Finalement une émission plutôt bonne. Nicolas Martin y était, disons, contenu dans ses travers déjà largement dépeints ici, et par ailleurs bon animateur d'un entretien qui a permis à Alain Connes de donner une image non entièrement bridée de ce que sont ses idées.
Photo d'Alain Connes prise lors d'une autre émission produite par France Culture en 2011 : Croisements - Crédits : Radio France
Pour qui avait déjà écouté la Conversation scientifique avec Etienne Klein, une large part sonnera comme redite. Mais il faut noter qu'assez étonnamment, c'est à la Méthode scientifique et non dans l'émission précitée qu'on en apprend le plus sur le fond de l’affaire. J'ai l'impression que Nicolas Martin n'a pas les mêmes scrupules excessifs qu'Etienne Klein quand l'invité se lance un tant soit peu dans le dur.
On peut être désolé (je le suis) du style post-ado que revêt régulièrement l'émission sous l'animation de son présentateur, mais on peut dans le même temps savoir gré à Nicolas Martin de choisir de s'y laisser s'exprimer librement une part des aspects techniques qui, il faut le dire, constituent la partie solide (ou non) du propos de l'invité. A l'évidence, elle ne parlera qu'a une frange de l'auditorat, mais c'est précisément cette castration systématique du propos pointu qu'on a pu reprocher ailleurs dans l'évolution de France Culture, et ne pas se plier à ce modèle généralisé suffit en ce qui me concerne à soustraire l'émission à la catégorie la plus justement brocardée ici.
Pour en revenir à Alain Connes, incarnation de la candeur savante, on comprend - même sans en saisir le suc mathématique - quel a été le cheminement qui l'a mené du constat que les algèbres de Von Neumann s'ordonnancent toutes d'une façon unique à l'idée que, dans le monde physique, c'est son coeur quantique, formalisé par ces algèbres, qui engendre le temps. Et qu'ainsi la variabilité intrinsèque du quantique est plus fondamentale que cette variabilité à laquelle on est plus habituée et qui est le temps.
Par variabilité, il faut comprendre qu'il s'agit du fait que le temps est le paramètre - la variable - naturel des équations de la physique, et aussi en général ce par quoi on pense que le monde change, ce qui permet que deux états différents du monde puissent exister, car n'existant précisément pas en même temps (réflexion que m'avait adressée un jour Nessie, une considération qui peut conduire à penser que le monde est fondamentalement non-macronien, et d'ailleurs, il me semble, Nessie aussi). C'est le degré de liberté qui permet au monde de s'écouler, nous est-il naturel de penser.
Alain Connes tient que le caractère non-reproductible des expériences portant sur des particules individuelles en mécanique quantique, l'aléa fondamental qui préside à ce qu'on appelle la "réduction du paquet d'onde", est l'expression d'une variabilité du monde plus profonde que celle du temps. Notre immaîtrise de l'aléa quantique est pour lui à la source de notre immaîtrise du temps.
Quant à l'espace, puisque le second roman du mathématicien, Le Spectre d’Atacama, y est consacré en filigrane, le monde quantique l'engendre par ses aspects spectraux. Aspects spectraux qui ont à voir avec, notamment, les solutions de la fonction Zêta de Riemann (le ζ flottant sur la couverture du livre), la distribution des nombres premiers, et aussi bien sûr avec la musique. C'est la raison pour laquelle Alain Connes s'est amusé à réaliser des rendus musicaux basés sur les spectres concernés et rythmés par les nombres premiers. On ne peut pas dire que cela ajoute quelque chose à la compréhension de l'ensemble ni que l'esthétique humaine y fasse un progrès considérable, mais y verra le côté facétieux de l'homme, et l'essentiel est ailleurs.
Enfin, comme de naturel, lien est donné dans l'émission vers ce numéro du 1er mars dans lequel la Méthode scientifique recevait Carlo Rovelli. Je ne l'avais pas écoutée mais je rectifierai bientôt cet état de fait.
