Comme quoi, la présence de la littérature sur France Culture ne tient qu'à deux fils : féminisme / politique, les deux étant évidemment mêlés.
Une
Nuit Colette, avec du bon et du moins bon, mais au moins, pendant ce temps, le fil est dévié de sa ligne, car l’œuvre de Colette heureusement a du mal à rentrer dans l'étroitesse d'esprit qui anime le France Cu 2023.
Hypothèse saugrenue : et si Colette avait été un homme ? Eh bien, conséquence : combien de temps la radiodézidé aurait consacré aux 150 ans ? Certainement pas grand chose.
De toute façon, la biographie seule attire France Cu. Le reste n'est que littérature, c'est-à-dire chose négligeable, très négligeable.
Ah non, il y a autre chose : les chiffres de ventes.
Ce qui donne, en intro à la Nuit spéciale :
"
Qualifiez-la comme il vous plaira, toujours est-il qu'elle a été beaucoup lue, qu'elle l'est encore et que, de notre littérature, Colette est l'un des noms les plus célèbres dans le monde."
L'essentiel : "
Colette scandaleuse dans son siècle, mariée trois fois, aimant, sans le dissimuler, les femmes tout autant que les hommes et inversement… Femme libre et pour autant anti-suffragette, pas précisément féministe, en tout cas pas d'un féminisme militant… Colette campagnarde et mondaine…"
Mais revenons au contenu de cette Nuit.
Dans la présentation : "
Pour les 150 ans de la naissance de Colette, femme de lettres née le 28 janvier 1873, des témoignages, des adaptations de ses œuvres, mais aussi des entretiens exceptionnels avec Colette en 1950..."
Pour les témoignages, d'accord, en 2023 cela paraît difficile, mais pour le reste ? Adaptations, lectures... où en trouve-t-on aujourd'hui sur la radiodézidé ? Il faut bien chercher, et quand on trouve, la surprise est souvent de taille, et pour accuser le coup il faut souvent couper le son.
Les "entretiens exceptionnels" ne le sont pas. Ils ont été diffusés il y a peu dans les Nuits, et l'INA les a même commercialisés. Mais qu'ont-ils d'exceptionnels ? Passé le plaisir d'entendre l'accent bourguignon de l'auteur, l’exception devient un vrai accident radiophonique.
Billet du 20/09/20, extrait :
Un entretien historique : le ratage est total (...). Le jeune André Parinaud, qui pourtant connaît bien l’œuvre de Colette, n’arrive pas à tirer quoi que ce soit de son interlocutrice, revêche à toute confidence. Colette ne manque pas d’humour : elle est fière de ne rien lâcher sur sa vie.
Elle s’est bien plus épanchée sur sa vie intime dans son œuvre.
André Parinaud use d’une stratégie simple, qui se heurte à un mur qu’il ne franchira jamais. Il parcourt, durant les deux heures que dure l’entretien, les six premiers ouvrages de Colette de manière systématique. Les questions sont toujours les mêmes pour chaque ouvrage :
- la part d’invention et la part autobiographique
- sa relation avec Willy
- comment Colette se sentait à cette époque
Les questions, répétitives, tapent vite sur le système nerveux, et de Colette, et de l’auditeur.
Autre hypothèse : et si Colette s'était entretenue avec un producteur aux fraises & moulu cuvée 2023 ? Facile d'imaginer des réponses encore plus cassantes que celles données à A. Parinaud.
Ce qui reste de cette Nuit :
La chatte, une adaptation de 1959, un
Bonnes nouvelles, grands comédiens (1973) avec Julien Bertheau,
Lectures d'enfances (1988) avec Catherine Sauvage, ou
Beau langage belles lectures (1947) où Colette lit quelques extraits de "La maison de Claudine".
Les Nuits ont eu la bonne idée de programmer dans la foulée une série de 1962/63 sur la
correspondance Colette/Marguerite Moreno : témoignages, lectures, et présence dans la seconde partie de Claude Pichois, qui a édité en son temps cette correspondance.
Ces productions radiophoniques du passé ont-elles un écho dans celles du France Cu actuel ?
Bien sûr aucun, puisque la chaîne a laissé tomber la radio de création élaborée avec soin pour des bavardages en direct, où les intervenants, aussi intéressants soient-ils, sont plus ou moins laminés par les producteurs stars avec leurs questions neuneus "pour que les auditeurs comprennent, prenons-les pour des cons".
La dernière production en date, "100 ozé le 2man-D" (27/01/23) : "Colette a 150 ans : quel est votre livre préféré ? Et pourquoi la série des Claudine ?"
Didine mélange avec délice radio culturelle et fil Twitter. Une belle invitation à ne pas écouter la radio.
Ajoutons
1- la Mamate à Guillaume-le-littéraire du 30/12/22. Deux mots-clés : féminisme + autofiction. Bavardages en direct, pesé, c'est emballé, et au revoir la compagnie.
1- Les bonnes choses, émission bouche-trou animée par Denise Fabre, qui, rappelons-le, a foutu un coup de pieds au cul des "Papous dans la tête" pour imposer toute sa richesse et son originalité. Présentation : "
Une émission qui célèbre comme il se doit les gourmands et les gourmandes, les gourmets et les gourmettes."
Prenez l'émission à Didine, ajoutez-y la Mamate, saupoudrez des "bonnes choses" et regardez, vous avez une belle nuit de France Cu spéciale Colette.
France Cu a d'autres chats à fouetter ce ouik-end. La programmation est toute entière tendue vers son apothéose messianique à 22h :
"
Maison Latour l'amour, et la vie d’une femme"
"
Après le décès du philosophe Bruno Latour, Antoine Couder nous entraîne dans l'appartement parisien où il a forgé l’essentiel de ses textes sur Gaïa et la nouvelle écologie."
Une Légende dorée radiophonique. Vous êtes tous invités à vous prosterner devant votre radio entre 22h et 23h.