Retour sur le "nous tous ensemble"
Le « nous tous ensemble » asséné à tout bout de champ, en fait, c’est du « moi je » qui déborde partout.
D’abord des photos en gros plan d’artistes, qui prennent la pose pour nous dire qu’ils sont vachement fiers de nous présenter leur œuvre qui est super profonde, qu’on va en prendre plein la tête et le corps. En serons-nous dignes, nous, les néants, les riens du tout, les pas-artistes ?
Et regardez leur air pénétré, y en a là-dedans. Culte de la personnalité ? Non, elles/ils sont tous belles/beaux, mais les pages modes de Paris Match n’en n’ont pas voulu, c’est tout.
Les citations qui suivent, je vous invite à y réfléchir, et si vous considérez que ça ne vous apporte rien, ne vous apprend rien, que vous vous demandez même parfois mais qu’est-ce que ça veut bien dire, eh bien excusez-moi de vous le dire aussi brutalement, vous êtes cons.
Parce que ça parle du monde de dedans lequel on est, et que le truc est très simple : vous pouvez raconter votre vie la plus intime, de toute façon, vous pourrez toujours dire que ça dit quelque chose du monde de maintenant, que ça parle du fameux rapport au monde.
Mais pour s’épargner la lecture intégrale des citations et l’écoute intégrale des interviews et chroniques qui se regardent dans le miroir en croyant y voir le monde, je vous donne la clé, et comme ça on n’en parle plus :
lorsque vous abordez un sujet, quel qu’il soit, c’est simple, vous partez de votre nombril, et de votre nombril vous dites ce que vous voyez, c’est-à-dire pas grand-chose, comme ça, au lieu de partir du monde qui vous entoure pour vous en imprégner, comme cela paraît à priori logique, non, vous faites l’inverse, c’est le monde qui doit vous remercier d’exister. C’est le monde qui tourne autour de vous.
Vous avez vu comme c’est du brassage de vide ce que je suis en train de faire ? Parce que le monde, c’est quoi hein ? C’est tellement de choses que vous commencez par quoi ? L’avantage de rester dans l’abstraction, c’est que vous pouvez dire à peu près n’importe quoi sur n’importe quel sujet, le manque total de précision permet tout.
Voici donc
quelques citations,
« La fiction m’apparaissait comme une confidence »
« J’essaye de cultiver cet infiniment petit qui révèle l’infiniment profond »
« Dans la voltige, je ne vole pas mais j’essaie d’aller le plus haut possible »
« Je prends la parole comme une matière, comme l’outil d’un espace et du temps »
« Quand je compose je veux pouvoir rêver à ce qui va être possible »
« Il a fallu que je m’aliène pour écrire ce livre »
« J’aime faire de la place pour l’autre en moi »
« J’ai essayé de faire des mélodies comme on jour aux fléchettes »
Et attendez, celles-ci, elles sont tartiflettes, Flaubert, il te les aurait mises dans le Dictionnaire des idées reçues :
« Une exposition, c’est comme un texte, on a les mots, il faut trouver les phrases »
«
Avis critique est une excellente émission »
« Il faut garder le côté gai de la musique, même pour parler de choses douloureuses »
« Le théâtre, c’est casser l’horizontalité dramatique de la vie »
On peut en inventer en dix secondes, ça peut devenir une discipline olympique : "Quand je cuisine une tarte aux fraises, j'aime bien penser aussi à la possibilité de la fraise comme entité culinaire et comme fruit organiquement structuré."
Et quand Papy Conclu il nous raconte qu’
à un moment il a su « le code qui faisait apparaître un hélico dans GTA », qu’
il se demandait avec quelle main il allait pouvoir jouer avec sa Nintendo Switch, quand il jouait avec sa fille à Super Mario 3D, mais il parle du Monde, bande de ploucs qui comprenez rien !
Le Monde de France Popo, c’est chacun dans sa bulle.
Il existe toutefois des autistes plus sympathiques.