La matinée des autres - Durga Puja : une fête traditionnelle de l'Inde (27/02/1990)
par Jacques Dupont - avec Sarkar Swati, Gosh Kr, Ukil Paramitha et Sarkar Salil - réalisation Dominique Costa
Un documentaire radiophonique d’une heure et demie exemplaire : après le récit de la légende de Durga, déesse qui a combattu et vaincu le démon, nous voilà à Calcutta, et nous suivons toute la cérémonie, décrite et commentée.
Le producteur connaît non seulement bien son sujet, mais aussi les différents intervenants avec qui il s’entretient.
Par contre, dans un élan d’enthousiasme, un des intervenants dit que la société bengali est matriarcale, ce qui peut paraître quelque peu excessif...
Mardis du cinéma - Jean Grémillon (03/10/1989)
par Geneviève Sellier - avec André Brunelin, Jean-Claude Biette, Jean-Claude Guiguet, Irène Joachim, et Roland Lesaffre
avec aussi les voix de Louis Daquin, Jean Grémillon, Roland-Manuel et Georges Sadoul
réalisation Josette Colin
L’émission parcourt les films de Grémillon par ordre chronologique. Les extraits des films sont trop longs, comme s’il s’agissait de compenser la maigreur des interventions, que l’on aurait aimées plus longues…
Jean Grémillon est un des réalisateurs phare des années 30, mais il n’a pas pu s’imposer après la guerre, et a terminé par des courts métrages de commande. Geneviève Sellier tente une réhabilitation, qui trente ans plus tard n'a toujours pas eu lieu.
Jacques Prévert a écrit pour lui, notamment « Lumière d’été » et « Remorques », films qui ne contiennent aucun mot d'auteur, dont Prévert parsème d'habitude ses dialogues.
Il était musicien, sans que soit donné plus de précision. Ami du chef d’orchestre Roger Désormière, la musique de ses films était signée Roland-Manuel (le père de Claude Roland-Manuel, réalisateur radio) ou, pour « L’amour d’une femme » (1953), Henri Dutilleux.
Alors en tournage dans le sud de la France, Désormière lui avait envoyé son enregistrement, vingt 78 tours, de « Pelléas et Mélisande » de Debussy, qu'il écoutait le matin avant le tournage. La version Désormière, malgré le passage du temps, est encore la version de référence de l'opéra, la plus homogène. Irène Joachim y est Mélisande.
En 1949, n'ayant pu tourner « Le printemps de la liberté », film prévu pour le centenaire de la Révolution de 1848, il va l’adapter pour la radio, utilisant la musique qu'Elsa Barraine avait écrite, dirigée par Roger Désormière. Dans l'émission nous pouvons entendre le prologue dit par le réalisateur. L'accompagnement musical est lourd.
Les Nuits avaient diffusé au début des années 90 l'intégralité de cette fiction, interprétée notamment par Arlette Thomas et Michel Bouquet. L'histoire est ultra conventionnelle et la symbolique aussi lourde que la musique.
Les Jean-Claude, Biette & Guiguet, insistent sur la qualité du jeu des acteurs dans ses films : Raimu, qui n’a pas du tout apprécié d’être « mis à nu », Charles Vanel, Jean Gabin, et Madeleine Renaud, peu connue comme actrice au cinéma, et qu’il emploiera pour des rôles importants dans quatre de ses films parmi les plus réussis.
Pour faire suite aux messages du
7 &
8 décembre,
Le bon plaisir de Pierre Perrault(28/10/1995)
par Marie-Hélène Fraissé - avec Yolande Simard-Perrault, archéologue, botaniste ; Camille Laperrière, monteuse à l'Office National du Film Canadien ; Martin Leclerc, cameraman ; Guy Gauthier, critique de cinéma ; Paul Warren, Yves Lacroix, critiques de cinéma ; Michel Serres, philosophe, navigateur ; Léopold Tremblay, Eloi Perron, Laurent Tremblay, habitants de l'île aux Coudres ; Claude Guisard, directeur de la Recherche à l'INA ; Jacques Douai, chanteur ; Pierre Morency, écrivain ; Gaston Miron, poète, éditeur ; Jean-Guy Sabourin, metteur en scène de théâtre. Lectures : Claude Duneton.
réalisation Rosemary Courcelle
L’émission n’a pas été programmée fin octobre 1995 par hasard. Le 30 octobre, et la productrice le rappelle brièvement au début, se tenait au Québec un référendum sur la souveraineté du Québec. Le « non » l’a finalement emporté d’une courte majorité.
Durant la dernière partie de ce bon plaisir, Pierre Perrault revient sur cette question.
L’émission s’ouvre et se referme sur les propos hagiographiques de Michel Serres, qui entre ces deux extrémités tiendra des propos nettement plus intéressants sur les capacités extraordinaires de résistance au froid qu’avaient les habitants de l'Isle-aux-Coudres. Afin de supporter des températures de -20°, ils se trempaient les mains dans l’eau pour se constituer des gants de glace, qui eux se contentaient de ne pas descendre au dessous de 0°.
La partie la plus forte est la première heure et demie, durant laquelle Perrault et M-H Fraïssé vont sur l’île aux Coudres, où au début des années 60 Perrault a fait reconstituer par les habitants la pêche aux marsouins afin qu’elle soit immortalisée «
pour la suite du monde ».
