Les monte-en-l'air (25-01-1955) [le lien mène vers la seule version disponible, sans les chroniques]
d’Yves Jamiaque
avec Guy Decomble (Grand Nesse), Maurice Biraud (Ti Jules), Geneviève Morel, Solange Certain, Yves Duchateau, Bernard Musson, Jean Mauvais, Jean Marconi, Lydia Zarena, Gaëtan Jor, Jacques Dumène, Jean-Pierre Lituac, Madame Benoit
prise de son Jean Godet
Comme expliqué dans l’émission du 19 octobre 54 (« Une preuve d’amour »), l’histoire du locataire qui déplace sa maison de 200km avait déjà donné naissance à « Madame Roc ne reçoit plus » (12-10-54). Yves Jamiaque, son auteur, s’était proposé d’en écrire une seconde, toujours à partir du même fait. Dans la première histoire, il n’avait gardé que l’adresse inexistante. Le reste, un professeur en médecine d’âge mûr qui tombe amoureux d’une de ses étudiantes était décevante, alors que le personnage de la voyante, Mme Roc, laissait augurer de mieux.
Dans la seconde, celle qui nous intéresse, il n’a gardé que le déplacement de la maison par la voie des airs. Après la voyance, le merveilleux pur, le miracle non-homologué par le Vatican.
Parfois, le fait divers ne mérite pas d’être modifié, mais étoffé par une couche fictionnelle. L’idée de ces « monte-en-l’air » n’est toutefois pas mauvaise.
Le terme de « monte-en-l’air » désigne au départ les cambrioleurs, mais hélas, suite à une méprise, il va désigner aussi la maison. La scène de cambriolage au début traîne volontairement en longueur. Les deux monte-en-l’air n’arrivent pas à forcer la serrure. Désespéré, l’un d’eux fait appel à Saint Parpagna, le patron bien connu des faucheurs, qui voyant la ferveur de ces fidèles ne traîne pas à s’exécuter. Il fait voler la maison dans les airs et accomplir le tour du monde, avant de se poser place de la Concorde où la foule les prend pour des extraterrestres. Cette partie voit s’enchaîner de courtes scènes : habitants apercevant la maison, extraits des journaux radio du monde entier où surnage la ville de Garenne-Bezons (lieu de villégiature habituelle de la maison volée et volante), la parole des experts, et bien sur les voisins (deux scénettes simples, mais réussies, l’une après le vol de la maison, l’autre après son retour).
L’ensemble ressemble à un sketch qui s’étire en longueur, mais le dénouement n’est pas loupé. Il fait retomber tout le monde sur ses pattes, et les cambrioleurs en prison, dans l’impossibilité d’en sortir car ayant, sous l’influence des scientifiques, perdu la foi en Saint Parpagna.
Les chroniques
Le jeu des titres. Les auditeurs ont cette fois-ci eu l’idée d’utiliser généreusement des titres déjà existants (émissions de radio de l’époque, chansons, titres de romans, de pièces… et même le titre d’un numéro de « Faits divers » !). L’histoire à titrer est des plus horribles : une femme gifle son mari car celui-ci a eu la mauvaise idée de changer de chaîne sur son poste radio. En retour, la voilà éventrée à coups d’épluche-légumes. Les titres proposés sont très nombreux, un auditeur a même envoyé un « amusant » dessin que Maurice Renault hélas ne nous décrit pas.
Le gagnant a utilisé un titre prêt à l’emploi : « La guerre des boutons ».
Le fait divers à titrer est exceptionnel. Une petite annonce : « On demande un perceur de coffre-fort connaissant bien son affaire ». Cette annonce émane, contrairement aux apparences, d’une banque, dont « la combinaison du coffre principal s’est déréglée ». Même les fabricants du coffre « n’y comprennent rien ».
Germaine a lu « Une charmante soirée » de Gills Jackson, titre qui l’a ravie. Heureusement qu’en conclusion, comme nous le pressentions, elle réussit à caser ce bon mot : cette charmante soirée sera celle du lecteur, pas celle des protagonistes du roman. « Double éclair » de Mary Durham a moins emballé notre spécialiste, double éclair qui associe une fois n’est pas coutume la mort (crime à coup de poignard) et l’amour (comme qui dirait un coup de foudre).
Roger revient sur le dernier film d’Alexander Mackendrick, « The Maggy ». « Le film est délicieux ». Non, cette fois-ci, il n’y a même pas de bémol, rien, Roger plonge dans les délices sans aucune retenue. Lui qui d’habitude omet de signaler le nom des acteurs, voire des réalisateurs, nous donne les noms et le c.v des acteurs principaux, sachant que nous n’en connaissons aucun, puisque tous sont des comédiens amateurs : un instituteur en retraite, un garçon de course du studio, une fermière, un agent de police.
Pour ne pas terminer dans l’euphorie, Roger n’a « pas de très bons renseignements à nous donner » au sujet du « Fantôme dans la rue Morgue » de Roy Del Ruth, inspiré de « Double crime dans... ». Alors là, rien, tout est mauvais, même les bons acteurs.
