La Direction Agitée (faut pas que l’agitation cesse sinon la pulpe elle circule plus partout bien comme il faut) souhaite attirer l’attention sur un programme exceptionnel, afin de relever le niveau de ce forum
qui n’a pas su promouvoir comme il se devait cette pièce expérimentale dont une performance a été diffusée à l’antenne, et qui reste disponible sur franceculture.fr et sur l’appli Radio France.
Comment Marcel Aymé nous aide à repenser la sociétéClérambard de Marcel Aymé (Le Théâtre populaire de juin 44, 30-03-1961 France II Régionale)
réalisation Roger Dathys
avec Jacques Dumesnil, Jacques Duby, Jean Topart, Jacques Thierry, Georges Cusin, Huguette Duflos, Dora Doll, Andrée Gire, Sylvine Delannoy, Marcelle Hainia, Laure Diana, Georges Adet, Gisèle Touret et Olga Nilza
A l’heure où nous vivons chacune et chacun dans
un monde confiné, il faut nous replonger dans cette pièce de Marcel Aymé qui
questionne le vivant et, à travers lui, toute
notre modernité.
Faites vous peur !Le Comte Hector de Clérambard fait fi du vivant en tuant le chien du curé, qui n’est heureusement pas celui du curé !
Heureusement, vous soufflerez de soulagement ! Après l’apparition de Saint François D’Assise, le Comte va devenir le symbole du passage de l’Humanité
en dehors de l’anthropocène. Un passage, et même une libération, qui préfigure le nôtre dans un avenir proche. Marcel Aymé, en
vrai penseur de la post-modernité, l’a parfaitement exposé dans cette pièce engagée.
La résurrection du chien, qui n’en est finalement pas une, montre que le miracle ne peut pas naître d’une religion, fatalement avilissante pour l’Homme, mais d’un lien qui se tisse entre les riches bourgeois, les nobles pauvres, les prostituées, les chiens et les araignées.
Clérambard symbolise le souffle de vie qui libérera toutes les forces de la nature.
Vers un nouveau modèle civilisationnelMais que raconte cette pièce qui
bouleverse l’intime et propose
un nouveau modèle civilisationnel ?
D’abord, la famille Clérambard - des nobles ruinés - a sombré dans un semi-prolétariat tout en suivant
un modèle patriarcal délétère. Le père, brute épaisse qui pour faire subsister sa famille détruit le vivant, en l’occurrence les animaux de compagnie du voisinage, voit sa vie transfigurée par l’apparition du saint sus-nommé. La religion n’est qu’un outil imaginaire qui va faire passer la société du patriarcat à
une libération totale des mœurs, ouvrant la voie à
la destruction totale de la notion de classe.
Le père, une fois débarrassé de ses chaînes, va se mettre au service du vivant qu’il avait auparavant bien endommagé, annonçant par cette attitude révolutionnaire le
véganisme triomphant.
Il va offrir à son fils, qui ne souhaite que joindre son corps à un homologue féminin, une professionnelle en la matière plutôt qu’une amatrice sans expérience. Marcel Aymé exalte le plaisir du travail bien fait par
une classe laborieuse qui lutte pour sa libération prochaine. Car la professionnelle, ayant lié son corps avec celui du fils, pourra enfin partir dans la Roulotte de la Liberté avec la famille Clérambard, sans pour autant se lier avec lui par les liens avilissants du mariage.
A la fin, lorsque Clérambard se débarrasse de son château, il ne fait que
se libérer du côté aliénant du système de propriété capitaliste.
Le respect du vivant dans une société justeIl faut donc relire Marcel Aymé, et aussi écouter à travers cette émouvante version radiophonique qui résonne étrangement au plus profond de chacun de nous, la leçon qu’il nous donne, surtout en ces temps instables où la complexité du monde nous malmène plus que jamais.
C’est grâce à de telles œuvres que nous pourrons durablement
refonder une société juste, et respectueuse du vivant.