heureuse, malheureuse, amoureuse, aimée, charmante, un peu perfide, jalouse. Il va devenir urgent de lui donner enfin dans ses films un mari ou un amant ».


26 août 2020
Faits divers par Pierre Véry & Maurice Renault – réalisation Pierre Billard
Colin Maillard (20/10/1953 Chaîne Parisienne) [c'est la rediffusion de la fiction 23-11-1954 qui est proposée, avec de nouvelles chroniques]
de Jean Marcillac
interprétation Jeanne Dorival (Silvana Manganèse !), Solange Certain (Choute), Louis Arbessier (Piedoux Alfred), Jean Topart (Abrapesco), Pierre Leproux, Yves Duchateau, Florence Brière, Gaétan Jor, Pierre Delbon (Svobad), Maurice Biraud (le chauffeur de taxi), Pierre Olivier, Albert Gercourt, Raymond Pelissier, Jean-Jacques Delbo (Inspecteur Poulet), Henri Darbrey, Pierre Moncorbier, Jean-Pierre Lituac, André Var (Morel), Jean-Claude Michel (Pascal Joulain) et Jacqueline Rivière (Renée Berthier)

Le fait divers choisi, insignifiant, juste une anecdote cocasse, est transfiguré grâce à l’imagination de Jean Marcillac en une histoire policière et d’espionnage alambiquée. Le miracle est qu’au bout d’une quarantaine de minutes, malgré l’imbroglio rocambolesque, Marcillac retombe sur ses pattes sans avoir laissé d’incohérence dans son récit d’un réalisme douteux.
Le point de départ est un pari : un étudiant tente de rallier le Quartier Latin à la Gare Saint Lazare déguisé en aveugle. Du carton est ajouté dans les lunettes noires afin d’éviter toute tentative de tricherie.
La jeunesse du début des années 50 danse sur du be-bop…mais Pierre Billard a mis du jazz New Orleans à la place. Est-ce de la provocation ? Sachant qu’à l’après-guerre les tenants de ces deux courants s’affrontèrent violemment lors de la grande bataille dite des «raisins aigres et des figues moisies ».
Pour revenir à l’intrigue, Jean Marcillac s’amuse : espionnage avec vol de plans secrets, poursuites en voitures, et un commissaire, le commissaire Poulet ! , toujours prêt à croire le premier venu qui lui raconte une histoire incroyable, uniquement pour faire avancer l’intrigue plus vite car 40 mn c’est court, pas de temps à perdre.

Pas de jeu des titres, les nuits l’ont encore atomisé.

Les chroniques des deux amateurs d’aventures et de mystères :
Germaine Beaumont rend hommage à Jacques Decrest (l'auteur de la dramatique Il est plus tard que tu ne crois) à l’occasion de la parution, posthume donc,  de son roman « Denise du bord de l’eau ».
Elle est plus cassante avec une série du Masque, les deux dernières enquêtes de Sœur Angèle, qui « ne sont pas malgré leurs titres des ouvrages de piété ». Les aventures précédentes de la sœur ont été ignorées par Germaine Beaumont car elles « étaient aussi naïves que des spectacles de patronage ».

Le ciné de Roger nous surprend d’entrée : deux films policiers américains. Il nous rassure tout de suite, leur réalisation est insignifiante, platounette au possible, seule la fin de « Nettoyage par le vide » de Victor Saville est notable par son timide expressionnisme. L’autre film est « L’alibi meurtrier » de Jerry Hopper. Roger est charmé par le scénario, et seulement le scénario. Dans les deux films, il trouve original que l’enquêteur soit, suivant le film, l’accusé du meurtre qui veut s’innocenter, ou un policier qui se met en retrait pour mener l’enquête à son compte. Des procédés ultra usés, d’ailleurs ce n’est pas un hasard si Roger les trouve dans ces deux films de série, mais là, en ce jour, il les trouve originaux. Un élément corse toutefois l’intrigue du premier film, puisque l’inculpé, au cours de son enquête est victime d’un accident qui le rend amnésique, et que ses mains, brûlées, rendent impossibles toute identification. Gloire donc à Mickey Spillane, l’auteur des enquêtes de Mike Hammer (cf « En quatrième vitesse » de Robert Aldrich), dont le roman a été adapté ici.
Le Seigneur Roger, termine par une grosse scène de jalousie. Il ne comprend pas qu’Anthony Quinn, ce gros ours mal dégrossi, « bon acteur » s’empresse-t-il de préciser, séduise autant la gent féminine. Pendant la projection durant laquelle il a autant scruté la salle que le film, il a constaté qu’apparemment les moqueries venaient des hommes, mais que les femmes « avaient l’air ravies ».



Dernière édition par Curly le Mar 25 Juil 2023, 14:24, édité 2 fois

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mer 25 Mai 2022, 13:14

22 décembre 2020
Les Maîtres du mystère - L'agent d'assurance (11-04-1961 France II Régionale) 
adaptation Michel Averlant
bruitages Jean Bériac
interprétation Jean-Charles Thibault (Charles Dickens), Raymond Pelissier (Samson), Charles Charras (Julius Collins), Robert Marcy (Adams), Jean Bolo (Alfred Beckwith), Charlotte Clasis (Madame Redforth), Alain Beach (le directeur) et Arlette Thomas (Margaret Collins)
réalisation Pierre Billard
Adaptation très réussie d’un récit court, « Pourchassé ! » (« Hunted Down »), qui raconte l’histoire d’une escroquerie aux assurances. Dans l’adaptation de Michel Averlant, Dickens devient un personnage à qui l’assureur Samson raconte l’histoire de l'infâme Julius Collins.    
L'ensemble est sacrément bien mené, à un rythme enlevé, et l'interprétation parfaite, comme souvent dans cette série.
     
Suivi par la chronique habituelle de Germaine Beaumont qui résume l’intrigue modérément originale d’un roman de la Série Noire, « Le coin du soigneur » de Nick Quarry. Et par la sortie cinéma de Roger Régent, qui parle du film de ses « amis » (Georges Franju, Boileau-Narcejac), « Pleins feux sur l’assassin », amis qu’il apprécie suffisamment pour leur dire que l’intrigue ne vaut pas tripette. Les effets de mise en scène, le son et lumière terrifiant au château du comte de Keraudren, ont par contre plu à Roger, grand amateur d’humour noir.

3 mars 2021
Faits Divers - par Pierre Véry et Maurice Renault  - réalisation Pierre Billard
Vendredi treize, jour de chance (26/02/1957) de Charles Maître
interprétation Jean-Marie Amato (Fernand), Guy Decomble (Lulu), Pierre Trabaud (Jojo), Arlette Accart (Marinette), Maurice Chevit, Jean Mauvais, Jean-Jacques Steen, Becky Rosanes et André Var
Une dramatique complétée par les rubriques habituelles. Germaine Beaumont évoque Le petit homme d'Arkhangelsk de Simenon et les œuvres complètes De Conan Doyle, et Roger Régent critique quelques films qu’il vient de voir, essentiellement des comédies. Il a du flair et des formules toutes faites du type « c’est un film fait pour divertir et oublier tous vos soucis, dont le seul but est de nous faire rire », argument de choc qui a perduré dans le monde limité de la critique pour désigner un film « insignifiant mais distrayant ». Roger a du flair comme d’habitude : il dézingue le duo Poiret/Serrault dans  Assassins et voleurs de Guitry, un film à l’humour délicieusement noir, et loue la réalisation de Victor Vicas dans Je reviendrai à Kandara d’après Jean Hougron, et Courte-tête de Norbert Carbonneaux, où circulent les comiques populaires des années 50.

La dramatique : Un des truands sur le point de faire un casse vient de gagner à la loterie, et se retire donc au dernier moment. A partir de là, plus rien ne se passe comme prévu. Le casse échoue, et la roue de la chance va tourner à deux reprises encore pour notre chanceux, qui devient malchanceux puis à nouveau chanceux. Le tout en moins d’une demi-heure. Mené une fois n’est pas coutume tambour battant, cette fiction est interprétée par des habitués. Tout roule pour le mieux.

Avant les rubriques du duo Beaumont/Régent, une discussion qui se veut à bâtons rompus, mais qui semble avoir été bien préparée, entre Pierre Véry et Maurice Renault autour des coquilles les plus amusantes parues dans les journaux. L’idée leur vient comme ça, d’un coup, de proposer aux auditeurs d’envoyer leurs coquilles préférées, à la manière de la rubrique du Canard enchaîné « A travers la presse déchaînée ».
Chacun des deux lurons donne quelques exemples de perles.
Cette conversation ne vient pas comme un cheveu sur la soupe. La fiction qui précède l’a bien préparée.

