Dans
ce billet fut écrit :
Sur René Jentet (...)
France Culture a consacré une
émission en hommage au réalisateur en 2013
Retour sur la peu éblouissante « René Jentet, une vie de radio ».
C’est la rencontre entre un vieil ours mal léché, malade, fatigué, symbole d’une radio créative, et une équipe France Cu version 2013, aux questions platounettes, aux remarques chocs mais creuses (« Rouge », une émission de Jentet, a apparemment révolutionné la radio mais nous ne saurons pas en quoi, la formule publicitaire se suffit à elle-même). Le docu manque totalement d’originalité, il est dans sa forme et dans son fond exactement ce pour quoi R. Jentet a quitté la radio : pour éviter d’avoir à faire ce type d’émissions.
A un moment (9ème mn), l’intervieweur, pris par un éclairs de génie relance la machine :
« - L’émission « Pour Quoi », vous vous en souvenez ?
- Ah très bien oui.
- Est-ce que vous pouvez nous raconter…
- Non c’est très difficile…
- ...comment vous avez eu l’idée.
- … c’est très difficile de le raconter. Ne me demandez pas là ce que je voulais raconter, laissez-moi me remettre un peu, parce que là vous travaillez un peu comme un technicien-journaliste. Vous êtes beaucoup mieux qu’un journaliste…
Qu’est-ce que je vous raconterais ? … Il faut l’écouter. »
Le réalisateur à ce moment, a cru judicieux de justement faire écouter un bout de l’émission. Mais un bout de ce type d’émissions, isolé du reste, n’a pour l’auditeur rigoureusement aucun sens.
Nous sauterons les sautes d’humeur de R. Jentet, pour nous attarder sur ce qui est fait, et bien fait, par les intervenants de l’émission : bien marquer ce qu’est devenu France Culture, en 2013, et plus encore aujourd’hui, dix ans après.
R. Jentet parle à la fin des raisons qui l’ont fait partir de la Maison de la Radio, sont-ce les seules raisons, peu importe, mais il parle à ce moment d’obligation qui lui aurait été donnée de réaliser des émissions plus conventionnelles, qui ne répondaient pas à ses aspirations personnelles. Y. Paranthoën a su lui perdurer dans la maison en travaillant pour France Inter notamment (« L’oreille en coin »), ainsi que pour les Papous, pour avoir la possibilité en parallèle de continuer à faire les émissions qu'il souhaitait.
Parmi les reproches de la direction qui auraient été formulés à R. Jentet, celui d’employer de trop bons acteurs, par conséquent de dépenser trop, alors qu’il pourrait employer des acteurs de seconde ou troisième zone. Si l’on écoute ce qui reste de fictions sur France Cu, nous y sommes : quelques acteurs connus par-ci par-là, mais mal employés le plus souvent, et une pléthore de voix moches. Le temps de préparation doit être proche du néant, parce que ça coûte moins cher, et puis à la radio, on peut se permettre le luxe de présenter la médiocrité comme étant la norme, puisque la fiction et la création, c’est gonflant et ça fait moins péter l’audimatomètre que les bavardages d’actu et les promos du jour, qui demandent de la part de l’auditeur une attention minimale.
Le fait que l’arrivée, plus tout récente maintenant, du podcast et de la réécoute en ligne ait changé la donne, que cela permette une écoute plus attentive, au moment où l’auditeur le souhaite, où il est le mieux disposé à l'écoute, n’a rien changé, bien au contraire. Au lieu de rebattre les cartes et ouvrir la radio à de nouvelles possibilités, nous avons droit à du vite fait mal fait. Le format tout éco est quasi-unique : une table, deux micros, un producteur face à un invité, voire plusieurs quand nous avons droit à un prix de gros. Quand on pense que les émissions de Jentet & Cie nécessitaient un travail considérable, que cette radio très élaborée passait en flux et disparaissait ensuite dans le néant…
Autre moment, dès la seconde minute de l’émission, la définition par René Jentet de ce qu’est devenu France Culture :
« … c’était un art prodigieux…
- Vous voulez pas vous asseoir ?
- … cet art prodigieux il était aux mains de quelques-uns qui lui donnaient toute sa splendeur. Nous avons en France des documents qui sont des documents de la culture mondiale qui sont en train de crever, de périr, et qu’ils passent n’importe quoi maintenant parce qu’ils veulent pas dépenser d’argent alors ils font la publicité des bouquins qui sortent c’est tout et ça leur coûte rien, et ils ne font plus de réalisations véritablement, et que la radiodiffusion française s’en fout éperdument ».