Carlo Rovelli à l'université La Sapienza à Rome - Crédits : Marco Tambara, Creative Commons
Edit : On en comprendra plus sur la partie spatiale/spectrale en suivant cette conférence donnée à CentraleSupelec
Photo d'Alain Connes prise lors d'une autre émission produite par France Culture en 2011 : Croisements - Crédits : Radio France
Pour qui avait déjà écouté la Conversation scientifique avec Etienne Klein, une large part sonnera comme redite. Mais il faut noter qu'assez étonnamment, c'est à la Méthode scientifique et non dans l'émission précitée qu'on en apprend le plus sur le fond de l’affaire. J'ai l'impression que Nicolas Martin n'a pas les mêmes scrupules excessifs qu'Etienne Klein quand l'invité se lance un tant soit peu dans le dur.
On peut être désolé (je le suis) du style post-ado que revêt régulièrement l'émission sous l'animation de son présentateur, mais on peut dans le même temps savoir gré à Nicolas Martin de choisir de s'y laisser s'exprimer librement une part des aspects techniques qui, il faut le dire, constituent la partie solide (ou non) du propos de l'invité. A l'évidence, elle ne parlera qu'a une frange de l'auditorat, mais c'est précisément cette castration systématique du propos pointu qu'on a pu reprocher ailleurs dans l'évolution de France Culture, et ne pas se plier à ce modèle généralisé suffit en ce qui me concerne à soustraire l'émission à la catégorie la plus justement brocardée ici.
Pour en revenir à Alain Connes, incarnation de la candeur savante, on comprend - même sans en saisir le suc mathématique - quel a été le cheminement qui l'a mené du constat que les algèbres de Von Neumann s'ordonnancent toutes d'une façon unique à l'idée que, dans le monde physique, c'est son coeur quantique, formalisé par ces algèbres, qui engendre le temps. Et qu'ainsi la variabilité intrinsèque du quantique est plus fondamentale que cette variabilité à laquelle on est plus habituée et qui est le temps.
Par variabilité, il faut comprendre qu'il s'agit du fait que le temps est le paramètre - la variable - naturel des équations de la physique, et aussi en général ce par quoi on pense que le monde change, ce qui permet que deux états différents du monde puissent exister, car n'existant précisément pas en même temps (réflexion que m'avait adressée un jour Nessie, une considération qui peut conduire à penser que le monde est fondamentalement non-macronien, et d'ailleurs, il me semble, Nessie aussi). C'est le degré de liberté qui permet au monde de s'écouler, nous est-il naturel de penser.
Alain Connes tient que le caractère non-reproductible des expériences portant sur des particules individuelles en mécanique quantique, l'aléa fondamental qui préside à ce qu'on appelle la "réduction du paquet d'onde", est l'expression d'une variabilité du monde plus profonde que celle du temps. Notre immaîtrise de l'aléa quantique est pour lui à la source de notre immaîtrise du temps.
Quant à l'espace, puisque le second roman du mathématicien, Le Spectre d’Atacama, y est consacré en filigrane, le monde quantique l'engendre par ses aspects spectraux. Aspects spectraux qui ont à voir avec, notamment, les solutions de la fonction Zêta de Riemann (le ζ flottant sur la couverture du livre), la distribution des nombres premiers, et aussi bien sûr avec la musique. C'est la raison pour laquelle Alain Connes s'est amusé à réaliser des rendus musicaux basés sur les spectres concernés et rythmés par les nombres premiers. On ne peut pas dire que cela ajoute quelque chose à la compréhension de l'ensemble ni que l'esthétique humaine y fasse un progrès considérable, mais y verra le côté facétieux de l'homme, et l'essentiel est ailleurs.
Enfin, comme de naturel, lien est donné dans l'émission vers ce numéro du 1er mars dans lequel la Méthode scientifique recevait Carlo Rovelli. Je ne l'avais pas écoutée mais je rectifierai bientôt cet état de fait.
Carlo Rovelli à l'université La Sapienza à Rome - Crédits : Marco Tambara, Creative Commons
Edit : On en comprendra plus sur la partie spatiale/spectrale en suivant cette conférence donnée à CentraleSupelec