12 juillet 2021
Faits divers, par Pierre Véry et Maurice Renault - Vive la mariée ! (01/12/1953 Chaîne Parisienne) 
de Nino  Frank
interprétation Louis Arbessier (Le marquis de Saint Guy), Odette Barrois (la Princesse), Nelly Benedetti (la Comtesse Nikia), Maurice Biraud (le chef de gare), Florence Brière (le duchesse d'Ombre), Pierre Dac (le Roi Victor), Pierre Delbon  (le Prince Amédée), Gabrielle Fontan (Mama, la vieille nounou), Louis  de Funès (le Diable), Albert Gercourt (Quenelle, garde du palais),
Jean-Pierre Lituac (le Chevalier Bombard) et Pierre Olivier (le Comte de Castillon)
réalisation Pierre Billard 

Fantaisie pleine d’humour noir autour de cadavres qui tombent comme des mouches lors d’un mariage princier.
Pierre Véry tient, et il y tient énormément, à ce que nous sachions que tout cela s’est vraiment déroulé. Nino Frank a pourtant tenu à ajouter une explication irrationnelle à ce fait divers en faisant intervenir un diable de seconde zone. Louis de Funès, pas encore dans son rôle d’aboyeur hystérique, est ici plus posé. Et quelle diction… du grand art.
Cette fiction est aussi l’occasion de retrouver Pierre Dac dans le rôle du roi volage qui veut expédier le mariage de son fils pour pouvoir partir au plus vite à la chasse.
La patte de Pierre Billard, nous la retrouvons dans l’utilisation – nouvelle pour l’époque – d’acteurs venus du doublage ou du cabaret, et non d’acteurs de théâtre comme c’était l’habitude jusqu’alors, et de la musique – un air, un seul, qui ponctue toute la pièce.
Après la fiction, la lecture de l’article de presse par Jean Toscane montre que Nino Frank a volontairement mis de côté quelques morts.

Maurice Renault se délecte de quelques faits divers cocasses envoyés par les auditeurs – le premier : un homme a accepté le pari de manger une souris vivante pour gagner une voiture – avant de laisser la place au duo Beaumont/Régent.
Les livres : Germaine Beaumont a craqué sur une enquête menée par des enfants, « Maman déteste la police » de Craig Rice, et elle a tellement craqué que le livre suivant, « La planche qui craque » de Henry Holt, lui fait faire un jeu de mots qu’ici nous ne nous permettrions pas de reproduire.
Le film à ne pas voir de la semaine :
Roger Régent n’a pas de planche pour craquer, alors il est furax. Mal lui en a pris d’aller voir le navet de la semaine « La chute de la maison Usher » d’Ivan Barnett.
Il regrette la version de Jean Epstein, remplie de « provocations agressives » certes, mais vous connaissez Roger, un compliment est toujours nuancé par une petite pique bien plantée.
Quant à la version d’Ivan Barnett, un ado de 15 ans aurait fait mieux, à l’aise, nous dit-il afin que nous ayons une idée plus précise de la catastrophe cinématographique à laquelle nous avons échappé.

20 juillet 2021
Faits divers par Pierre Véry & Maurice Renault – réalisation Pierre Billard
Hallali ! (05-02-1957 Chaîne Parisienne)  - pas de lien, diffusion le 17-07-2021
de René Guillot
interprétation Marcel André (le commissaire), Jacqueline Rivière (Suzanne), Pierre Trabaud (Pablo), Henri Virlojeux (Grelot), Maurice Chevit et Jacques Amyran
Comme le titre l’indique, nous partons à la chasse. La dramatique est construite en un long flashback où l’accusé raconte au commissaire toute l’affaire qui l’a amené dans son bureau.
Une histoire policière de série à base d’usurpation d’identité, et où l’escroc se trouve être rapidement transformé en pigeon. Une fois de retour chez le commissaire, un dénouement violent vient terminer cette histoire de gros sous.
L’interprétation est comme souvent sans faille, et au diable si Pierre Trabaud joue l’espagnol avec un fort accent parisien – ses quelques tentatives de parler espagnol sont calamiteuses, mais il est difficile de parler de tentatives tant il ne semble pas s’en préoccuper.

Les chroniques Beaumont/Régent.
Germaine Beaumont ne tarit pas d’éloge sur Noël Calef et son « Ascenseur sur l’échafaud », qui sera rapidement adapté au cinéma.
Le précédent roman policier de Calef, « Échec au porteur », mentionné dans la chronique, sera aussi adapté l’année suivante, et doublement même, car en plus d’un film de Gilles Grangier – adaptation coécrite avec Pierre Véry – il y aura une version radiophonique dans les « Maîtres du mystère ».

Roger Régent revient sur un film qu’il a moyennement aimé (« ce pourrait être pire »), « La vie passionnée de Vincent Van Gogh » de Vincente Minnelli.
Faut-il adapter la vie d'une personne dont les évènements sont trop connus des spectateurs ? Voilà la problématique pas très passionnante que Roro soulève, sans qu'heureusement il ait le temps de développer plus avant, puisque c'est sa conclusion.
Il croit aussi très pertinent de préciser que la vie de Van Gogh n’est qu’une succession de faits divers, parce que c'est le nom de l'émission. Malin.
Rodg' compare le film de John Huston sur Lautrec avec celui-ci, en précisant que le Minnelli est moins faux, moins artificiel. Ce qui est cocasse quand on connaît le goût de Minnelli pour l’artifice, et quand on a vu le film.
Comme Roger n’a pas trop d’avis, il sort illico les mots passe-partout : la réalisation est honnête, le film est estimable.
Il égrène ensuite les principaux épisodes, les compare avec la réalité, sans se rendre vraiment compte qu’elle a été aseptisée dans le film. Par contre, le fait que les péripéties du film ne soient pas conforme à la réalité est une déception de taille. Rodger, il venait pour voir la vraie vie de Van Gogh, et là il y a plein de trucs qui collent pas.
Résultat, le film est « désincarné », mais Kirque Douglasse « tout à fait remarquable ».

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mer 01 Juin 2022, 13:01

26 juillet 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault
La folie en tête (09/02/1954 Chaîne Parisienne)
de Yves Jamiaque
réalisation Pierre Billard
assistant Jean Garretto
interprétation Serge Reggiani (Joseph Andriani), Jean-Pierre Lituac (Docteur Paginès), Pierre Delbon (interne Armand Carrier), Gaétan Jor (Docteur Granier), Hélène Garaud, Nelly Delmas, Suzy Dornac, Becky Rosanes, Florence Brière, Yves Duchateau, Pierre Marteville, Yves Peneau, Marcel Lestan, Pierre Amel, Jean Bolo, Jean-Louis Trintignant et Henri Belli
Le type de fait divers qui a inspiré l’histoire est devenu un élément parmi d’autres dans l'intrigue, il n'en est pas le centre. Le fait : nous sommes pendant l’Occupation à Paris, un coup de feu, et la découverte du corps d’un soldat allemand.
La fiction offre à Serge Reggiani un rôle dans lequel il excelle, celui d’un homme possédé progressivement par la folie.
Il incarne un artiste peintre engagé dans la Résistance, et qui va se réfugier chez un ami afin d’échapper à la Gestapo. Il a effectivement tué un soldat allemand avant de se rendre chez lui, mais sa tête est mise à prix pour bien d’autres faits d’armes. Cet ami dirige un hôpital psychiatrique, et il va décider de le faire passer pour un de ses patients afin de mieux le cacher. Or, patatatra, le docteur disparaît, et de faux patient Joseph Andriani va en devenir un vrai. La Libération arrive, et le voilà toujours enfermé…
La personne qui va pouvoir identifier et sauver notre héros n’est autre que celle qui l’a dénoncé à la Gestapo, ce qui ne manque pas de piquant.
Beaucoup d’acteurs au générique, mais la plupart n’ont qu’une ou deux répliques au compteur, comme Jean-Louis Trintignant à ses tout débuts, qui aura plus tard des rôles plus importants dans l’émission.
Pierre Billard néglige ses transitions musicales répétitives habituelles. Il épouse le rythme plus vif imposé par le scénario, qui fait se rencontrer les bouleversements historiques produits entre 1943 et 45 et la vie monotone, répétitive, de l’interné.