Les perroquets vivent cent ans (15-02-1955)
de Roger Régent
avec Louis Seigner (le commissaire Vigne), Jean Négroni (Gérard Laforgue), Caroline Clerc (Monique Combe), Joé Noël (Carolus, le perroquet), Pierre Delbon (Lucien Dorfeuille), Becky Rosanès, Florence Brière, Yves Duchateau, André Var, Jean-Louis Maury
prise de son Jean de Landuc
opérateur Charles Marié
« Cette histoire fort bien machinée fut écrite pour rendre un hommage appuyé, très appuyé (trop appuyé ?) à nos amis les perroquets, qui bien souvent s’obstinent à parler lorsqu’on ne leur demande rien, et qui sont capables de compliquer, à dessein n’en doutons pas, des affaires policières qui sans eux seraient vite bouclées pour laisser plus rapidement la place à la d’ordinaire trop courte chronique de Roger Régent. De cette histoire criminelle à suspense, encore, oui, encore du suspense, où la victime, l’innocente victime, innocente comme toujours, a été tuée à coups de pistolet, entraînant une perte de sang considérable qui va sûrement exciter l’intérêt des auditeurs avides de sensations fortes. Vivement que l’on revienne à des histoires plus saines, pleines de fraîcheur et présentant des personnages exemplaires pour notre jeunesse en manque de repères. En attendant, ce perroquet n’aurait pas vécu cent ans s’il avait été tué, lui, et non la jeune femme, par deux balles, avant d’atteindre cet âge qui est respectable pour l’humain, mais pas pour ce perroquet. Que dire de cette fiction à part ces considérations qu’il fallait impérativement rappeler ? Elle met en scène un commissaire bourru mais finalement plein d’humanité (eh oui, un de plus, comme c’est original), une morte par balles (eh oui, encore…), et une enquête qui donne naissance à une belle histoire d’amour entre la voisine de la victime et un jeune inspecteur (eh oui, encore une romance...). Un suspect, il y en aura (eh oui, encore...), et la fin de l’histoire, tristement pathétique, nous arrachera, grâce à une grosse ficelle, grosse mais qui marche toujours, une larme émue. Les auditeurs admireront l’interprétation inoubliable de l’exceptionnel Joé Noël, qui domine de son perchoir l’ensemble de la distribution. » Roger Régent
Sur ces belles paroles, le jeu des titres, avec une transition que Maurice Renault a longuement mûrie, puisque de perroquets il nous fait passer au rossignol, sachant que le rossignol ne désigne pas un oiseau mais ce qui aurait pu ouvrir ce foutu coffre-fort que ni la banque, ni le fabricant n’arrivent à ouvrir. (cf « Les monte-en-l’air », 25-01-1955). Les jeux de mots inspirés par ce triste évènement ont déferlé dans la boîte aux lettres de l’émission.
Beaucoup méritent de gagner, mais il faut n’en garder qu’un : « Fric-frac sans fric ».
Le prochain à titrer : lors d’un cambriolage, un veilleur de nuit pourtant ligoté a réussi à appeler la police, mais avec son nez.
Le fait divers, qui n’en est pas vraiment un, à transformer en chair à fiction : « on recherche les héritiers d’un Français prénommé Eugène—Xavier-Charles-Émile-Louis décédé en Amérique du Sud, né en 1870. Il était vraisemblablement originaire d’Île-de-France. » « Le rosier des eaux » de Lucie Derain (01-03-1955), la fiction en question, n’a pas été conservée dans les archives.
Germaine Beaumont a lu…
« Bien mal acquis » de Kathleen Moore Knight. Ce n’est pas « un roman noir », dans le sens où il n’y a « ni tortures ni mitraillettes » ni police, ni détective se battant dans des « mares de sang ». Mais que l’on se rassure, le lecteur aura ses repères habituels, donc une brochette de cadavres. Et puis finalement Germaine nous signale qu’il y aura quand même un détective.
Le second livre, un polar allemand « Beson noir » (?) de Johanna Moosdorf, est descendu en flèche.
« Il commence dans la brousse africaine où d’ignobles fonctionnaires coloniaux français croupissent dans le vice et l’ivrognerie. Le moins corrompu, Marcel Lebrun, a épousé une Allemande qui s’est suicidée. Il voudrait savoir pourquoi et remonter dans le passé de cette dame qu’il a connue dans la douceur idyllique d’un camp de prisonnier français en Allemagne, tenu par un couple de geôliers-gâteaux qui choyait ses prisonniers. Là, le camp délicieux est devenu un restaurant de luxe dont Marcel Lebrun tue le directeur à tout hasard. Après quoi, soulagé, il revient à l’ignominie de la colonisation française où une faible lueur est enfin projetée sur le suicide de la dame.
En fait, tout au long de ce suspense, nous n’avons été suspendu qu’au seul désir de refermer ce livre tendancieux. »
Roger a vu…
la nouvelle mise en scène de « Voulez-vous jouer avec moâ » de Marcel Achard, qu’il compare avantageusement à celle qu’il a vue pendant la guerre, avec notamment Arletty et Pierre Brasseur. La pièce, dans cette nouvelle version qui a ravi Roger, est montée comme un spectacle de cirque par la troupe des Branquignols de Robert Dhéry, avec Colette Brosset, Christian Duvaleix, et Jacques Duby.
Le film de la semaine est « Interdit de séjour » de Maurice de Canonge. Le film « pose un problème intéressant, et on ne peut pas dire qu’il soit traité », bien que « techniquement bien fait », « c’est un bon équarrissage, bien joué aussi ». Roger, en voyant Claude Laydu embrasser une jeune femme, a pensé que le curé de campagne était défroqué.