Aude Dassonville s'entretient avec Andrew Orr dans Radio Nova : retour sur l'âge d'or de “la plus belle bande-son de Paris” du 24 mai 2016.
Extraits :
Aude Dassonville : "Il y a 35 ans naissait Radio Nova, baptisée ainsi en hommage à William Burroughs, auteur de “Nova Express”. Andrew Orr, l'un de ses cofondateurs, revient pour “Télérama” sur ses origines pour que nul n'oublie d'où elle vient.
Officiellement, Andrew Orr est retiré des voitures. A 69 ans, l'un des anciens piliers de L'atelier de création radiophonique (ACR), sur France Culture, observe le monde médiatique depuis les portes de la Bourgogne, où il réside la plupart du temps. Dans les faits, le cofondateur de Radio Nova continue de s'intéresser de près à cette station née il y a 35 ans, jour pour jour."
Qui se souvient des ACR d'Andrew Orr ? Pas moi. Ceux de Farabet, oui, Philippe Langlois et Frank Smith, oui, Kaye Mortley, oui. "L'un des anciens piliers ?", je demande à l'historien de France Culture, alias Nessie, d'éclairer si possible notre lanterne.
"Les derniers sortis de ce laboratoire [Radio Nova] sont Augustin Trapenard, aujourd'hui sur France Inter et Canal +, et Mathilde Serrell, qu'on entend sur France Culture".
Le premier était sur Culture, jamais écouté ; la seconde, qui ne se pavane plus en photo sur le site, est une grave erreur de casting. Mettre "Serrell" dans la fenêtre de recherche pour trouver les posts à son sujet.
"Quitter Radio France, le service public, pour Nova, une radio privée, ne vous a pas posé de problème ?
Je déteste qu’on schématise, qu’on suppose que tous les gens du service public seraient vertueux et tous les gens du privé, flibustiers, comme le clament souvent les discours corporatistes. Des entrepreneurs peuvent avoir une vraie démarche de service public ! Nova est née de la rencontre du service public de la radio avec la revue Interférences d'Antoine Lefébure et le magazine Actuel. Il est là, le socle moral, idéologique et politique[/i]."
De bonnes choses ci-dessous, mais les ACR d'Orr étaient-ils tous de nature politique ? :
"Il y a un an, vous avez reçu de la Scam un prix pour l'ensemble de votre œuvre.Beaucoup de connaisseurs de la radio se souviennent de vos documentaires à l'Atelier de création, que vous avez rejoint à la fin des années 60…
On avait des moyens qui paraissent dispendieux aujourd’hui, et notamment du temps, mais les machines étaient plus lourdes, plus lentes. Pour sortir du matériel de Radio France, il fallait l'emprunter anonymement et le montage, on le faisait de nuit, avec la complicité des magasiniers qui nous donnaient les clés des studios.
Pour certains sujets, on utilisait des noms de code. La seule enquête sur l’affaire Lip [une grève dans une usine horlogère du Doubs, qui a duré plusieurs années, NDLR], nous l’avions baptisée La Maison de verre, car si la direction avait su qu’on préparait un sujet sur le conflit, on aurait été censurés ! On l’a oubliée, cette France de Pompidou et de Giscard. On ne pouvait pas dire ce qu’on voulait. Une autre fois, lors d'une émission dans laquelle le poète Mohammed Khaïr-Eddine dénonçait la torture sous Hassan II, le directeur d’alors avait demandé à l'écouter la veille de sa diffusion. Résultat, elle a complètement disparu, perdue dans le méandre des couloirs.
Vous plaidez pour une meilleure exploitation des œuvres radiophoniques. Pourquoi?
Parce qu’il y a un marché. Et que les œuvres que nous avons créées pendant des années à l'ACR (par exemple) ont eu un coût et étaient voulues patrimoniales pour être amorties dans la durée ! Un exemple : lors du coup d’Etat de Pinochet, en 1974, nous avions fait six heures de documentaire ; trois sur l’expérience Allende, et trois autres sur la répression, la mort de Neruda, etc… Ces émissions dorment sur une étagère depuis quarante ans. A la chute de Pinochet, à l’arrivée d’un semblant de démocratie au Chili, aux dates anniversaires, on aurait pu les rediffuser ! Ce genre d’œuvres est libre de droit ; en les diffusant le jour, hors du ghetto nocturne, on ferait une économie sur la grille de programmes, qu’on pourrait rebasculer sur les salaires des producteurs, qui auraient plus de temps pour fabriquer leurs œuvres et la qualité des productions remonterait ![/i]"
Extraits :
Aude Dassonville : "Il y a 35 ans naissait Radio Nova, baptisée ainsi en hommage à William Burroughs, auteur de “Nova Express”. Andrew Orr, l'un de ses cofondateurs, revient pour “Télérama” sur ses origines pour que nul n'oublie d'où elle vient.