Le Beaumont/Régent’s Club

Quel contraste toujours entre l’enthousiasme de Germaine Beaumont et le jeu de massacre de Roger Régent !
La partie Beaumont : Comme souvent, elle fait mine de rien son petit repérage pour de futures émissions. Certains noms que l’on va rencontrer dans sa chronique vont se retrouver bientôt à la commande de « Faits divers » ou de « Maîtres du mystère ». Le traducteur du roman « Martel en tête » de James Reach, Maurice-Bernard Endrèbe, sera un de ces noms. Le second roman qui a les faveurs de Germaine B. est certes émaillé de cadavres, mais il n’en est pas moins fort amusant. « Les araignées d’or » de Rex Stout vaut surtout pour ses deux enquêteurs, Nero Wolfe et Archie Goodwyn.
Les enquêtes de Nero Wolfe, fort populaires chez les anglo-saxons, ont été adaptées à la télévision, et à la radio en 1943/44 pour la NBC, puis en 1945/46 pour la ABC, en 1950/51 à nouveau pour la NBC avec Sidney Greenstreet dans le rôle titre.
Au Canada, une série de la CBC en 1982.
Le site The Wolfe Pack propose des liens vers un épisode sur YouTube* (série NBC, 1946), et des liens vers des pages du site archive.org où l'on peut télécharger 35 épisodes, ceux avec Sidney Greenstreet.

* La chaîne TESLA CINEMA & RADIO a, elle, 39 épisodes de Nero Wolfe dans sa liste de lecture et beaucoup de séries policières et d'aventures issues des archives des radios américaines et anglaises.
A noter la présence de l'adaptation par Orson Welles des Misérables pour la Mutual Network ( 7 X 30 mn, juillet/septembre 1937).

La partie Roger :
Roger aimerait beaucoup faire l’éloge du dernier Jean Delannoy, « Obsession », adapté de William Irish, mais hélas, il eût aimé que le réalisateur ne le réalisât pas. Delannoy n’est pas fait pour l’action, et en plus Raf Vallone l’insupporte au plus au point.
C’est la première fois que nous voyons Michèle Morgan en couleur, « et ça lui va très bien ». Toujours coquin, Roger.
Par contre, il expédie en deux coups de cuillère à café « Toubib or not toubib » (« Doctor in the House ») de Ralph Thomas parce qu’il l’a adoré, il s’est plié en deux pendant une heure trente, même si le jeu de mots du titre français ne l’a pas emballé. Il eût été dommage que Roro faillît à sa réputation de peine-à-jouir. A un éloge plein d’enthousiasme il préfère le silence radio.


3 août 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault – réalisation Pierre Billard
Sincères condoléances (07/05/1957 Chaîne Parisienne)
de Charles Maître
interprétation Madeleine Ozeray, (Hélène), Marie-Jeanne Gardien, Régine Chantal, Jeanne Dorival, Yves Duchateau, Pierre-Alain Jolivet, Gaétan Jor,  Jacqueline Rivière (la Comtesse Geneviève du Chesnay), André Var (le Comte Edouard du Chesnay) et Jane Marken (madame Aubert)
Charles Maître, qui deviendra un des piliers les plus sûrs des « Maîtres du mystère », puis de « Mystère, mystère », a été inspiré par un fait divers qui aurait pu donner lieu à une scène burlesque de type Mack Sennett, une bagarre acharnée entre plusieurs femmes. « Elles se prirent par les cheveux », mais ce n’est pas tout, il y aurait eu selon les témoignages édifiants une tête bien frappée sur le sol, des tentatives de crevaison d’œil à coups d’aiguille à tricoter et de projection sur le sol d’une occupante de bicyclette. « Drôle de mœurs », telle est la formule à double sens qu’utilise Maurice Renault pour déplorer l’existence de telles scènes indignes du genre humain, avant de prévenir que la dramatique qui va suivre sera exempte de telles scènes. Or, s’il est vrai que Charles Maître va mettre en scène deux femmes qui vont user de ruse, et non de force, pour récupérer l’héritage d’un vieux comte sur le point de passer de vie à trépas, il y aura quand même aussi une vraie bagarre entre femmes, qui aura une importance capitale dans le dénouement de notre histoire.
L’écriture de la dramatique est vraiment efficace, et le retournement de situation final des plus inattendus, ce qui n’est pas toujours le cas dans la série.

Les chroniques Beaumont/Régent :
Germaine Beaumont a lu « T’as des visons ! » de Harry Whittington, dont elle déplore seulement la faiblesse du titre français. L’histoire d’un ancien malfrat qui tente de se refaire une virginité mais qui est poursuivi par ses anciens démons ne brille quand même pas par son originalité, mais Germaine est sous le charme, faisons lui confiance.
Second livre, « L’assassin connaît la musique » de Jacques Griss, paru aux éditions Jacquier à Lyon. Il est important de signaler l’éditeur, car notre chroniqueuse a des griefs à lui faire : couverture « déplorable » et typographie « qui par moment fait penser à une frappe de machine à écrire très usagée ».
L’histoire a ravi Germaine, mais elle ne souhaite pas nous la résumer cette fois-ci, car trop compliquée.
L’auteur croule sous les lauriers. Mais Germaine ne nous dit pas, ou ne sait pas (ce qui serait étonnant), que sous le nom de Jacques Griss se cache Louis Thomas Cervoni, dit aussi Louis Charles Thomas, dit encore Louis C. Thomas, qui sera l’auteur d’un nombre incalculable de « Maîtres du mystère ».

Roger Régent a mis les bouts, il a décidé cette semaine de draguer de la meuf sur la Riviera en nous faisant croire qu’il couvre le festival de Cannes. Mais il est là sans être là, sa chronique étant lue par Maurice Renault.
Deux films : le premier, « Celui qui doit mourir » de Jules Dassin, faisait l’ouverture du festival de Cannes. « Une œuvre ambitieuse et de haute élévation de pensée », mais dont on devine assez vite à demi-mot qu’il s’agit d’une véritable purge. Dans la distribution à caractère internationale de cette co-production internationale, Roger détache, outre Mélina Mercouri, uniquement les acteurs de la France de chez nous.
Le second, « La blonde et moi » (The Girl Can’t Help It), « une satire du monde moderne » et blablabla et blablabla… Les intentions de l’auteur (Frank Tashlin, même pas nommé dans la chronique), Roger nous les donne, mais franchement, nous sentons que là n'est pas l'essentiel. Vous voyez où il veut en venir ? Non ?
« Il y a une nouvelle bombe de Hollywood, Melle Jayne Mansfield, qui est… je ne vous dis qu’ça !
Melle Marilyn Monroe n’a plus qu’à bien se tenir. » Par contre, Roger, lui, ne peut plus se tenir. D’après l’enquête de notre cellule d’investigation, Jayne Mansfield se trouvait à Cannes en 1957, uniquement pour draguer Roger Régent. Veinarde.

                                                                            [/quote]


10 août 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault, réalisation de Pierre Billard -  pas de lien, diffusion le 7 août -
La fine équipe (25/06/1957 Chaîne Parisienne)
de Jean Cosmos
interprétation Marcel Bozzuffi (inspecteur Locquirec), Henri Crémieux (Edouard Perciny)
et Jean Chevrin, André Wasley
La contrainte, bien légère, imposée à l’auteur consiste à s’inspirer des statistiques du Ministère de l’Intérieur qui montrent qu’en 1956 sur les 363 assassinats et 1835 meurtres commis, l’enquête a abouti  « 196 fois dans le premier cas, et 1256 fois dans le second ». La fine équipe désigne l’ensemble des assassins dont le crime demeure impuni.
De Jean Cosmos, il fut déjà question dans un précédent épisode, à propos d’un autre numéro de « Faits divers », « Le plus beau métier du monde ».
Deux personnages seulement (le deux autres font presque de la figuration dans les dernières minutes), qui s’affrontent, jouent au chat et à la souris. Deux stéréotypes : l’inspecteur besogneux et malin, et de l’autre un coupable sûr de son coup, qui se prend pour un surhomme, la preuve, il est passionné par Wagner.
Un riche industriel convoque chez lui un inspecteur pour lui avouer le crime de son associé. Il est fier d’avoir commis un crime parfait, et il se pavane en racontant les moindres détails de son méfait, sachant que rien ne peut être prouvé. Il défie l’inspecteur de le faire.
Henri Crémieux est à l’honneur, et le plaisir de l’écoute tient en grande partie à la qualité de son jeu.

Le numéro Beaumont/Régent :
Germaine Beaumont vante les mérites de « Pauvres petites crevettes » de Geneviève Manceron. L’intrigue est ingénieuse, et les personnages ne manquent pas de relief. Mais Germaine ne s’étalera pas sur le relief, et se contentera comme d’habitude d’un résumé de l’intrigue. A l’arrivée, il reste le plus important, c’est-à-dire tout ce que le chroniqueur suivant abhorre : « agressions, assassinats et suicides », qui se succèdent pour le plus grand plaisir de Germaine.