Le bon plaisir revient sur les différents aspects de l’œuvre : la radio, l’importance du langage, l’île aux Coudres, les indiens, la chasse aux bœufs musqués, la culture québécoise et sa capacité de résistance à la langue anglaise.
Avant la radio, retour sur sa brève carrière d’avocat.
L’homme, d’après les proches, a un caractère bien trempé, qui ne rend pas toujours très commodes les relations avec son équipe.
Le langage dans le cinéma de Perrault vient avant l’image, et guide même les choix de montage. Lorsque une des protagonistes d’un de ses films use d’une expression anglaise, pour en donner l’équivalence québécoise, Perrault fait un insert d’une autre séquence, avec Marie Tremblay, l’une des habitantes de l’Isle-aux-Coudres.
Il est, dans la première moitié de l’émission, question de la découverte de l'île par Jacques Cartier.
Pierre Perrault, en 1984, pour célébrer le 450ème anniversaire de la découverte du Canada, signait, avec Jean-Daniel Lafond, pour France Culture et Radio Canada une série de 13 X 1h réalisée par Janine Antoine, « Jacques Cartier : le voyage imaginé 1534-1984 ».
En 1982, Marie-Hélène Fraïssé avait elle aussi refait les voyages de Jacques Cartier : « Jacques Cartier, voyages au Canada, 1534-1541 », une série de 4 X 30 mn, où l'on entend notamment Pierre Perrault et la famille Tremblay. (Source Inathèque)
Analyse spectrale de l'Occident -
Arthur Rimbaud (07/05/1966)
par Serge Jouhet
avec Jean Paulhan, Yves Bonnefoy, Alain Veinstein et Anne de Staël
lectures Loleh Bellon, Roger Blin et Laurent Terzieff
réalisation Nicole Geisweiller
Une émission purement littéraire, qui bien sûr ne fait pas l’impasse sur la vie de l’auteur, mais qui tient à d’abord revenir sur la puissance de cette poésie.
Chacun y va de son essai sur Rimbaud, Serge Jouhet faisant le lien. Aucun entretien dans cette émission : tout est écrit à la virgule près.
Les lectures sont, pour le coup, plutôt abondantes, ce qui n’est pas toujours le cas dans les analyses spectrales.
La qualité des lectures varie. Loleh Bellon déclame, Laurent Terzieff est brillant. Mais Roger Blin, à la diction sèche et légèrement hachée, magnifique, emporte tout sur son passage.
Ce qui est particulièrement gênant lorsque, dans « Une saison en enfer », la voix de l’actrice succède à celle de Blin.
L’introduction de Jean Paulhan n’est autre que la première face d’un coffret de deux disques édité par « Le Cercle de Poésie ». Paulhan évacue tout ce qu’il n’arrive pas à comprendre dans les poèmes en le qualifiant de « fantaisie », et, petit effet rétro, l'homosexualité (la ''pédérastie'') est classée parmi les dépravations suprêmes de Rimbaud.
Anne de Staël, à la voix un peu forte et agressive, voix qui semble ne pas bien être habituée à s’exprimer à la radio, parle des associations d’images, donc de mots, dans la poésie de Rimbaud.
Ensuite, Rimbaud et le silence, avec Alain Veinstein, à la voix plus aiguë que celle qu’on lui connaît, mais qui a déjà le phrasé, les inflexions qu’on retrouvera plus tard dans les nombreuses émissions qu’il produira. Son texte, assez court, n’est pas sans maladresses, voire un peu creux (« Rimbaud ne dissocie pas la poésie de la vie »).
Yves Bonnefoy clôt l’émission : il associe d’abord Rimbaud au début de la Seconde Guerre Mondiale, moment où il l’a découvert. Son texte, lu d’une voix légèrement tremblante raconte la perception qu’ont eu du poète les auteurs du XXème siècle.
«
...Il me semble pourtant que cette leçon de Rimbaud soit beaucoup moins spontanément acceptée, ce qui est assez inquiétant. Que se passe-t-il donc ? Eh bien disons d’abord qu’une des conséquences qui découle de la conception du poème telle que Rimbaud l’a vécue, c’est que la poésie n’est jamais un art. Même avec une cruelle ironie, dans « Ce qu’on dit aux poètes à propos de fleurs », son manifeste anti-symboliste, on ne peut séparer la beauté poétique de la vérité. Et prétendre se détourner de cette dernière pour construire quelque structure de mots, d’images, de sentiments, c’est contradictoire, et ce serait aller à l’échec. La beauté n’est pas une fin, ni l’œuvre même, mais un moment, un moyen, dans une recherche plus vaste qui est celle de la présence. Il advient cependant qu’aujourd’hui beaucoup d’écrivains semblent avoir mauvaise conscience devant l’activité apparemment plus directe du militant…
...Eh bien j’accepte de penser que la parole de l’écrivain est un tout dont la structure d’ensemble modifie les assertions qu’on y trouve et en rend suspecte la vérité. Mais cette structure est prise dans celles qui sont plus vastes de la destinée individuelle et du groupe humain. Et elle prend son sens dernier, malgré tout, de la recherche de vraie vie qui peut animer parfois ces dernières.
Oui, l’art, comme tout moyen, déforme la vérité que le poète recherche, mais s’il n’y avait pas dans son esprit cette fin, au début informe et obscure, croit-on que ceux que nous respectons eussent même tenté d’écrire ?…»