Eh bien, probablement ça dépend des époques, et ça explique peut-être certains mécontentements. Si on tente de répondre de façon basique, descriptive et fonctionnelle, c'est déjà une question à la fois facile et pas facile, ça. Et à poser aux gens de la maison, plutôt qu'à ceux qui y recueillent les bruits de couloir et ensuite jouent les informés dans des méchants petits bouquins décousus et sans vision synthétique. Comme il n'y a personne de tel ici, alors on peut tâcher de dire le peu qu'on sait ou plutôt le peu qu'on croit avoir compris. Personnellement, j'aurais aussi tendance à répercuter la question plutôt vers l'AAFC (voir le menu "liens"), où l'on pratique des diners-rencontres trimestriels avec des producteurs. Eux répondraient, peut-être clairement, du moins pour ceux d'entre eux qui connaissent le sens des mots. Par chance ce sont plutôt ceux-là que l'AAFC invite à ses dîners-rencontres. Et pour le reste, on va se trouver assez vite dans les questions de l'ambiance interne à la maison FC. Cela dit, vu de l'extérieur, on se demande si dans ladite maison, l'appellation de "producteur" recouvre une réalité strictement définie, et même je parie qu'on entendrait, en provenance de FC, des sons de cloche différents. Par exemple pendant des années, certaines émissions de documentaires étaient annoncées dans la presse écrite (y compris dans le magazine hebdo un peu cher que proposait Radio-France) comme "présentées" (et non "produites") par les personnes qui les signaient et qu'on entendait d'un bout à l'autre, qui étaient visiblement responsables du propos qui s'y déroulait. Ainsi pendant des années, les "Matinées des autres" sont annoncées comme "présentées" par Marie-Hélène Fraïssé, ou Sophie Pillods, ou Francesca Piolot. Pourtant quand on les écoute, et pas seulement au générique de fin (qui nous dit "c'était une émission de..."), on se rend compte qu'il ne peut s'agir simplement de présentation. Ceux qui veulent voir ce que ça donne, cette façon d'annoncer l'émission, trouveront des exemples en explorant les pages du site de Monk, avec une recherche sur "La matinée des autres" ou "Une vie une oeuvre". Et à mon sens, ça signale un recouvrement imprécis des zones de pouvoir, donc des fluctuations selon la tendance managériale à un moment donné.
Il y a au moins deux niveaux mis en jeu par les posts qui ont ouvert le fil : le niveau fonctionnel, et celui de la décision. En tous cas, contrairement à l'acception du mot dans le cinéma, à FC le producteur c'est non le financeur-propriétaire du projet (dans le cas présent, ça serait toujours l'institution Radio-France) mais la personne qui conçoit l'émission et lui donne à la fois son contenu et sa teneur. Donc le responsable principal de ce qu'on nous donne à entendre dans l'émission livrée à l'antenne. Quant au sujet traité, il l'apporte ou bien on le lui propose pour le traiter avec une certaine autonomie : choisir les invités et témoins à rencontrer, sélectionner les extraits qui entrent dans le montage final, et plus on a de métier plus on est responsable de son émission en travaillant en compréhension avec l'équipe technique qui est aussi une équipe artistique. Comme au cinéma, les rôles des uns et des autres se recouvrent au moins autant qu'ils ne se complètent.
On peut se demander dans quelle mesure cette autonomie du producteur est variable, pas seulement parce que c'est un travail d'équipe, mais aussi parce que ça se passe dans une institution et sous la direction de quelqu'un qui a passé la commande. On imagine que le coordinateur ou un chef de service, un conseiller des programmes ou même le directeur des programmes, pourrait selon les époques pratiquer un interventionnisme plus ou moins éclairé c'est à dire avisé, ou au contraire assez pesant en imposant des choix de sujets, d'invités, et des axes thématiques. Ainsi après septembre 1999, l'auditeur constatant ou croyant constater un coup de barre dans les thématiques FC, avec un surcroit de sujets misérabiliste, pouvait être tenté d'en attribuer la responsabilité à l'autoritarisme de Laure Adler. Hypothèse qui reposait sur sa réputation, hypothèse plausible mais invérifiable sans une revue sérieuse. De façon peut-être plus légitime (j'assume ce jugement personnel) on peut imaginer un coordinateur-producteur qui pourrait avoir -ou non- le souci d'équilibrer sur l'année les sujets de sa série, et de les répartir par genre, par secteur culturel, enfin comme il veut. Ou bien il s'en fout. Le coordinateur dirige la tranche d'antenne et passe les commandes, et il pèse plus ou moins sur l'ensemble. Mais il donne sa marque à la série, autant que le producteur donne sa marque à l'émission dont il a la charge. Et il peut aussi changer de ligne. Par exemple, Matthieu Garrigou-Lagrange a apporté quelque chose de personnel à une vie une oeuvre, y introduisant des sujets venus de secteurs culturels rarement traités. Pour le reste je renvoie au fil "Une vie une oeuvre" où on avait pu déplorer un certain glissement de l'émission vers l'anecdote, ensuite de quoi il me semble que ça s'est de nouveau stabilisé à un assez bon niveau de questionnement. Ceci pour dire le rôle et le poids que peut avoir un producteur-coordinateur. Autre exemple, pour en revenir à un sujet traité ces derniers jours dans ce forum : la couleur générale de Sur les docks semble bien refléter la conception que Jean Lebrun se fait d'un programme culturel.
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