Roger Régent pense qu’il est nécessaire de causer un peu du succès du moment « La première balle tue » de Russell Rouse, avec Glenn Ford et Jeanne Crain, ne serait-ce que pour dire qu’il est absolument nécessaire de ne pas en causer. L’illustre critique au goût très sûr a fait un sondage approfondi à la sortie de toutes les salles de cinéma, et il estime que « le public en est reparti bien déçu » malgré les promesses du titre. ¨
Le titre n’est pas mensonger pourtant, parce que si la première balle tue, les autres sont du coup inutiles. Peut-on attendre beaucoup d’action d’un film qui ne nous promet qu’une seule balle ?
Rodger préfère consacrer sa chronique au premier film de Marcel Camus, « Mort en fraude », qu'il a beaucoup apprécié malgré les imperfections. Lesquelles ? Inutile de les préciser. Les qualités du metteur en scène ? « Il sait voir, il sait peindre et exprimer un paysage, une atmosphère et des personnages ». Mazette quelle précision ! Encore dans le mille !
Rodger a sorti sa boule de cristal et il pressent un grand avenir pour Marcel Camus, « il deviendra sûrement quelqu’un ». L’avenir, ce sera Orfeo Negro, une Palme d’or à Cannes, un succès de mode, donc très passager, et un retour à l’anonymat avec une série de films très oubliables et donc tombés dans l’oubli.
Comme quoi, Roger Régent, comme tout le monde, peut se tromper. L’erreur est humaine, et Roger est excessivement humain.

Curly 

Curly

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Jeu 16 Juin 2022, 11:28

20 août 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault, réalisation Pierre Billard – pas de lien, diffusion le 14 août
Le spectre à cheval (01/01/1957 Chaîne Parisienne)  - pas de lien, diffusion le 14 août 2021
de Pham Van Ky
bruitages Gabriel de Rivage
prise de son Jean De Landuc
avec Rosy Varte (Mrs Sadler), Henri Guisol (le détective Harley), Nelly Delmas (Miss Tamil Rhaman), Jacques Amyran (l’inspecteur Adams), Marie-Jeanne Gardien, Henri Virlojeux, Yves Duchateau.
Rare dans « Faits divers », une histoire où le surnaturel est admis comme normal. Le point de départ n’est pas à proprement parler le résultat d’un sweepstake mais un songe qu’ont fait trois personnes. Ce songe donne le numéro gagnant de la course, et annonce la mort de l’un d’entre eux la nuit suivante dans des circonstances précises que chacun des trois va tenter d’éviter.
L’histoire se passe à Singapour, pour donner un verni d’exotisme, mais de pacotille, vu les accents approximatifs que prennent certains acteurs.
Petit tour de force de l’auteur, tout se passe dans une seule pièce, la chambre de Mrs Sadler. L’enquête est menée en partie par téléphone, et bienheureusement la fenêtre de la pièce donne sur des personnages louches qui vont vite atterrir là où il faut : chez Mrs Sadler.
Sinon, le suspense est on ne peut plus classique, mais efficace, c'est un truc qui marche à tous les coups : trois personnes, une seule doit mourir avant la fin de la nuit.
En plus, l’auteur sait maintenir l’attention des auditeurs avec des dialogues qui titillent l’imagination :
« Le détective Harley : J’ai fait mon éducation sexuelle dans un dictionnaire.
Mme Sadler : J’espère qu’il était illustré. »

Les rubriques. En plus du club Beaumont/Régent, le concours « attention aux machines ». Les auditeurs doivent trouver les moyens les plus logiques pour éviter les accidents qui sont soumis à leur perspicacité. Le but est de « développer l’esprit de sécurité ». Pas de nouvel accident dans ce numéro, car Maurice Renault en ce jour de l’an 1957 veut souhaiter le meilleur à tous sans jouer au triste sire avec des catastrophes.
La question du jour, formulée comme une injonction, sera donc « indiquez dix conseils d’ordre général de nature à prévenir les accidents de travail. »
La question-injonctive complémentaire sera « trouvez un slogan se rapportant à la sécurité dans le travail. »
Les auditeurs doivent se bouger pour répondre avant la fin de la semaine suivante sur une seule feuille de papier « commercial courant utilisée d’un seul côté ».
En revanche, les résultats du concours précédent foutent en l’air l’ambiance festive de ce jour de liesse générale. Le concours précédent : accident mortel lors d’un transport en camionnette de matériel et de personnel. Comment aurait-il fallu s’y prendre pour éviter un tel carnage ? Les recommandations nous sont données par les auditeurs futés qui ont épluché tous les arrêtés parus à ce sujet.

La chronique de Germaine Beaumont :
Deux romans ont ravi Germaine, ce qui, comme signalé dans un précédent billet, s ‘équilibre parfaitement avec les films descendus par Roger Régent juste après. « Pendez le notaire » de Jean Bommart a un excellent titre, puisqu’un notaire y est effectivement pendu. Le seul hic, c’est que ce notaire était déjà mort lorsqu’il fut pendu. Germaine nous offre la lecture de la quatrième de couv’, tout en nous avouant que ce notaire, elle l’aurait bien rependu malgré son décès trop tôt survenu, tant il méritait sa double peine, dont une sans douleur hélas.
Second roman « L’assassin a les mains nettes «  d’Alain Serdac. Un vieil homme tyrannise sa famille, mais hélas encore, on le retrouve noyé dans un canal. Qui a bien pu tuer celui que quasiment tout le monde voulait tuer ?

La chronique de Roger Régent : Roger est tombé sur deux films oubliables et oubliés. Mais qu’est-ce qui le pousse aussi sans cesse vers les derniers Jean Delannoy ou Henry Koster ?
« Notre-Dame de Paris » d’abord. Roger a aimé les couleurs et les décors. Il aime aussi Jean Delannoy, Jean Aurenche et Jacques Prévert, bien qu’ils aient fait un fort mauvais film quoiqu’expérimental. Expérimental ? Ces deux heures de film sont des images mises bout à bout – textuel - et nous pourrions changer l’ordre de ces images sans que cela change le film d’un iota. Ce serait à essayer, il n’est pas certain que Roger ait raison. Le film pourrait peut-être y gagner.
Comme dans la version radiophonique signalée plus haut, le film est centré sur les tourments libidinaux de Claude Frollo.

Hollywood « nous envoie » un film d’Henry Koster. Ce sera le second film de la semaine à Roger. Il est allé voir « Au sixième jour » en pensant d’abord que ce serait un film de guerre. Mal lui en a pris, ce n’est qu’un soap-opera sur grand écran. « De bonne confection courante », c’est un film qui « se voit sans ennui, et que l’on aurait pu aussi bien ne pas voir. »
Roger a trouvé les bons films, et les bons arguments, pour nous donner une envie irrésistible de ne pas en voir.


24 août 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault, réalisation Pierre Billard
L'honorable Monsieur Planterose (12/01/1954 Chaîne Parisienne) – pas de lien, diffusion le 21 août
de Jean Marcillac - interprétation Max Harry (Monsieur Planterose), Pierre Moncorbier (Monsieur Pilou), Jean-Jacques Delbo, Yves Duchateau, Pierre Marteville, Michel Dumur (Philippe Gérardot), Nelly Benedetti (Hélène Gérardot), Jean-Claude Michel (Pierre Gérardot), Jean-Marie Amato & Maurice Biraud (les policiers), André Wasley, Yves Gladine et Becky Rosanes (une concierge)
Pierre Véry dans sa présentation n’est pas peu fier de la fiction qui va suivre. Il en fait un peu trop, c’est vrai, mais il faut reconnaître que Jean Marcillac a mis les bouchées doubles.
Jean Marcillac est parti d’un fait divers propice aux intrigues les plus rocambolesques : « Un poète et parlementaire asiatique de passage à Paris a été dépouillé d’une valise contenant vingt feuilles de papier parfumées et pailletées d’or que les lettrés orientaux aiment utiliser pour y écrire des poésies. Ces feuilles de papier ont été retrouvées dans les chaussures d’un clochard qui s’en était fait des chaussettes russes ».
La fiction est exceptionnellement longue – 50 mn (conséquence, les Nuits ont fait sauter les chroniques habituelles) – et riche en rebondissements. Après le duo des clochards qui ouvre l’histoire, beaucoup de mouvements (d’habitude les histoires se déroulent dans deux/trois lieux différents), de personnages, de suspense, et d’humour. L'interprétation est aux petits oignons.
Jean Marcillac (1902-1996) a été un participant régulier du « Jeu de l’aventure et du mystère » et de « Faits divers », avant de prendre la tangente au moment de la création des « Maîtres du mystère ». Il va rester avec Maurice Renault et écrire pour France II Régionale (1958-1963) les séries des Sherlock Holmes, Arsène Lupin et Nick Carter, cette dernière à partir de ses propres histoires. Retour ensuite avec Pierre Billard où il signera plusieurs « Mystère, mystère ». Dans les années 70/80, on le retrouve dans les fictions de France Culture et de France Bleu. Il adapte par exemple Vanina Vanini de Stendhal en 1973 et Pour des dollars de Joseph Conrad en 1980 (dernière diffusion dans les Nuits le 23 mars 2018, plus de lien), toujours pour France Culture.

