2 solutions, ou plutôt 3 : la première tentation c'est d'écouter une émission ancienne ou bien les Nuits de FC, ce qui reviendrait presque au même. L'autre voie : en se munissant de courage, tester une émission récente dans laquelle on avait cru déceler quelque intérêt, par le titre ou par le nom de l'invité. Il y a toujours en attente une petite réserve de Grain à Moudre et de Grande table, qui traine dans un coin de l'arbo, créé spécialement fait pour ça.
J'ai choisi la dernière option. Et voila que j'entends Caroline Broué qui entre deux rires forcés pose à son invité des questions qu'elle ne comprend pas. Remarquez ça serait un exploit et en plus elle serait bien la seule, car l'invité lui non plus ne comprend pas il ne comprend rien ou plutôt il ne comprend qu'une chose : il est face à une productrice, professionnelle, titulaire d'une des meilleures cases du programme dans une radio du service public, occupant donc une position enviée, et qui ne comprend strictement rien ni à ce qu'elle a lu, ni même à ce qu'elle dit en cet instant précis. Il faut insister là-dessus car c'est tout de même prodigieux.
Comment a-t-on pu en arriver là ? Trop de boulot ? Ou peut-être, mal organisé : trop de livres différents à présenter et pas le temps ou pas la moelle de tout lire (n'est pas Brice Couturier qui veut). Ou bien pas assez d'assistants-stagiaires pour les lire à votre place et vous en livrer un digest bien fait ? Ce qui serait un mode de préparation pas plus mauvais qu'un autre. Ou alors peut-être que la fiche de lecture a été bâclée par une véritable bûche : une brèle recrutée en banlieue pour raison de quota, et non un des jeunes normaliens vaniteux qui s'infiltrent dans la baraque en espérant y jeter l'ancre pour de bon (on les reconnait parfois quand ils accèdent au micro et en ces moments-là on regrette assez rapidement que celui dont on doit entendre l'arrogance ne soit pas plutôt une simple brèle récupérée en banlieue). Oui quel mystère. Par contre ou plutôt en revanche ce qui ne fait pas mystère, c'est que Caroline Broué ne comprend rien au hasard, rien à la science, rien à la recherche scientifique, rien à la littérature pas même policière mais alors vraiment rien à rien. On se dit que c'est un bien grand malheur tout de même, que d'être aussi bête enfin au moins elle a un emploi c'est toujours ça de gagné. A moins que ce ne soit le livre lui même qui.... Mais alors pourquoi en parler, ah oui où ai-je la tête : c'est un sujet à la mode : la sérendipité. Dit comme ça, ça sonne comme "sérendipitié". Ca traine depuis au moins 50 ans dans la philosophie anglo-saxonne mais Xavier Delaporte s'en est saisi comme de la découverte du XXIe siècle, d'ailleurs non sans naturaliser sottement ce qui n'est en fin de compte qu'une amusette : quand on entend Xavier Delaporte parler de "la sérendipité" on a vraiment l'impression d'entendre un maraîcher parler de la citrouille ou un ingénieur parler de la capillarité ou un garçon-coiffeur parler de la perruque enfin j'arrête là car je n'ai pas ouvert ce post pour écrire une 101e vacherie sur l'homme qui a découvert le nutella non par sérendipité mais par tropisme pur. Mais je sens que je m'égare : cette Grande Table sur le hasard dans les sciences ne vaut décidément pas un clou et il ne faut pas compter sur la productrice pour apaiser l'état de panique qui s'installe chez l'auditeur, avec de façon récurrente la question qui se pose environ 3 fois par minute, encore et toujours : comment en est-on arrivé là ?
J'en étais là de mes désolations quand préférant interrompre ce massacre, en tablant sur le bienveillant hasard je suis passé à autre émission de la même réserve pour constater que Laure Adler nous offre une énigme exactement identique. Car même sur des sujets qui l'obsèdent par exemple la psychanalyse, face à Daniel Widlocher elle pose des questions sans queue ni tête, privées de sens, de pertinence, d'intérêt, enfin privées de tout. Et la même question se pose : voila une femme qui est titulaire d'un doctorat d'histoire, qui fait de la radio depuis 35 ans dont une bonne partie pour financer des années de lacanisme, une femme qui a produit pendant 6 ans une émission culturelle à la télé, émission qu'elle avait certes repris à d'autres (pour la saboter mais c'est un autre problème), enfin il faut signaler qu'elle avait été conseillère personnelle d'un homme d'Etat doté d'une grande culture. Et sur un sujet qui l'obsède littéralement, la psychanalyse, elle ne trouve à sortir que des clichés, des âneries, et des questions ineptes. Encore une fois la question se pose : comment en est-on arrivé là ?
Et aussi : apparemment tout le monde s'en fout. Son mari dont la vie ne doit pas être marrante-marrante produit deux heures plus tard une émission autrement soignée. Le patron du CSA semble plus occupé par le tiercé que par la radio culturelle. La ministre de la culture rumine la matière des poèmes d'amour qu'elle enverra bientôt au nouvel élu de son coeur tout en espérant que cette fois ce ne sera pas un ministre-clé du gouvernement. Quant au patron de la radio il est trop occupé à faire reluire son cv à cette intention il vient de se faire livrer 28 bidons de polish et il a embauché 23 cireurs de CV quand ça se saura ça fera du boucan : prévoir scandale, démission, hara-kiri et tutti quanti. Et les auditeurs ? Est-ils possible qu'ils s'en foutent complètement ? Enigme, là encore.
Anattendant, je viens de me farcir deux tumulus de perplexité à l'écoute d'un numéro de La grande table sur le hasard dans les sciences, puis d'un Hors-champs avec un psychanalyste, homme d'ailleurs fort estimable et qui a réussi l'exploit de répondre à toutes les questions avec clarté, et en désamorçant leur potentiel de confusion. Mais pour apprendre quelque chose de ces 2 fois 40 minutes de radio, bernique !
J'aurais mieux fait d'écouter les Nuits de FC. Aucun des saboteurs du programme de journée n'y était présent.