Officiellement, Andrew Orr est retiré des voitures. A 69 ans, l'un des anciens piliers de L'atelier de création radiophonique (ACR), sur France Culture, observe le monde médiatique depuis les portes de la Bourgogne, où il réside la plupart du temps. Dans les faits, le cofondateur de Radio Nova continue de s'intéresser de près à cette station née il y a 35 ans, jour pour jour."
Qui se souvient des ACR d'Andrew Orr ? Pas moi. Ceux de Farabet, oui, Philippe Langlois et Frank Smith, oui, Kaye Mortley, oui. "L'un des anciens piliers ?", je demande à l'historien de France Culture, alias Nessie, d'éclairer si possible notre lanterne.
"Les derniers sortis de ce laboratoire [Radio Nova] sont Augustin Trapenard, aujourd'hui sur France Inter et Canal +, et Mathilde Serrell, qu'on entend sur France Culture".
Le premier était sur Culture, jamais écouté ; la seconde, qui ne se pavane plus en photo sur le site, est une grave erreur de casting. Mettre "Serrell" dans la fenêtre de recherche pour trouver les posts à son sujet.
"Quitter Radio France, le service public, pour Nova, une radio privée, ne vous a pas posé de problème ?
Je déteste qu’on schématise, qu’on suppose que tous les gens du service public seraient vertueux et tous les gens du privé, flibustiers, comme le clament souvent les discours corporatistes. Des entrepreneurs peuvent avoir une vraie démarche de service public ! Nova est née de la rencontre du service public de la radio avec la revue Interférences d'Antoine Lefébure et le magazine Actuel. Il est là, le socle moral, idéologique et politique[/i]."
De bonnes choses ci-dessous, mais les ACR d'Orr étaient-ils tous de nature politique ? :
"Il y a un an, vous avez reçu de la Scam un prix pour l'ensemble de votre œuvre.Beaucoup de connaisseurs de la radio se souviennent de vos documentaires à l'Atelier de création, que vous avez rejoint à la fin des années 60…
On avait des moyens qui paraissent dispendieux aujourd’hui, et notamment du temps, mais les machines étaient plus lourdes, plus lentes. Pour sortir du matériel de Radio France, il fallait l'emprunter anonymement et le montage, on le faisait de nuit, avec la complicité des magasiniers qui nous donnaient les clés des studios.
Pour certains sujets, on utilisait des noms de code. La seule enquête sur l’affaire Lip [une grève dans une usine horlogère du Doubs, qui a duré plusieurs années, NDLR], nous l’avions baptisée La Maison de verre, car si la direction avait su qu’on préparait un sujet sur le conflit, on aurait été censurés ! On l’a oubliée, cette France de Pompidou et de Giscard. On ne pouvait pas dire ce qu’on voulait. Une autre fois, lors d'une émission dans laquelle le poète Mohammed Khaïr-Eddine dénonçait la torture sous Hassan II, le directeur d’alors avait demandé à l'écouter la veille de sa diffusion. Résultat, elle a complètement disparu, perdue dans le méandre des couloirs.
Vous plaidez pour une meilleure exploitation des œuvres radiophoniques. Pourquoi?
Parce qu’il y a un marché. Et que les œuvres que nous avons créées pendant des années à l'ACR (par exemple) ont eu un coût et étaient voulues patrimoniales pour être amorties dans la durée ! Un exemple : lors du coup d’Etat de Pinochet, en 1974, nous avions fait six heures de documentaire ; trois sur l’expérience Allende, et trois autres sur la répression, la mort de Neruda, etc… Ces émissions dorment sur une étagère depuis quarante ans. A la chute de Pinochet, à l’arrivée d’un semblant de démocratie au Chili, aux dates anniversaires, on aurait pu les rediffuser ! Ce genre d’œuvres est libre de droit ; en les diffusant le jour, hors du ghetto nocturne, on ferait une économie sur la grille de programmes, qu’on pourrait rebasculer sur les salaires des producteurs, qui auraient plus de temps pour fabriquer leurs œuvres et la qualité des productions remonterait ![/i]"