La suite de l’émission : Maurice Renault nous lit deux faits divers envoyés par des auditeurs, et Pierre Véry celui qui servira de point de départ pour une prochaine histoire, soit la découverte dans un caveau de famille d’un cercueil en trop. Jean Marcillac s’y collera une fois de plus et ce sera « Une jeune fille blonde en robe de bal » diffusé le 11 mai de la même année.
Germaine Beaumont est souffrante cette semaine. Elle a eu suffisamment de force pour lire le dernier Agatha Christie « Qui a tué Miss Mac Ginty ? », mais pas pour venir lire sa chronique. La voix décontractée de Jean Toscane fera l'affaire . Encore un résumé copieux. Germaine, facétieuse, s’est arrêtée au moment où elle allait donner le nom du coupable, qui bienheureusement est « la seule personne à laquelle nous n’avions pas pensé ». Le futur lecteur est donc bien informé.
Roger Régent, lui, a la pêche et la banane en même temps. Il se défend de défendre encore un film anglais ; c’est pas sa faute s’ils sont si intéressants. Sous-entendu : c’est pas sa faute si les films français sont si nuls.
La semaine précédente déjà il avait ardemment défendu « L’assassin a de l’humour », « film sans prétention, réalisé sans génie bien sûr ». Cette semaine se sera « Capitaine Paradis », un Alec Guiness show. D’abord, Roger nous avertit que seuls les parisiens ont la chance de voir ce film pour l’instant, les autres peuvent juste baver d’envie. Ce film a suscité un enthousiasme débordant.
Il y est fait l’éloge de la polygamie. Nous connaissons Roger et ne sommes pas surpris. Résultat, le film « n’est pas loin des meilleures réussites du genre ».


31 août 2021
Faits Divers par Pierre Véry & Maurice Renault, réalisation Pierre Billard
Les nuages (05/01/1954 Chaîne Parisienne) - les Nuits n'ont pas diffusé le duo Beaumont/Régent -
de François Billetdoux - avec Hélène Martin (interprète de la chanson) - interprétation Jean-Marie Amato (l'inspecteur Roulard), Jean Negroni, Jean Mauvais, Raymond Pelissier, Arlette Thomas, Gaétan Jor, Pierre Marteville, Jean-Claude Michel, Pierre Olivier, Lisette Lemaire, Geneviève Morel, Paula Regier, Solange Certain et André Wasley
L’éloge introductif écrit par Maurice Renault et repris par Pierre Véry insiste sur la poésie qui se dégage des œuvres de François Billetdoux. Poésie car les nuages sont une métaphore et que celle-ci est mise à l’honneur dans l'histoire, et dans une chanson que l’on pourra écouter en plein mitan de la dramatique.
Un couple parfait, un accident de voiture : la femme est retrouvée morte, et le mari gravement blessé. Est-ce un accident ? Bien sûr que non, sans cela il n’y aurait pas d’histoire. Enquête sans surprise, qui aboutit anormalement vite parce que le temps est compté, menée par un inspecteur de type Maigret –  Jean-Marie Amato, toujours impeccable - qui ne se gêne pas pour porter un jugement moral sur l’affaire. Le côté « réalisme poétique » de l’écriture n’a pas très bien vieilli, l’interprétation, elle, tient mieux la route.

Les rubriques.
Maurice Renault après avoir constaté la banalité du fait divers qui a inspiré François Billetdoux, a choisi de nous en lire quelques uns à forts potentiels romanesques : une bague qui a le don de donner la migraine à celui qui la porte, des pierres qui tombent du ciel dans un village breton, un chien qui tue un faisan d’un coup de fusil (le chien reniflait le fusil posé par son maître et le coup partit tout seul, tuant un faisan qui passait par là). Celui qui a été retenu pour une future émission est tout autre, un banal casse à la banque. Quelle déception. Mais l’écriture de la fiction a été confiée à Léo Malet et Thomas Narcejac, alors…

Germaine & Roger
Germaine Beaumont est souffrante, mais pas suffisamment pour ne pas lire un roman policier et nous en écrire un généreux résumé. Sa chronique est lue par une voix non identifiée (pas Véry ni Renault, ni Toscane en tout cas). Les élus sont cette semaine Boileau-Narcejac pour leur « dernier suspense », « Les visages de l’ombre ». Elle « ne peut révéler le dénouement d’horreur », hélas, mais elle nous en déjà dit suffisamment pour que l’on puisse imaginer le pire.

Roger Régent se pique d’un petit édito pas piqué des vers. Il se gausse des p’tits délinquants qui opèrent en suivant avec rigueur ce qu’ils ont vu dans les films du cinoche du coin, comme s’ils contenaient le mode d’emploi à suivre pour faire un bon casse. Ah ah ah, qu’ils sont nouilles, nous dit en des termes moins choisis notre expert. Tout cela nous mène à un dézingage à coups de bourre-pifs verbaux du dernier Lemmy Caution. A côté de ce produit intérieur brut, Roger trouve qu’un film comme « L’assassin a de l’humour », pourtant « loin d’être un chef d’œuvre (…) a l’air d’un très bon film ». Ce qui sous-entend que ce film est très bon à condition de le voir après le Lemmy Caution.
Le film qu’il loue avec mesure est anglais. La définition du cinéma anglais par Maître Régent : « très agréable ». Ce qui est important dans « la manière anglaise », « c’est la manière de raconter une histoire plutôt que l’histoire elle-même ». Pour nous le prouver, il nous raconte une scène très drôle du film. Rien de plus sinistre qu’un gag raconté par Roger, mais il faut reconnaître que l’exercice est difficile.



Dernière édition par Curly le Sam 19 Nov 2022, 18:12, édité 1 fois

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mer 29 Juin 2022, 12:33

Trois "Faits divers"

Le jongleur (17-11-1953) (cf aussi ici)
d'Alexandre Rivemale, adapté par Olga Lancement & l'auteur
avec Jean Servais (le jongleur), Jean-Claude Michel (Jean Rivière), Howard Vernon (Klaus Richter), Jandeline (Patricia Richter), Gabrielle Fontan (Marguerite), Paula Régier (Mme Rivière), Jean-Charles Thibault (le vieux musicien), Pierre Ollivier (le garçon de café) et Jean Bolo, Yves Duchateau, Gaëtan Jor, Régine Chantal, Becky Rosanes
Une dramatique qui prend la forme d'un conte. Le jongleur est la figure de la destinée humaine, il jongle avec les vies, l'image est toute simple.
L'histoire se passe entre 1937 et 1939, et l'auteur développe, sans se préoccuper de vraisemblance – en 40mn il fonce, peu importe si c'est cousu de fil blanc – de l'amitié forcée entre un jeune français et un jeune allemand.
Le jongleur ayant annoncé au français qu'il devait être tué par un certain Klaus Richter, tout a été mis en œuvre pour contrer le destin.
L'originalité de la pièce tient en ce que son auteur use d'ellipses dont la brutalité est accentuée par une réalisation qui ne fait rien pour les marquer, et que l'une d'entre elles contient l'essentiel de l'action.

Les rubriques : Pour les trois émissions de ce billet, la fiction est suivie de lectures de faits divers envoyés par les auditeurs.
Germaine Beaumont continue sa lecture toujours enthousiaste de résumés de romans policiers qui viennent de paraître.
Roger Régent ici tient une fois de plus à souligner qu'il veut absolument coller au titre de l'émission en proposant des spectacles et des films qui n'ont rien à voir avec les faits divers.
Il nous vante – à sa manière si nuancée – les mérites d'une comédie anglaise "Geneviève", réalisée par Henry Cornélius, dont le film le plus connu reste "Passeport pour Pimlico".
Maurice Renault prend le relais et signale la sortie du "Cave se rebiffe" d'Albert Simonin, et d'un film, "Stalag 17", qui lui rappelle des souvenirs personnels encore tout frais dans sa mémoire, et dont il vante la mise en scène sans même donner le nom de celui qui la signe. C'est un peu léger...
Mais nobody's perfect...


