Suite de « l’enquête sur l’art et l’usage des enregistrements sonores », cf plus haut.
5 - André Schaeffner (29/07/1964), anthropologue et ethnomusicologue, directeur du département d'ethnomusicologie musée de l'Homme.
Il a été déjà été question d’un hommage à André Schaeffner à propos d’un numéro de « La musique et les hommes ».
Sur les deux heures que durent l’émission, seulement une demi-heure retrace l’histoire de l’enregistrement en ethnomusicologie.
Nous avons l’impression qu’André Schaeffner est quelque peu las de raconter pour la énième fois la même histoire, qu’il déroule avec lenteur et sûreté.
Nous pouvons écouter quelques enregistrements effectués par des ethnologues de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle avec un phonographe Edison. L’arrivée du magnétophone portatif a considérablement facilité le travail des ethnologues.
Le reste de l’émission, donc l’essentiel, fait un peu doublon avec la partie Henry Barraud et Michel Philippot. On en arrive à la différence entre les musiques « primitives » et les musiques dites « civilisées ». Il y a comme un flottement, une gêne, dans l’utilisation de cette terminologie, et c'est compréhensible.
Guy Erismann interroge André Schaeffner sur la différence, et ses préférences, entre la musique enregistrée en studio et celle enregistrée en public. C’est en tant que président de la Société française de musicologie qu’intervient l’invité durant le restant de l’émission, et ses interventions présentent de gros points communs avec celles de Henry Barraud.
La programmation musicale, choisie par Schaeffner, est ensuite plus conventionnelle, avec explications succinctes.
Le choix au début du scherzo « à la bulgare » du 5ème quatuor de Bartok, avec une explication du rythme, en réalité d’inspiration turque, est celui pour lequel Schaeffner s’investit un minimum.
Ensuite, ce seront de brèves présentations suivies de l’extrait : Pierrot lunaire de Schoenberg, Don Carlos de Verdi, Boris Godounov de Moussorgsky, qui est rapproché, ce qui est surprenant, de Noces de Stravinsky, par le miracle de l’écoute sur disque, et enfin de l’orgue avec Francis Chapelet jouant du Correa de Arauxo dans une petite église espagnole (Covarrubias).
Tout l’aspect ethnomusicologique, qui aurait pourtant dû être au centre de cette émission de 2h, a été liquidé dans la première demi-heure.
6 - Jean Thévenot (31/07/1964), journaliste, producteur d'émissions de radio et de télévision.
Jean Thévenot a créé sur les ondes en 1948 la première émission proposant l’écoute d’enregistrements amateurs. L’émission va s’appeler « Aux quatre vents » avant de devenir dans les années 70 «Chasseurs de sons stéréo » sur France Musique et « Chasseurs de sons » sur France Culture. La diffusion d’enregistrement amateurs a disparu de l’antenne au début des années 2000.
Après la disparition de Jean Thévenot en 1983, Paul Robert et Dominique Calace de Ferluc avaient repris le flambeau, le dimanche matin à 7h.
Le problème avec les enregistrements amateurs, c’est que justement, comme le souligne Guy Erismann, ils sont souvent pittoresques, anecdotiques. La première heure propose en nouvelle diffusion une anthologie d’enregistrements amateurs, « Pris sur le vif » (1961), qui nous emmène de Gustave Eiffel à une éclosion de poussin, en passant par un papa qui a enregistré l’accouchement de sa femme…
Un autre amateur a éprouvé la solidité de la bande magnétique en lisant plusieurs milliers de fois le même passage.
Un autre (ou alors c'est le même je ne sais plus) a enregistré sa fille lisant le même conte, chaque année, de l’âge de 7 ans à 12 ans.
Deux choses : d’abord tout cela paraît totalement futile. Ensuite il est évident, et le constat est le même avec la vidéo, que l’on ne se comporte pas de la même manière lorsque l’on est conscient que l’on est enregistré.
Pour cette émission, Guy Erismann s’est mis en retrait et laisse le champ libre à son invité.
La présentation de différentes associations, notamment les échanges de « voix » qui permettent de faire connaissance avec des correspondants du monde entier, aboutit à l’évocation d’un futur « magnétoscope » accessible aux particuliers. Que dire, alors que nous en sommes aux films sur téléphones portables...
Un instituteur vient aussi présenter, exemples à l’appui, les intérêts d’une utilisation pédagogique du magnétophone. Les élèves ont l’air enthousiastes, le maître tente parfois de les modérer un peu.
Faire entendre à l’élève sa propre voix permet de travailler plus efficacement la lecture, c’est ce qui est montré avec l’enregistrement d’un élève israélien. L’enregistrement n’est plus alors une expérience comme celle du père enregistrant sa fille lisant le même conte à différents âges, mais une aide apportée à l’élève afin qu’il progresse.
Lorsque les élèves envoient une bande à des correspondants étrangers, la magie du montage offre la possibilité de gommer les fautes de lecture.
Jean Thévenot est allé rendre visite à Marcel Allain, l’auteur de Fantômas. Il raconte sa méthode d’écriture, la même depuis 1911 lorsqu'il travaillait avec Pierre Souvestre : il enregistre son texte au phonographe, et il ne reste à sa secrétaire qu’à dactylographier le cylindre. Il les réutilise plusieurs fois en les rabotant. Il récupère des cylindres à droite à gauche qu’il rabote afin d’enregistrer sa voix par dessus. Il est donc semble-t-il le responsable de la destruction d’un certain nombre d’enregistrements de caf conc’, qu’il a détruit sans aucune arrière-pensée. Jean Thévenot n’en revient pas.
Nous avons l'honneur d'écouter un bout d'un de ses cylindres récents. Le son est atroce. L'auteur refuse de passer au magnétophone, pourtant plus pratique.
9- Jean-Marie Grenier (14/08/1964)
Passons plus rapidement sur cette partie, qui est une sorte de continuation de la précédente. Jean-Marie Grenier est critique de disques. Et adepte d’expériences qui sont tombées en totale désuétude : le diaporama sonore. Il a par exemple ramené Don Giovanni de Mozart à 45 mn, résumant l’action et superposant à la musique des images « symboliques » prises à Aix-en-Provence, festival lyrique oblige.
Ses idées sont très arrêtées : par exemple, il trouve que c’est un sacrilège de mettre du Vivaldi dans un documentaire sur les centrales nucléaires. Mais pourquoi pas ?
Les vingt dernières minutes : la fin de Tannhauser dirigé à Bayreuth en 1962 par Wolfgang Sawallisch. Enregistrement imparfait, mais qui d’après Jean-Marie Grenier rend compte de l’ambiance du lieu.
Dernière édition par Curly le Mer 05 Aoû 2020, 23:01, édité 1 fois