par Pierre Sipriot
lectures Michel Bouquet, Pascal Mazzotti et Jean Topart
réalisation Georges Gravier
L’émission est répertoriée dans la série « Anthologie étrangère », mais elle ne suit pas exactement le principe des autres émissions. Donc pas de lectures de passages choisis reliés par des commentaires, mais un long entretien entre Georges Charbonnier et Raymond Aron. Ce dernier reprend de manière synthétique ce qu’il a expliqué par ailleurs dans ses ouvrages et dans ses cours.
Les lectures ici sont succinctes, et l’entretien passionnant. Sa lecture de Marx est fort différente de celle que l’on a coutume d’entendre. Pour une fois, ce n’est pas une lecture marxiste.
Aron dégage avec un sens de la synthèse d’une grande clarté les différents aspects de la pensée de Marx, ce que sont d'après lui ses forces et ses faiblesses.
Vers la fin de l’émission, il dit regretter que les sociologues aient une vision la plupart du temps politiquement orientée, ce dont lui-même se défend.
Explication du titre : France III Nationale avait proposé deux semaines de programmation spéciale sur Karl Marx.
Dialogues - Pierre Schaeffer et Raymond Aron (13-02-1973)
par Roger Pillaudin
« Dialogues » était d’ordinaire enregistrée en public, celui-ci intervenant pour poser des questions au cours de l’émission.
Ici, en lieu et place du public, quelques propos enregistrés dans la rue, micro-trottoir – commerçants, passants, anciens étudiants de Raymond Aron –, et de la musique religieuse d'époque, le cantique Jésus Christ superstar.
L’entretien est enregistré en studio, et comme l’explique Roger Pillaudin au début, né d’une rencontre fortuite des deux hommes dans un couloir de la maison ronde.
Raymond Aron est amené à s’expliquer sur ses prises de position en 1958 et en 1968, compare communisme et capitalisme, avec toujours un souci d’objectivité, un besoin d’analyser les systèmes politiques sans à priori.
Une émission fort vivante, puisqu’avec Pierre Schaeffer.
Encore une fois, comme pour l’« Anthologie étrangère », Raymond Aron reprend certains éléments distillés dans ses cours.
Les cours justement, les Nuits, durant l’été 2021, en ont ressorti une partie, ceux de 1957-58, diffusés à l’époque sur Radio Sorbonne.
Une somme de près de 19 heures, intitulée « Théories sociologiques des démocraties, aspect politique des sociétés modernes », et qui forme l’ouvrage « Démocratie et totalitarisme » (1965).
Aujourd’hui, France Culture diffuse toujours des cours à potron-minet. En terme de création radiophonique, c’est l’investissement minimal, mais c’est paradoxalement le programme dans lequel l’auditeur a le plus de chance de trouver des propos consistants.
L'homme à l’œillet vert (05-03-1989)
d'Alain Pozzuoli
bruitage Alain Platiau
interprétation Guy Tréjean (Oscar Wilde), Arnaud Bédouet (Laurent), Jean Martin (le juge), Gaëtan Jor (le guide), Pierre Spivakoff (le narrateur)
réalisation Evelyne Frémy
Alain Pozzuoli, auteur d'une fiction sur Bram Stocker, cf billet du 25 décembre 2021, crée un récit fantastique où le monde du XIXème siècle se confronte à celui de la fin du XXème. Au Père Lachaise, un jeune homme rencontre Oscar Wilde revenu d’entre les morts.
La confrontation des deux univers aligne les clichés attendus, et la fiction ne va hélas pas plus loin. Oscar Wilde découvre le walkman – nous sommes en 89… -, le mouvement punk - en 89 ? -.
Comme annoncé dans le titre, la fiction s'enlise dans une comparaison entre l’époque de Wilde, intolérante envers les homosexuels, et la nôtre, où elle n’est plus un délit, en tout cas en France. C’est maigre.
Une fiction franchement décevante, malgré les qualités de l’interprétation et de la réalisation.
Recherche de notre temps - La gare (1968)
par Robert Valette, Colette Garrigues et Harold Portnoy
réalisation Bernard Saxel
1- Une émission en train de se faire... (02-01)
2- Bruits et paroles perdus (03-01)
3- Rencontres (04-01)
4- C'est la gare avec ses moustaches de chat (05-01)
Un reportage sur un reportage, où les trois producteurs sont les héros. La visite de la gare n’est qu’un prétexte pour expérimenter un reportage dont le but ultime leur est inconnu. Ils se lancent dans la gare, ouvrent le micro, et voient ce qu’il se produit.
L’exact inverse des « Pieds sur terre », où les reporters partent enregistrer avec une visée précise, une vision de la société préétablie, une pensée politique et militante bien perceptible qu’il va falloir mettre en valeur par la grâce d’un montage fait subtilement à coups de hache afin que le résultat soit conforme à la feuille de route.
Avec ce reportage en quatre parties sur les gares, la preuve est faite que l’improvisation totale n’est pas nécessairement meilleure.
Aller au petit bonheur la chance, c’est aussi prendre le risque d’avoir aucune matière exploitable, des propos superficiels.
Mais s’en rendre compte et le dire au micro, comme le font nos trois reporters au début d’une des émissions, ne change rien au peu d’intérêt de ce reportage.
Dire que c’est un reportage sur un reportage en train de se faire, avec ses hésitations, ses erreurs, ses tâtonnements, ne le rend pas plus consistant pour l’auditeur.
La matière est tellement maigre que l’on a l’impression qu’il a fallu compléter la dernière partie par des enregistrements de bruits d’ambiance, et une lecture, celle de Michel Bouquet lisant du Francis Ponge.
Deux entretiens sortent de l'ordinaire. Dans l'un d'eux, Harold Portnoy accoste une jeune femme qui va complaisamment utiliser le micro pour faire son numéro. Il analysera après son entretien, en avouant sa gêne et sa joie mêlées, propre à tout journaliste qui obtient un témoignage marquant : gêne d’avoir entendu de telles confidences – il émet l’hypothèse raisonnable qu’il y avait là-dedans un peu de mythomanie – et joie d’avoir entendu des propos qui sortaient enfin de l’ordinaire.
Un reportage avec une ligne directrice, mais sans parti pris, aurait peut-être été préférable, mais ce n’était pas l’objectif voulu par les auteurs, qui donnent l’impression d’avoir rattrapé la maigreur du contenu enregistré par un nombrilisme finalement sans grand intérêt.
Trois lectures d’exception
Nouvelle diffusion dans les Nuits de cette lecture enregistrée en public – c’est le principe des Lectures à une voix :
"Nekrassov" de Jean-Paul Sartre par Pierre Brasseur (14-02-1965)
par Michel Polac
réalisation Guy Maxence
Pierre Brasseur joue tous les personnages – autre principe immuable de l’émission – et avec panache une pièce qu'il domine du haut de sa grandeur, et qui n’en méritait pas tant.
Deux numéros de
Bonnes nouvelles, grands comédiens
par Patrice Galbeau
François Chaumette lit "L'aventure d'un voyageur" d'Italo Calvino (17-08-1971)
réalisation Guy Delaunay
Claude Brasseur dit "Le bleuet" d'Odette Joyeux (21-08-1971)
réalisation Bronislaw Horowicz
Pour information, Claude Brasseur est le fils d'Odette Joyeux.
Les autres numéros disponibles dans les Nuits ont déjà été répertoriés dans les billets du 7 avril, 8 avril, 2 août, 9 octobre & 20 décembre 2021.