Porté disparu (22-12-1953) (cf aussi ici)
d'Yvan Noé
avec Michel Bouquet (Joseph / Robert Plantin), Micheline Boudet (Madeleine Plantin), Régine Chantal (Suzy Plantin), Jacky Gencel, Christian Fourcade, Anton Monéquès (?), Claude Vernier, Pierre Marteville, Pierre Garin, Becky Rosanes, André Wasley, Albert Gercourt, Andrée Tainsy, Pierre Leproux, Robert Miller, André Var

Encore une histoire de guerre. Porté disparu car atteint d'amnésie, un soldat de la première guerre va changer d'identité.
La mise en place de l'histoire est totalement artificielle, mais hautement symbolique : deux enfants rencontrent l'amnésique en arrosant un monument aux morts sur lequel le nom de notre héros est inscrit. Suit un long monologue où les enfants disparaissent d'un coup qui introduit un long retour en arrière.
L'interprétation de Michel Bouquet est d'une grande intensité. C'est du très grand art.

Yvan Noé a aussi réalisé une quinzaine de films, essentiellement dans les années 30/40, et a écrit pour le théâtre, notamment une pièce, Christian, interprétée par Harry Baur, et que Pierre Véry évoque longuement dans l'introduction de l'émission.

Nous sommes dans la période des fêtes de fin d'année, Noël approche, et Maurice Renault se refuse à la noirceur. Pourtant, avec la dramatique qui a précédé, il était bien servi. Mais stop. Il nous lit une belle histoire de sauvetage d'un avion. Action héroïque plus un brin de patriotisme, de quoi déprimer les habitués de "Faits divers" adeptes de catastrophes et d'horreurs en tous genres.
Germaine déroule ses résumés de séries noires, et Roger son film de la semaine. Celui-là encore, il fallait le trouver : "L'homme en noir" (The Dark Man) encore un film anglais de la Rank, réalisé par l'illustre Jeffrey Dell. Pour Roger cette histoire de marché noir ne tient pas la route. Le marché noir, c'était pendant la guerre, et au début des années 50, c'est plus du tout possible. Le résumé du film donné sur le net ne parle à aucun moment de marché noir, mais nous admettrons qu'un résumé n'est après tout qu'un résumé.
Maurice Renault reprend la main - mais pas au collet -  en nous présentant le prochain Alfred Hitchcock, qui s'appellera "To Catch a Thief", après avoir déroulé le résumé sans surprise de la fernandellerie à venir (L'ennemi public n°1), écrite par Max Favalelli.


L'anneau de Stone Hill (16-03-1954) (cf aussi ici)
d'Hélène Misserly
avec Jean Topart (David Spencer), Nicole Vervil (Hélène Spencer), Bernard Veron (Ken Sturmon), Nelly Delmas, Florence Brière, Suzy Dornac, Albert Gercourt, Jean Bolo, André Wasley, Guy Pierauld, Jacques Hilling, Raymond Pelissier

Hélène Misserly est présentée par Pierre Véry comme une jeune prodige de l'écriture au kilomètre. Comme bon nombre d'auteurs des "Faits divers " et autres "Maîtres du mystère", elle passera de la radio à la télé dans les années 60/70 (Série Maigret et Messieurs les jurés).
Sa courte nécrologie parue dans Le Monde  le 29 septembre 2007 nous donne quelques informations supplémentaires :
Elle a commencé sa carrière d'auteure en écrivant pour l'ORTF, RTL, Radio Luxembourg. Elle a ensuite rejoint la télévision, où elle a écrit et adapté pour la deuxième chaîne des séries et des feuilletons. Hélène Misserly, proche du Parti socialiste, avait obtenu en 1968 de l'intersyndicale de l'ORTF que les auteurs participent en tant que tels au mouvement de grève. Défendant inlassablement le droit d'auteur, elle a également consacré sa plume à la condition féminine et particulièrement à la souffrance des femmes. 

En plus d’écrire pour la radio, elle a été traductrice (Série noire), et a écrit pour les enfants (École des Loisirs).

L’histoire de l’anneau de Stone Hill reprend un thème de contes traditionnels, celui de l’objet frappé de malédiction qui détruit la vie de celui qui le possède.
Une fois cet anneau volé dans un musée, il va passer de mains en mains, pour s’arrêter dans celles de David Spencer, qui va progressivement devenir fou. La montée de la folie nourrie par des hallucinations persistantes est ce qu’a le plus développé Hélène Misserly, et c’est ce qui permet à Jean Topart de livrer une interprétation tout aussi magistrale que l’était celle de son comparse Michel Bouquet dans l’émission précédente.

La dramatique est suffisamment longue pour justifier la suppression de la rubrique la plus indispensable de « Faits divers » : l’analyse spectrale de Roger Régent.

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Ven 29 Juil 2022, 12:39

Trois "Faits divers"

Simplon Orient-Express (23-03-1954) (autre lien ici)
d'Yannick Boisyvon
avec André Var (M. Martin, le garde-barrière), Geneviève Morel (Mme Martin), Michel Dumur (Pierrot, leur fils), Jacqueline Rivière, Pierre Olivier, Marguerite Cassan, Lucienne Letondal, Yves Duchateau, Jean Bolo, Paul Waxman, Roger Trécan
prise de son, Jean De Landuc

Une double fiction, l'une emboîtée dans l'autre : d'une part le fils d'un garde-barrière qui à force de voir passer le train voudrait bien qu'il s'arrête un jour pour pouvoir prendre la clé des champs, et qui a pris sa plus belle plume pour en faire la demande au ministre concerné, et de l'autre une intrigue d'espionnage confuse, mais volontairement confuse, qui se déroule dans le fameux Simplon Orient-Express. Un double dénouement aussi. Le premier étant quelque peu abrupt – et aussi prévisible – un second a été ajouté pour satisfaire au désir du petit Pierrot et à celui des auditeurs qui ont ainsi un beau conte de Noël, mais en mars.
Comme de par hasard, Pierre Billard a choisi "Night Train" comme leitmotiv musical, standard de jazz bien connu, dérivé de la composition "Happy-go-lucky local" de Duke Ellington.

Après la fiction, Jean Toscane raconte de sa douce voix l'histoire d'un canard éventré. Le canard contenait de l'or en son sein. Maurice Renault avait préparé un jeu de mot pour ponctuer cet autre conte de Noël.
Deux autres faits divers d'inspiration animalière viennent conclure cette séquence poétique. L'un d'eux raconte l'histoire d'un perroquet soupçonné d'avoir assassiné sa maîtresse. Est-il coupable ? Est-il innocent ? Réponse dans l'émission.
Pierre Véry annonce ensuite le fait divers qui donnera "La mendigote" sous la plume de Yvan Noé ("Faits divers" du 13 avril)
Germaine Beaumont vante le dernier roman de Stanley Ellin, "The Key To Nicholas Street", traduit en français sous le titre "A double tour", et qui sera transposé à Aix-en-Provence dans l'adaptation de Claude Chabrol et Paul Gégauff ("A double tour", 1959).
Roger Régent contre-attaque. Il a vu le film qu'il fallait voir cette semaine, "La guerre des mondes" de Byron Haskin. Après avoir supposé que finalement les martiens sont peut-être en vrai des gens très fréquentables, Roger passe à une certitude absolue : ce film est "assez décevant", et quand Roger sort "assez décevant", vous devez comprendre que c'est bien plus que cela.
Il sauve une minute du film. Le reste est "bien réalisé", et quand Roger dit "bien réalisé" vous devez comprendre que le réalisateur sait utiliser une caméra, qu'il a appuyé sur "marche" quand il le fallait et bien placé les acteurs devant elle pour les faire parler au bon moment.
Maurice Renault reprend la main pour ajouter des romans policiers à la rubrique à Germaine, et parler aussi des films à venir dans nos salles en 1953.


La chasse du diable (30-03-1954) (autre lien )
de René Guillot
avec Louis Arbessier (Maréchal), Jean Brochard (docteur Sovarov), Jacqueline Rivière (Françoise), Jacques Hilling (John March, le journaliste) et René Garcia, Nelly Delmas, Qi-Du-Yen (?), Van Thu (?)
bruitages, Gabriel de Rivage
prise de son, Jean Godet

Une histoire fantastique à coloration coloniale. En Malaisie, un propriétaire tente de se débarrasser d'un de ses ouvriers, autochtone qui est en plus un méchant syndicaliste, en inventant une histoire d 'homme-singe qu'il faudrait abattre au plus vite.
La fiction est plus longue, et ce n'est pas ici justifié : les dialogues sont verbeux, l'auteur a ajouté une intrigue amoureuse tout aussi inintéressante que celle des hommes-singes. Comme dirait Roger, c'est "bien réalisé".

