Nessie a écrit:Eh oui Philaunet. L'été est propice à ces saloperies qui nous tombent toujours sur le museau comme un début de bonne nouvelle : samedi dernier en reconnaissant successivement les voix de Catherine Soullard et de Raphaël Sorin on espère une merveille, puis quelques instants plus tard nous voila tout à la fois satisfait et déçu : c'était le Une vie une oeuvre consacré par la première à Dédé Hardellet plus connu sous le nom d'André Hardellet et qui apparait entre autres dans
Le banquet des léopards sauf qu'une fois charcuté l'émission, on en tire surtout que France Culture l'été c'est plutôt le banquet des salopards. Enfin, le documentaire ayant été diffusé en entier dans les Nuits en mai 2011 et en
juillet 2012, on se l'est mis à gauche depuis une paye. N'empêche.
Oui, n'empêche : pourquoi mutiler ainsi des émissions conçues avec soin, avec intelligence avec passion et finesse ? La réduction du format de 'Une vie une oeuvre' aura été en soi un sale coup fait à tout le monde : à l'auditeur, au producteur (sauf peut-être au minable ambitieux qui prend les rênes de la série), au sujet, au documentaire en général et à tout France Culture en particulier.
Alors, pas question de rediffuser en entier des documentaires de 85 minutes, même en s'échappant de la grille pendant quelques semaines. Il faut maintenir UVUO à ses 58 minutes. L'auditeur ? France Culture s'en fout. La productrice ? Radio France s'en contrefout. Dédé Hardellet ? On s'en tamponne le coquillard.
RENDEZ-NOUS UNE VIE UNE OEUVRE DANS SON FORMAT DE 90 MINUTES !!!!!!!! (jemèsclame)
D'accord entièrement avec le constat.
La durée n'est cependant pas le problème essentiel d'
Une vie une oeuvre depuis quelques années (sauf quand un ancien documentaire est mutilé, évidemment). Il est possible de parfaitement présenter un auteur en 60 minutes, voire en 45 minutes.
Le problème réside dans la réalisation. Et pour m'en assurer, j'ai écouté jusqu'au bout, avec une certaine vaillance et un mal de tête final, le dernier numéro consacré à
Norodom Sihanouk, monarque insubmersible (1922-2012) (pourquoi écoutez-vous ce qui vous déplaît,
masochiste ? Non.)
Comment est construit ce documentaire (et chacun des précédents) ? Par la juxtaposition serrée de nombreux témoignages brefs et sans lien fait entre eux par le producteur. Pas de contextualisation historique, pas de cadre général, pas de narration. Non, des bribes, des flashes de témoignages qui s'entrecroisent parfois et qui donnent le tournis : X est suivi de Y dans le même souffle et repris par X qui termine la phrase de Y dans un dialogue totalement improbable, mais choisi par le réalisateur comme faisant sens (pour lui, au montage, qui a écouté tous les éléments).
L'auditeur ? Totalement secoué. Pas de mémorisation possible, pas d'imprégnation. On lui demande de jongler avec six balles (ici huit, le nombre d'intervenants).
Revenons à Sihanouk : c'est un triste ratage pour un sujet potentiellement passionnant. On est soumis à des informations déconnectées, des jugements hors contexte, des paroles dont on ne sait qui les profère et quand. Il y a trop d'intervenants (que vient faire Frédéric Mitterrand dans cette galère ?) et ils ne sont pas assez identifiés. Il n'y a aucun pilote dans l'avion, ce sont quelques passagers qui prennent les commandes, les autres subissant un vol erratique et un rude atterrissage.
Ce genre de réalisation est un jeu. Une appropriation de l'intérêt de la chose par le réalisateur au détriment de l'auditeur qui a d'autres besoins que le réalisateur.
C'est l'esprit France Culture ou contemporain dans d'autres ordres (l'art). Vous êtes libres, choisissez, on ne vous dit rien, on vous donne des éléments, ordonnez-les à votre manière. C'est avec de la matière historique (ou tout autre sujet), flatter ce qu'on pense être l'autonomie du sujet (comme à l'école) : l'auditeur n'a pas besoin de guide. On retrouve donc à l'oeuvre une certaine idéologie dans la forme même de la création du documentaire. Et aussi sur le fond, car la sélection des éléments ne s'est pas faite au hasard, ça se sent, il y aussi un message (subliminal ?) que la réaiisation veut faire passer.
Résultat de cette volonté de ne pas créer une logique temporelle explicite, de ne pas avoir de chef d'orchestre ou de conteur (on n'ose même pas parler d'un historien qui introduirait les éléments sonores avec pédagogie !*) : un documentaire superficiel, brouillon et au final manquant son but. Sauf , si l'on considère que le but était pour le réalisateur de se faire plaisir et non de servir son client, l'auditeur du service public...
* C'est ce qui se fait par exemple dans la série Wissen sur SWR 2, l'une des radios culturelles régionales allemandes, considérée comme le haut du panier en matière de culture radiophonique.