Les hasards et les coïncidences ont fait que mes oreilles sont tombées sur un podcast de France Musique de l’été 2020, dont il a été
ici-même dit beaucoup de bien.
«
J'écris pour l'avenir, Beethoven par Michaël Lévinas », 1er volet.
L’émission s’ouvre, et s’est fermée en ce qui me concerne, sur les sonates op. 2 n°1 et n°3.
C’est exactement le type d’analyses musicales, de considérations techniques, qui font que le public peu habitué à l’écoute de Beethoven va fuir vers d’autres horizons, et c’est vraiment dommage. Les propos de Michaël Lévinas, en se voulant accessibles, sont en réalité abscons : les mots techniques balancés sont de la poudre aux oreilles.
Triste aussi, l’obligation qu’ont les producteurs de France Musique de ne pas parler plus de trois minutes sans avoir à balancer un disque. Le but est de concurrencer Radio Classique, et de faire taire définitivement les mauvaises langues qui pendant des décennies avaient décrété que sur France Musique les producteurs parlaient trop.
Michaël Lévinas est présenté comme un pédagogue. Il a la délicate tâche de concentrer ses démonstrations sur une durée fort réduite.
Passons l’introduction, où l’on apprend que Beethoven a bouleversé le langage musical du XVIIIème siècle pour l’amener au XIXème. La comparaison avec Napoléon sur le pont de l’Arcole, « réveillant les vieux généraux du XVIIIème siècle » permet de mieux visualiser l’idée. On peut voir l’histoire de la musique (et de l’art en général) comme un champ de bataille avec un affrontement ancien/moderne continuel. On peut aussi dépasser ce dualisme un peu simplificateur et ranger les armes.
Écoute du premier mouvement de la première sonate, l’op. 2 n°1.
Vous avez des oreilles ? Donc vous allez entendre que le thème est parfaitement audible, et répété de nombreuses fois dans la pièce.
Pourquoi le choix de cette pièce ? C’est la rude question à laquelle le compositeur/interprète va répondre. C’est pour lui « comme une provocation ». Provocation, imagine-t-on tout de suite, envers son maître Haydn à qui cette sonate est dédiée. Mais pour aller plus loin, Michaël Lévinas va nous jouer le thème. Vous savez, celui que l’on vient d’entendre. Inutile ? Oui, mais ça fait classe et hyper-technique. Poudre aux oreilles.
Dans un souffle, nous constatons que « le point d’orgue » mène dans une impasse et qu’en sortant miraculeusement de cette impasse, Beethoven fait avancer l’histoire de la musique, en apportant quelque chose de neuf. Normal, c’est Napoléon Beethoven, qui rompt « le processus de la sonate du modèle vers un au-delà du système ».
Et comme on reste dans la douceur, Lévinas voit dans ce point d’orgue « une sorte de gifle » de l’élève au maître Haydn. Napoléon envoie les vieux schnoks à dames.
Mais que dire d’autre de ce point d’orgue ? « Silence presque lacanien », rien de moins, rien de plus.
Silence avant le passage en mineur. Classique certes, mais extraordinairement extraordinaire. Et le plus extraordinaire, c’est que la suite du mouvement découle de ce qui a précédé, soit ce point d’orgue, pour nous amener à une… (tenez-vous bien ça dépote) reprise du thème.
Avec ce fameux point d’orgue, « le leurre est rompu ». CQFD.
Renouveler la forme, c’est sortir du moule existant, c’est créer de l’inattendu. Mais je m’égare en écrivant les choses trop simplement.
Autre exemple (après je m’arrête, ça suffit), la sonate op.2 n°3. Cette fois-ci « l’impasse beethovénienne est dans la réexposition » (du thème doit-on préciser) où il s’arrête avant la fin.
Question intelligente de Lévinas : « Qu’aurait-fait un être normal ? »
Réponse intelligente de Lévinas : « Je ne sais pas. »
Nous non plus, à la différence près que nous ne nous sommes pas posés la question que nous n’analyserons pas tellement elle est intelligente.
Alors, il y a des réminiscences de Mozart (sonate n°3, nous sommes dans les œuvres de jeunesse de Napoléon), un jeu d’octaves (joué dans la foulée) qui va aller « au-delà de la reprise ». Ceci, Michaël Lévinas nous confie dans un premier temps que nous avons là « un des secrets névralgiques » de cette sonate, et dans un second temps qu’il « ne s’attardera pas sur tout le développement formel » (une bagatelle !), mais que cet « au-delà » va apparaître à nouveau à la mesure 218 avec la cadence.
Nous sommes invités à entendre la sonate op.2 n°3 dans la version de Wilhelm Kempff.
Escroquerie (pédagogique ?) : jamais Michaël Lévinas ne nous indique que nous n’écoutons que le premier mouvement. Il nous a fait le même coup pour la première sonate. Il annonce et désannonce une sonate entière.
Terminons par un silence lacanien, là où nous aurions peut-être dû avoir une petite explication sur les variations beethovéniennes. Rappelons que Beethoven est le compositeur de la 5ème symphonie de Beethoven (eh oui, c'est lui !), dont le premier mouvement propose des développements très riches à partir d’un thème quasiment nul (pensez, des poms, des poms, des poms et des poms !)