Après les faits divers lus par Jean Toscane et Maurice Renault, et les deux romans policiers résumés par Germaine Beaumont, Roger Régent, en pleine forme, nous offre un magnifique numéro à partir de "Touchez pas au grisbi" de Jacques Becker.
Le film est "un morceau de choix", "remarquablement tourné", "Jacques Becker est l'un des meilleurs réalisateurs"...
mais... car chez Roger il y a toujours un mais... pourquoi un réalisateur de cette trempe se contente de réaliser des petits polars sans intérêt ?  
Pour Roger, ça vaut pas mieux qu'un polar de série made in Hollywood, et même – insulte suprême – qu'un film de Bernard Borderie.



Les amants de gouttière (06-04-1954) de Yves Jamiaque (autre lien céans)
avec Nelly Delmas (Carmen Diamantina), Jean Parédès (Edouard Robinet), Maurice Biraud, (Roger Normand), Mathilde Casadesus (la concierge), Marcel Lestan (le prince Dimitri Ozgourov), et Christiane Regnault, Marguerite Jeannin
bruitages, Gabriel de Rivage

La fiction est de bout en bout un délice. Pour interpréter cette fantaisie, les acteurs semblent s'en donner à cœur joie : à cette intrigue totalement tirée par les cheveux, ils n'hésitent pas à les tirer encore plus.
Une histoire de fantôme à base de mathématiques (pour entretenir la classique opposition entre le rationnel et l'irrationnel) et de Carmen de Bizet.
Même les rôles secondaires sont caricaturaux à souhait, comme la concierge (M. Casadesus) et le prince, joué par un Marcel Lestan qui n'a rien à envier à Roger Carel dans son accent russe de pacotille.
Il s'agit de l'histoire d'un étudiant en mathématiques qui vient emménager dans un appartement voisin de celui d'une célèbre cantatrice. Il entame vite un dialogue avec un fantôme, le locataire précédent, tout aussi mathématicien que lui, qui veut avant de disparaître éclaircir le mystère de sa mort. A-t-il été empoisonné par la cantatrice avec qui il vivait une étourdissante romance depuis quinze jours, ou est-il mort d'une mauvaise grippe, ce qui serait quand même on ne peut plus surprenant ?
Afin de mener son enquête, le fantôme va entrer dans la tête de l'étudiant et lui demander de revivre ses quinze derniers jours, c'est-à-dire de vivre une folle histoire d'amour avec la fameuse Carmen Diamantina.
Le rythme est constamment enlevé : en quelques minutes seulement – et des plus drôles – le montage alterné entre les cours de chant et les cours de mathématiques montre l'évolution de la passion avec naturel et simplicité, alors que la situation est un brin invraisemblable.

Les deux faits divers lus par Jean Toscane et Maurice Renault : une confusion dans un annuaire espagnol (un hôtel Excelsior dont l'adresse est celle d'un cimetière), une grenade qui servait de bouillotte.

Germaine Beaumont fait l'éloge du dernier Stanislas-André Steeman et du dernier Dorothy Sayers, alors que Roger, lui, après Jacques Becker, s'attaque à "La femme au gardénia" de Fritz Lang. On ne s'y ennuie pas une seconde, mais le film est sans surprise, sans style, sans personnalité. Bref, du divertissement bas de gamme, mais du divertissement quand même. Roger en a tellement marre de voir de mauvais films qu'il ne fait pas la fine bouche. Le film est "bien coupé et les différentes parties sont habilement ajustées", et "le film nous retient malgré ses défauts".
Cette chronique est donc une analyse percutante, pointue, du style de Fritz Lang, menée tambour battant, vite bouclée, puisque de style, il n'y en a pas.



Dernière édition par Curly le Sam 19 Nov 2022, 18:11, édité 1 fois

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Re: ''Les maîtres du mystère'' et autres séries de Germaine Beaumont & Pierre Billard - Mar 16 Aoû 2022, 10:20

Trois « Faits divers »

La mendigote (13-04-1954) (second lien ici)
de Yvan Noé
avec Jean-Marie Amato (le commissaire), Guy Pierauld (Chapiro), Fernand Rauzéna, Maryse Paillet, Nelly Delmas, Assia, André Var, Jean-Pierre Lituac, Jean Bolo, André Wasley, Raymond Pélissier, Armand Vallé Valdy, Pierre Montcorbier (Justin)
bruitages Gabriel de Rivage
assistant de production Jean Garretto

A Nice, une mendiante est retrouvée morte dans son lit, habillée en robe du soir, avec un gros magot sous son matelas. L’enquête mène vers son fils, petit escroc en train de moisir en prison soudainement héritier, puis vers un mendiant en rivalité avec la défunte (Justin, alias Barbapoux), pour se terminer dans un casino.
L’interprétation, avec en tête le toujours parfait Jean-Marie Amato, s’en donne à cœur joie. La petite troupe de « Faits divers » est bien rodée. On retrouve aussi Fernand Rauzéna, qui fut complice de Pierre Dac dans les années 30.
Pierre Billard table sur ses acteurs pour planter l’atmosphère, plus que sur les bruitages, qui sont minimalistes. Quand il y a des scènes en extérieur, aucun son d’ambiance. Au moment de la découverte du cadavre au début, le commissaire a beau constater dans la pièce une grande quantité de mouches, nous ne les entendons pas, peut-être aussi pour atténuer quelque peu ce détail sordide.

Comme pour les deux émissions suivantes, la fiction est suivie de lectures de faits divers par Maurice Renault et Jean Toscane que complète celui choisi pour inspirer une fiction future, de la rubrique du petit courrier du mystère et de l’aventure (Germaine Beaumont et Roger Régent), et enfin de quelques brèves signées Maurice Renault.
Pierre Véry, parfois aidé de Jean Toscane, boucle le tout en présentant le fait divers qui donnera lieu à la fiction de la semaine suivante.

Pour ce numéro,
Les faits divers : une histoire d’hibernation, avec jeu de mots bien préparé par Maurice Renault pour la chute, et une anglaise à la vue surpuissante.
Germaine Beaumont présente le dernier policier humoristique de Franck Gruber, « Un joli coco ». La série de romans mettant en scène les deux héros, Sam Cragg et Johnny Fletcher a eu quelques succès aux États-Unis dans les années 40/50. Il existe une adaptation au cinéma (« The French Key » une série B du studio Republic, réalisée par un certain Walter Colmes), ainsi que une série radio (en 1948 sur la ABC).
Germaine Beaumont est moins sensible à l’humour de « Avec du tapioca » de Henri David.
La chronique de Roger Régent est exceptionnelle. Roger est enthousiaste, il ne va rien dire de négatif, rien. L’heureux élu est « Tant qu’il y aura des hommes » de Fred Zinnemann. Rien à voir avec le thème de l’émission, ce n’est ni un film d’aventure, ni un policier, mais Roger cette semaine, s’en contrefout. Ce qui l’a marqué, c’est que le film a remporté des Oscar, et qu’il est subversif. Il n’est pas à l’honneur de l’Armée américaine. Roger est touché par « cette atmosphère de désespérance et de grande aventure », ce dernier mot pour, in extremis, être dans les clous.
Roger est un petit cachottier, car il passe sous silence la fameuse scène d’amour torride, quoique balnéaire, entre Deborah Kerr et Burt Lancaster.



Un bon tuyau pour un appartement (20-04-1954) (second lien ici)
de François Timmory
avec Jacqueline Rivière (Minouche Quidam), Jean-Claude Michel (Jean Quidam), Jane Marken (Augustine Toton), Jeanne Dorival (Maryse Moisi), Becky Rosanes (Madame Plumet), Gaëtan Jot (Monsieur Plumet)
bruitages Gabriel de Rivage
assistant de production Jean Garretto

Le fait divers qui sert de point de départ à l’auteur, mais de point d’arrivée dans le récit, est une escroquerie : faire croire à des habitants d’un appartement qu’il est habité par un fantôme pour pouvoir récupérer le logement.
Un jeune couple va essayer de récupérer de cette manière l’appartement d’une de leur voisine. Dès le début, chaque élément mis en place par l’auteur, même celui qui paraît au départ le plus insignifiant, voire le plus invraisemblable (le journal intime du mari décédé retrouvé par le jeune homme dans l’appartement de la veuve) va servir ensuite le récit. Cet artifice efficace, mais classique, permet à la fiction de gagner en rythme.
L’interprétation est dominée par Jane Marken (la veuve) et Jeanne Dorival (l’occultiste). Le dialogue de cette dernière avec le fantôme est savoureux.

