Le cinquième volet de la Grande traversée
Charlie Chaplin, the artist : The freak est déconcertant à plus d'un titre. Durant la première heure, Christine Lecerf qui a manifestement fait le tour de la carrière de Chaplin en sept heures (1h45 x 4) décide de s'intéresser à l'entourage du cinéaste, sa famille et la ville dans laquelle il a passé ses dernières années : Corsier-sur-Vevey, en Suisse.
Si la petite-fille Aurélia Thierrée est d'abord légitimement interrogée à partir de photos familiales qu'elle décrit à la journaliste - l'exercice est illustratif mais il procède logiquement d'une introduction qui trouvera son « final » une heure plus tard - on reste dubitatifs devant les segments accordés aux inconnus que sont le premier cercle périphérique à la famille, un chocolatier et le gérant-horticulteur du cimetière dans lequel est enterré Chaplin.
Parenthèse : est-ce une bourde dans le montage ou une répétition délibérée (dans quel but ?), mais à 3'20'', on entend Aurélia Thierrée dire :
Là, alors là, c'est un, deux, quatre filles, y'a Annie, Joséphine, donc Charlie, Oona, Christophe, Géraldine et James., puis une minute plus tard à 4'08'' :
Un, deux, quatre filles, non c'est pas tous les enfants, c'est une partie de la famille, y a Annie, Joséphine, donc Charlie, Oona, Christophe, Géraldine et James. Les extraits sont identiques et l'auditeur peut même lire les coupes du premier à partir du deuxième.
16'38'' : Christine Lecerf (voix off) :
A Vevey, dans la cour de l'école. Aux enfants :
Est-ce que vous connaissez Charlot ? Vous avez vu des films de Charlot ? (c'est la récréation + pleurs dans le fond) Une enfant d'environ cinq ans répond au milieu du brouhaha :
Non, on n'a pas regardé. Une bien belle séquence + Lecerf qui joue les naïves à la maîtresse :
Ah bon, vous dites qu'il [Chaplin]
est d'ici ? Quelle misère.
17'40'' :
Dans l'atelier du chocolatier Läderach, dit encore Lecerf en voix off, pour nous présenter la recette des chaussures en chocolat du vagabond inspirées de
La ruée vers l'or. Bon, les lacets étaient en réglisse mais peu importe. Intérêt de la séquence ? Nul. Clôture de Lecerf :
Donc Chaplin se mange à Vevey. 20'02'' :
Dans la salle des fêtes de Corsier-sur-Vevey, avec Michael Chaplin et ses amis d'enfance Irène, Louis, Pierre et Lisette, enchaîne la productrice. 8 minutes 17 secondes plus tard, l'auditeur sort sonné du tunnel qu'il vient de traverser. Des anecdotes d'enfance montées bout à bout sans aucun rapport avec Charlie Chaplin, son oeuvre de cinéaste, ou des références culturelles relatives à sa fin de vie en Suisse. Fin de l'apéro sur les invités qui lèvent leurs verres :
À Charlie disent-ils.
Cheers.
50'10'' :
Dans les bois de Vevey. Lecerf :
Bonjour, on cherche la croix de Chaplin. (...)
Elle est encore marquée Charlot ? _
Oui, bien sûr, lui répond Pierre Bronnnimann (avec 3 -n dans le
descriptif), horticulteur.
Et qu'est-ce qui'y a marqué là ? _
Y'a une p'tite plaque. Lecerf insistante :
Qu'est-ce qu'il y a marqué dessus ? (...) Plus loin, Lecerf :
Alors qu'est-ce qu'il lui est arrivé à ce pauvre Chaplin ? On croît rêver : l'histoire vient d'être racontée deux minutes plus tôt (à 48'07''). Mais Lecerf veut l'authenticité du témoignage de l'horticulteur dont le frère a retrouvé la tombe déboulonnée de Chaplin, on la comprend. Valeur ajoutée ? Zéro (N.B. : le fait divers a même inspiré le dernier long-métrage de Xavier Beauvois,
La rançon de la gloire (2014), pas vu, comme apparemment
beaucoup de Français).
« Mais alors, est-ce que vous comprenez pourquoi Chaplin est venu ici en Suisse, pourquoi il est venu d'après vous ? _ Comme tous les acteurs, comme Alain Delon et compagnie, parce qu'on leur fout la paix.
_
Vous croyez que c'est la raison ? », lui demande-t-elle !
Ces détails mis à part, cette
Grande traversée Chaplin s'écoute avec intérêt, notamment pour le grand soin qui a été apporté à la sonorisation de chacun des volets (très nette à l'écoute au casque), l'appel à deux musiciens rejouant les partitions de films, la grande part laissée à la langue originale avant traduction, et plus largement pour la place donnée à la musique. Bien sûr les documents les plus intéressants dont on aurait aimé entendre l'intégralité sans montage restent les entretiens enregistrés sur trois jours de Charlie Chaplin avec un journaliste de
Life, Richard Meryman, en 1967 (lire sur
Télérama les explications de la productrice à Carole Lefrançois, 17 juillet 2016). Les descriptifs des pages font également l'objet d'un effort louable, encore qu'on aurait apprécié avoir la totalité des extraits musicaux diffusés.