Allez, je m'y risque
masterkey(https://regardfc.1fr1.net/t748p10-la-conversation-scientifique#30348) a écrit: (...) Il faut rendre justice à Etienne Klein, la qualité de son émission tend à s'étioler mais il donnait déjà une émission passionnante avec l'éminent mathématicien
Alain Connes le
17 février dernier sur le thème "Les mathématiques font-elles partie du monde réel ?" (...)
Passionnante ? Comme profane, j'ai entendu une conversation (le modèle chéri de France Culture) qui m'a laissé sur ma faim. Heureusement, masterkey, que vous être là pour rectifier la pédagogie défaillante des émissions scientifiques pointues. Voir d'ailleurs votre
dernier post très informatif sur le numéro de la
Méthode scientifique avec Alain Connes.
Ce sentiment de ne pas avoir été invité au festin du savoir est-il dû à Étienne Klein, peut-être ? Du scientifique, on ne parlera pas des plagiats qui lui ont valu d'être démis de
ses fonctions de président de l'IHEST par décret. On ne parlera pas non plus de la superficialité des entretiens sur sa passion, l'alpinisme (j'aimerais bien être payé pour converser agréablement sur ma passion) et sur les sujets qu'il ne maîtrise pas. On parlera en revanche de sa tendance à s'adresser à ses savants invités sur le mode de la flatterie infantile (pour aérer le sujet ?) : à Alain Connes (équivalent prix Nobel, 71 ans), il dit "Vous êtes un drôle d'oiseau" et "vous vous amusez comme un petit fou". Parfait pour Treiner, car il fait descendre le savant de son (hypothétique) piédestal, il "décrispe" l'antenne, il la rend goûteuse à ceux qui préfèrent la personnalisation au dur du sujet. On parlera aussi de sa fâcheuse disposition à interrompre son invité et à parler en même temps que lui. On a dû lui dire, en guise de seule formation à l'art de l'entretien radiophonique, qu'il ne faut pas que l'invité parle trop longtemps (maximum une minute de suite sans interruption ?), ce serait prise de tête. En résumé, dans un entretien avec M. Klein (dont personne ne niera le savoir), j'ai l'impression d'entendre principalement M. Klein, qui de temps en temps, pousse des soupirs et des sifflements d'admiration pour rappeler à l'auditeur comment il doit se sentir à l'écoute.
Il s'agissait surtout de discuter du dernier ouvrage d'Alain Connes,
Le spectre d'Atacama, ouvrage qui sous couvert d'une intrigue romanesque, se propose d'exposer les vues de l'algébriste des hautes sphères sur ce qu'est la nature de l'Espace (pour ceux que ça intéresse, elle est pour lui fondamentalement spectrale). Ce roman fait suite au Théâtre quantique, enquête policière qui nous révélait alors la conception particulière du temps d'Alain Connes (le temps n'est pas, pour lui, une variable fondamentale mais une conséquence à grande échelle de la nature aléatoire et surtout non-commutative du monde quantique qui se trouve être, par ailleurs, le nôtre).
L'ouvrage a été écrit à trois et a comme sous-titre
"Trio pour la fin du temps" en référence plaisante au
Quatuor pour la fin du temps d'Olivier Messiaen dont on entend un extrait du 2e mouvement dans l'émission et qu'Alain Connes* analyse de manière passionnante du point de vue des mathématiques (de 19' à 27').
Il faut dire que pour l'invité du 17 février, le problème de la nature de l'espace-temps (de l'
espacetemps écrirait Rovelli) est le problème principal de la physique, de même que celui de la structure des nombres premiers est pour lui celui des mathématiques, comme on peut l'entendre raconter, par exemple, dans cette conférence : [
Alain Connes : Espace-temps, nombres premiers]
L'émission a également permis à Etienne Klein de s'entretenir avec lui des conceptions particulières, que beaucoup considèrent comme très platoniciennes, d'Alain Connes sur la nature du monde : Il considère en effet que la réalité des mathématiques est première et qu'en quelque sorte notre monde physique n'est qu'une occurrence singulière, une réalité seconde reposant sur cet infra-monde mathématique déjà présent.
Etienne Klein : "alors vous êtes un pythagoricien". Alain Connes "non" EK : "alors un hyper-platonicien". Ça en jette ! Sauf que l'auditeur aurait pu être informé de ce que sont l'une et l'autre de ces appellations et en quoi elles se différenciaient.
On a pu également y découvrir des création musicales de l'auteur, parfaitement inaudibles il faut bien l'avouer, basées sur des suites interprétées suivant des motifs de Grothendieck, mais qui ne rendent cette émission que plus singulière.
Pas du tout inaudibles, car rappelant des entrées de pièces du grand pianiste de jazz Erroll Garner (1923-1977), par exemple dans son album
Feeling is believing dont quasiment aucune pièce n'est disponible sur internet (pas celle que je cherchais, mais voir le début de
Lulu's back in town et l'on peut écouter celle-ci
Erroll Garner - Mood Island.) ou de l'autre grand pianiste de jazz
Thelonious Monk.
Alain Connes en compositeur "spectral" (il n'est pas
Tristan Murail ) : [son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13957-17.02.2018-ITEMA_21590865-0.mp3" debut="57:59" fin="58:54"]
et avec explication avant nouvelle illustration (garnérienne, selon moi, mais il ne faut pas en abuser, qu'en aurait pensé Jean-Sébastien ?) [son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13957-17.02.2018-ITEMA_21590865-0.mp3" debut="33:46" fin="39:45"]
Encore grand merci masterkey pour votre post très stimulant et qui donne envie d'aller plus loin. C'est tout l'intérêt des interventions du forum avec les recommandations d'émissions.
Invité : Alain Connes, mathématicien, professeur au collège de France, titulaire de la chaire d’analyse et de géométrie, lauréat de la médaille Fields (1982). Vient de publier Le Spectre d’Atacama, coécrit avec Danye Chéreau et Jacques Dixmier aux éditions Odile Jacob (février 2018).