Les faits divers : encore une fois, la Grande Bretagne apparaît comme grande pourvoyeuse de faits divers pour l’émission. Ici un oiseau déclenche un dispositif anti-vol, parce qu’il y a élu domicile. Inimaginable en France.
Deux autres faits matrimoniaux, avec un commerçant qui propose l’enregistrement des vœux nuptiaux aux mariés pour qu’ils se les repassent dans les coups durs (ça compte comme fait divers, ça ?), et un photographe qui à cause d’une erreur de manipulation s’est retrouvé avec la photo de la mariée toute nue. Qui de mieux que Jean Toscane pour lire une histoire aussi excitante ?
Autre histoire, choisie pour une fiction à venir, celle d’une télévision où l’image fixe d’une jeune femme reste incrustée, quel que soit le programme.
Pourquoi ne pas avoir choisi l’histoire du photographe ?

Germaine a lu « Crime impuni », le dernier Simenon. « Les romans de Georges Simenon sont toujours attendus avec impatience » nous dit-elle en ouverture. Vu le rythme de parution de ses romans, l’impatience ne durait guère longtemps.
Elle trouve que le roman aurait dû être encore plus court, car la seconde partie ressemble à du tirage à la ligne. Elle se contente de parler du « meilleur du livre, soit de l’atmosphère de cette pension de famille » (la première partie donc), en en résumant copieusement l’intrigue, s’arrêtant juste avant le meurtre, juste après l’avoir fortement suggéré.

Roger  a vu deux films. Un « de bonne série » intitulé « Le vol du secret de l’atome », de Jerry Hopper. Histoire de kidnapping en échange de secrets atomiques. On y voit le FBI en action, et plein de suspense. Roger semble satisfait.
L’autre film n’a rien à voir avec l’émission, mais une fois de plus, Roger s’en tamponne. Il a adoré « Vacances romaines » de William Wyler, un film sans policier, ni aventure, ni meurtre, ni vol, pas même une petite escroquerie de rien du tout, mais qu’à cela ne tienne, en conclusion il trouvera une pirouette tirée par les cheveux pour retomber sur ses pattes.
Il nous le dit d’avance, ces vacances romaines, il n’a pas trop le temps d’en parler.  Mais il ne faut jamais se fier à son annonce puisque le temps, il va le prendre. Alors  il n’a pas grand-chose à en dire : les bons films il les reconnaît à ce qu’on a rien à dire sur eux. Une leçon que tout critique ou historien du cinéma devrait retenir.
Une autre encore  « A tous ceux qui voudraient se distraire, se détendre sans complication , sans philosophie, sans littérature, sans message social à la clé, je ne saurais trop le conseiller ».

Les échos de Maurice Renault : la police américaine décide d’humilier les détectives de l’agence Pinkerton, en leur proposant de partir à la recherche des neuf pistolets que l’agence a laissé s’envoler dans la nature.


Une jeune fille blonde en robe de bal (11-05-1954) (second lien ici)
de Jean Marcillac
avec Germaine Kerjean (Mme Le Hallec), Julien Bertheau (Olivier), Jacqueline Rivière (Pascaline), Roger Coggio (Michel), Albert Gercourt, Raymond Pélissier, Jean Bolo, Yves Duchateau, Armand Vallé Valdy, Marcel Lestan, Marie-France
prise de son Noël Barbet
opérateur Charles Marié
bruitages Gabriel de Rivage
assistant de production Jean Garretto

A l’ouverture d’un caveau de famille, on trouve un cercueil supplémentaire. Le fait divers qui sert de point de départ, Jean Marcillac s’en débarrasse dès les premières minutes. Il va axer sa fiction autour d’une histoire d’amour (Pierre Billard a sorti le prélude de « Tristan et Iseult » de Wagner) contrariée par une parente acariâtre, grande industrielle qui ne souhaite pas que son petit-fils se marie avec une fille sans fortune. L’intrigue amoureuse va mal se dénouer pendant l’Occupation allemande.
La fiction est entièrement construite autour d’un seul dialogue, ponctué de retours en arrière, entre le meilleur ami du petit-fils qui va expliquer la présence du corps de cette jeune fille en robe de bal dans le caveau, et la grand-mère teigneuse. L’interprétation de Germaine Kerjean et de Julien Bertheau est parfaite.
La chute de l’histoire, incohérente, mais heureuse, est là pour rassurer les auditeurs, effaçant un peu les atrocités commises par Mme Le Hallec, personnage sorti tout droit de l’univers de Dickens. On pense effectivement à Dickens dans l’opposition simpliste qui est faite entre la pureté, l’innocence du couple d’amoureux et la méchanceté, l’inhumanité de la grande industrielle.

Les faits divers : une jeune fille qui s’amuse à se coucher sur les rails suite à un pari (le train a freiné à temps), et un mort qui offre un banquet à ses héritiers, à Détroit (« Détroïte », dixit Jean Toscane).
Une auditrice invite les auteurs de « Faits divers » à écrire une histoire à base d’empoisonnement. Devant le manque d’originalité de la proposition, les producteurs de l’émission s’enthousiasment, ayant oublié que l’histoire qu’ils viennent de diffuser en contenait déjà un.

Les livres de Germaine : le nouveau roman de Jacques Decrest « Le salon des oiseaux », une nouvelle enquête du commissaire Gilles, est à l’honneur. Jacques Decrest sera plusieurs fois adapté dans les « Maîtres du mystère » entre 1957 et 1962. Autre livre qui a emballé Germaine, « Celui qui murmure » de John Dickson Carr, amateur comme tout un chacun de choses simples comme le surnaturel, les meurtres en chambres closes (souvenir d’une chambre jaune ?) ou la perforation d’industriel en haut d’une tour par une canne épée.

Les quatre films de Roger :
Mon premier est un chef d’œuvre (uniquement dans sa première demi-heure) qui se nomme « Soledad », un film mexicain « robuste ». C’est « l’histoire d’un médecin dans la campagne mexicaine ».
Aucune référence ne nous est donnée. Il existe bien un film mexicain du nom de « Soledad », datant de 1947, et réalisé par Miguel Zacaría. Le synopsis ne porte pas trace d’un médecin en campagne, mais tous les symptômes du mélodrame le plus romanfeuilletonesque qui soit.
Mon second vient d’Angleterre et se nomme les « Kidnapères » (in english « The Kidnappers ») directed by Philip Leacock. Deux enfants kidnappent un bébé. Roger ne voit aucun défaut, tout va bien. Mais… « tout cela ne dépasse pas une agréable gentillesse ». Aïe aïe aïe…
Mon troisième est « Une femme qui s’affiche » de George Cukor. Roger est aux anges. Effectivement c’est un peu plus costaud. Roger ne ménage pas ses éloges, il y va franco : « on rit presque sans interruption pendant une heure et demie », « si vous aimez l’humour new-yorkais allez voir ça ».
Si vous voulez la définition de l’humour new-yorkais, laissez tomber, Roger n’a pas le temps.
Mon quatrième est « Mam’zelle Nitouche » de Yves Allegret. Nous avons droit à une anecdote, vraie, fausse, peu importe, tant qu’elle démolit un navet.
Max Ophüls était pressenti pour le film, mais a hélas – ou heureusement – refusé. Il a indiqué Allegret pour le remplacer, ce qui fut fait. Mais hélas, Max Ophüls avait oublié de mentionner lequel : Yves ou Marc ?
D’où ces paroles conclusives de Roger : « Alors du film il n’y a pas d’autre chose à dire : on s’est trompé d’Allegret ».
Complétons cette conclusion en réparant un bête oubli. « Mam’zelle Nitouche » de Yves Allegret (1954, avec Fernandel) est le remake de  « Mam’zelle Nitouche » de Marc Allegret (1931, avec Raimu).

Après sa rubrique « Les échos », dans laquelle Maurice Renault narre les techniques de marketings sauvages des maisons d’éditions américaines de romans policiers, Pierre Véry annonce la fiction de la semaine suivante, une histoire de soucoupe volante, écrite par Alexandre Rivemale et intitulée « Trabadoc et Rabalax », qui, tout comme l’histoire d’empoisonnement promise auparavant (« Musique douce » de Jacques de Beaupré) n’a pas été conservée dans les archives.

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