Pas de sursis pour Gracieux (07-06-1966)
de Philippe Derrez
avec André Valmy, Jean-Marie Fertey, Pierre Marteville, Jean Bolo, André Var, Jean-Pierre Lituac, Bernard Musson, Jacqueline Rivière
Philippe Derrez (1927-2015) fut un auteur, adaptateur, et acteur radiophoniquement très actif. Il écrivit quelques pièces pour Pierre Billard, mais aussi pour « L’heure du mystère » de Germaine Beaumont. On lui doit, en 1983, l’adaptation du « Mystère de la chambre jaune » de Gaston Leroux pour France Culture. Il y interprète en sus le rôle de Sainclair.
Le commissaire Gracieux fut le héros de quelques enquêtes signées du même auteur. Il fut incarné par trois acteurs différents dans les « Maîtres du mystère » :
Pierre Moncorbier dans « Florence perd et passe » (18-06-1963), André Valmy dans « Gracieux joue les favoris » (15-01-1964), Henri Crémieux dans « Gracieux prend la pile » (17-06-1964), et retour de Valmy dans « Des fleurs pour Christophe » (21-10-1964).
Le voici en 1966 avec la voix d’André Valmy, toujours aussi tonitruante, l’entièreté de l’émission reposant sur la qualité de son interprétation.
Cette fois-ci la différence est marquée entre inspecteurs et commissaires. Les premiers obéissent au quart de tour aux ordres du commissaire Valmy.
L’ inspecteur Prompt (l’orthographe est incertaine mais elle ne va pas trop mal avec le personnage*) à ses côtés, il remue toute une enquête dont on comprend qu’elle est terminée dès la première scène. Nous sommes dans la cellule d’un condamné à mort (J-M Fertey, dont la voix seule nous convainc de son innocence), qui clame sa culpabilité de manière un brin artificielle. C’est louche. Philippe Derrez construit son intrigue en utilisant le toujours efficace compte à rebours qui va nous amener à l’exécution, imminente, du condamné.
Le commissaire Gracieux, qui porte, contrairement aux apparences, bien son nom, a vingt-quatre heures pour reprendre l’enquête depuis le début et sauver l’auto-proclamé coupable.
Dans la reprise des comptes rendus des interrogatoires, relus en diagonale par les enquêteurs, le commissaire passe vite sur les faits pour se concentrer sur l'état d'esprit des protagonistes. Toutefois, c’est le rapport d’autopsie de la victime qui va être décisif. Le dernier repas pris va se révéler bien utile.
L’intrigue criminelle présente un intérêt très secondaire. Cette histoire d’associés qui s’entendent moyennement, le meurtre de l’un d’entre eux apparaissant très vite lié au comportement de sa femme, passe après la manière dont Gracieux mène la barque, jonglant avec dynamisme, en un temps record, avec le garde des Sceaux, ses supérieurs, ses inspecteurs, les différents témoins, l’accusé, la presse…
* L'INAthèque indique Bron.
Sans haine et sans crainte (15-03-1966)
de Alain Franck
avec Geneviève Morel, Philippe Dumat, Jean-Pierre Lituac, Pierre Leproux, Marie-Jeanne Gardien, Jean-Jacques Steen, André Var, Jacques Morel
Petit changement de décor avec une histoire se déroulant dans le milieu ouvrier. Un employé d’une cimenterie, dans une petite ville du nord, est retrouvé mort un samedi soir. Le mélodrame ouvrier se met en place : propriétaire intraitable, inhumain, au passé trouble, alcoolisme et violences conjugales. La petite ballade mélancolique à base d’accordéon finit de planter l’ambiance.
L’inspecteur Morel, venu dans le patelin pour éclaircir cette énigme, s’installe dans le bureau de police local, ainsi que chez quelques habitants. La scène dans le bistrot est une scène de grande ampleur, dans le sens où Pierre Billard a dû placer quelques figurants pour incarner les quelques clients qui papotent. Les disques d’ambiance, équivalents des « transparents » dans le cinéma de l’époque, le réalisateur les a laissé tomber depuis « Faits divers ».
La morne vie d’une ville ouvrière, dans laquelle tout tourne autour de la cimenterie, est au centre de l’histoire. Le crime, lui, semble prétexte à rencontrer quelques personnages et retracer la vie quotidienne de quelques habitants, dans laquelle va fouiller notre inspecteur Morel, plus Maigret que nature. Sans lui, la pièce serait on ne peut plus sinistre, car l’intrigue aligne des éléments déjà mille fois utilisés pour décrire le milieu ouvrier. Le propriétaire saignant ses locataires, allant jusqu’à profiter de la mort de l’un d’entre eux pour tenter de récupérer deux fois le loyer des six derniers mois, est un personnage de mélodrame du XIXème siècle. Les autres aussi d’ailleurs. Heureusement que les interprètes réussissent à apporter quelques nuances à des personnages stéréotypés. Ils jouent souvent avec retenue et évitent les effets grandiloquents. Un effet de la direction d’acteur simple mais efficace du réalisateur/producteur de l’émission.