La mort du pêcheur (31-03-1970)
de Jean Chatenet
avec Berthe Bovy (Tante Maguy de Vilette), Arlette Thomas (Solange), Annick Korrigan (Monique), Christian Riehl (Ivan)
La copie conservée par l'INA est celle de la reprise dans "L'anthologie du mystère", France Inter, 1996, la musique du générique est la seconde (utilisée de septembre 54 à juillet 57) composée par André Popp pour "Faits divers". Pierre Billard assure la courte présentation. Il y présente Jean Chatenet, auteur passé à la télévision, et explique le sens du titre, ce qui ne parait pas très utile à l'auditeur qui va découvrir la pièce (donc le sens du titre) sauf peut-être pour un rappel orthographique (pécheur / pêcheur).
La bonne tante Maguy, qui porte plutôt les 83 printemps de Berthe Bovy (1987-1977) que les 65 de son personnage, annonce fièrement qu'elle est prête à tirer 30 ans de plus sur ce bas monde. Elle attend le retour de son neveu, le gentil Ivan, accompagné de sa future, Monique, tout aussi gentille. Trop de bonté, ce n'est pas possible, nous sommes dans "Mystère, mystère". Heureusement, Arlette Thomas, la dame de compagnie, est là. La présence de cette actrice met tout de suite la puce à l'oreille. Elle annonce séèchement qu'elle quitte Madame pour de meilleurs cieux, et que sa présence dans la maison est incompatible avec celle de ce pas si gentil Ivan. Le meurtre du titre a été commis avant le début de la pièce. Le bon tonton a eu un bête accident, provoqué, selon les dires de Solange / Arlette par ce neveu qui cache gentiment son jeu. Il revient chez sa tata pour toucher le pactole, puisqu'elle est le second et dernier rempart qui le sépare de l'héritage à tata.
Jean Chatenet exploite habilement la situation de cette vieille femme entourée de jeunes gens qui semblent ne pas agir avec beaucoup de sincérité. Mais peut-on savoir qui ment le plus ? La dame de compagnie, ou le neveu ? Quant à la future de ce dernier, bien que fort gentille, elle reste cantonnée dans un rôle très secondaire.
Ce moment où l'on ne sait lequel des deux manipule la tata, qui panique à l'idée d'être assassinée par son gentil Ivan, ce moment d'incertitude est le plus saillant de la pièce. Autre moment très incertain, mais cette incertitude reste de courte durée, la chute de Berthe dont on ne sait – magie de l'absence d'image – s'il s'agit d'un évanouissement ou d'un meurtre.
Berthe Bovy dans "L'affaire Maurizius" (1954) de Julien Duvivier, en compagnie de Charles Vanel.
Les mains propres (16-05-1972)
de Jeannine Raylambert
avec Rosy Varte (Mme Drumont), Henri Poirier (le commissaire), Pierre Leproux (Edgar Jacquin), Sylvain Joubert (Olivier Drumont), Arlette Thomas (Elsa Drumont)
Le générique annonçe les "Maîtres du mystère" car c'est une nouvelle diffusion de la pièce sur France Inter, le 18 août 1998, à l'initiative du producteur Patrick Liegibel.
Jeannine Raylambert sait, comme bien des auteurs, que les mythes grecs contiennent suffisamment de bons ingrédients prêts à être réutilisés, adaptés, transformés. La tragédie peut aisément devenir un récit criminel, et des plus atroces.
Donc, après "Britannicus" devenu "Tout sucre tout fiel" (19-11-1968), voici "Les mains propres" d'après la tragédie d'"Electre", sans doute la version Sophocle, mais rien n'est moins sûr, tant les transformations effectuées sont importantes.
Rosy Varte baigne dans son élément lorsqu'il faut interpréter la veuve faussement éplorée mais bien vite joyeuse. Elle semble se parodier, la situation étant suffisamment scabreuse pour s'y prêter. De même la sécheresse, le cynisme, et l'ironie des deux enfants qui accueillent fraichement l'amant Edgar Jacquin apporte un peu d'humour noir, les interprètes y étant pour beaucoup.
Le jeu des acteurs qui incarnent les deux enfants, Elsa et Olivier, âgés respectivement de 18 pour Elsa et 21 ans, est proche de celui des tragédiens, surtout dans les scènes où ils sont seuls. Arlette Thomas et Sylvain Joubert sont invités à surjouer leur nervosité, leur agitation émotionnelle, en vitupérant de manière passionnée. Cela oriente la pièce vers la tragédie, ce type de jeu étant inusité d'ordinaire dans l'émission.
L'intrigue d'Electre a été quand même "élaguée". Le frère n'y fait pas grand chose, il laisse la vedette à sa sœur.
Le père est mort en pleine mer, alors qu'il faisait un petit tour sur son voilier, non pas en Grèce, mais en Bretagne. Les deux amants coupables, sont au départ les cibles des enfants, mais Jeannine Raylambert fait preuve de pudibonderie en n'allant pas au bout de la tragédie annoncée. Les deux enfants veulent tuer leur mère et son amant, mais se rabattent bien vite sur l'amant seul. L'enjeu étant de savoir lequel des deux, d'Elsa ou d'Olivier, va passer à l'acte et venger leur père. Un enjeu franchement moins intéressant que celui de l'histoire d'Electre, dans laquelle on ne lésine pas sur les horreurs dans le dénouement, puisque matricide il y a.
Le commissaire Henri Poirier, cette fois-ci dans "Solo" (1969) de Jean-Pierre Mocky (de dos sur la photo), qui l'a utilisé comme second rôle dans nombre de ses films.