La série
Les Chasseurs de nazis (pourquoi un -C majuscule à
Chasseurs ? mystère) ressemble à une grande traversée du point de vue du temps cumulé qu'elle prend sur l'antenne (8 heures) sans l'être dans le format, saucissonnée qu'elle est en 40 épisodes de 10 minutes (pour information, les podcasts sont d'ores et déjà tous disponibles sur Itunes alors que la série s'arrête à la fin de la semaine). Le mot
épisodes employé par la chaîne ne doit rien au hasard. Il reflète la volonté d'inscrire ces émissions dans une logique sérielle proche du feuilleton, genre auquel ce travail de recherche est totalement étranger mais qui s'en rapproche par toutes les musiques distillées à l'arrière plan, qui tentent bêtement d'illustrer le sens des propos donnés à écouter. Certains cas relèvent de l'indécence. [son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/19263-09.07.2018-ITEMA_21737919-0.mp3" debut="00:45" fin="01:41"] etc. Entendez-vous cette lancinante musique dronesque derrière la voix de Benjamin Ferencz qui lit la déclaration de l'accusation au procès de Nuremberg ? (1947)
Cet écueil signalé, il faut saluer le riche contenu fourni par Michel Pomarède parti dans plusieurs pays pour mener son enquête et réaliser des interviews. Quand en plus l'actualité rattrape l'entreprise conçue, on ne peut que remercier France Culture de nous permettre de mieux comprendre tout ce qui s'est joué dans
l'expulsion des États-Unis vers l'allemagne de l'ancien gardien de camp nazi Jakiw Palij. (20 août 2018) Tout le contenu de l'article écrit par Coline Vazquez pour
Le Figaro peut être détaillé ligne par ligne grâce au « chapitre » intitulé : Les américains font le ménage, diffusé du 12 au 16 août 2018, à l'intérieur de la série aux 40 numéros.
Extrait de l'article donné en lien : Jakiw Palij, aujourd'hui âgé de 95 ans, est un ancien
gardien SS du camp Trawniki situé en Pologne. Il
arrive aux États-Unis [en 1949],
affirmant avoir été fermier pendant la Deuxième guerre mondiale. Huit ans plus tard, il obtient la nationalité américaine et s'installe à New-York. Mais en 1993, la police frappe à sa porte. Des enquêteurs ont remarqué son nom sur un tableau de service nazi et ont découvert que le new-yorkais était en réalité un assistant SS dans le camp de travail forcé de Trawniki. Ce dernier a fermé en 1943 après que l'ensemble des prisonniers du camp ont été massacrés, soit plus de 6.000 Juifs. Un ancien garde avec qui il a travaillé révèle qu'il «habite quelque part en Amérique». Les paragraphes suivants portent sur le retrait de la nationalité américaine, les tentatives d'abord infructueuses d'expulsion de Palij vers la Pologne et l'Allemagne, enfin sur la réouverture de son dossier par la justice allemande.
Dans le numéro du 14 août 2018,
Elisabeth Holtsmann, sénatrice américaine, relate la découverte de
53 cas litigieux auprès des services de l'immigration américains en 1973. Entendez :
de présumés criminels nazis. Devant l'inertie de l'administration américaine pour
traduire ces personnes en justice, elle demande
la création d'une unité distincte créée au sein du gouvernement américain, chargée de traquer les criminels de guerre nazis (...) . Ce sera l'Office of Special Investigations (OSI), qui verra le jour en 1979, en dépit des résistances exprimées par des représentants du ministère de la justice.
Il n'a pas été facile de porter ces cas devant les tribunaux parce qu'ils [les anciens SS]
étaient devenus citoyens des États-Unis, dit Elisabeth Holtsmann.
Alors il fallait d'abord leur retirer la nationalité américaine et pour cela passer devant trois instances judiciaires : le tribunal de première instance, la Cour d'appel et la Cour suprême des États-Unis. Et plus encore pour l'expulsion, soit un total de
sept étapes.
Le 15 août 2018,
Allan Ryan, ancien directeur de l'OSI, précise que
beaucoup des gens qui étaient portés à notre attention n'étaient pas allemands. Parce qu'après la fin de la guerre, il était très difficile de venir aux États-Unis si vous étiez allemands ou autrichiens. Vous étiez vraiment passés au peigne fin. D'un autre côté, il était très facile et à dessein de venir aux États-Unis si vous étiez originaires de Lituanie, de Lettonie, d'Estonie, d'Ukraine, en fait des pays de l'Europe de l'Est principalement. (...)
Beaucoup d'entre elles [ces personnes] étaient littéralement réfugiées, déplacées. Mais il y avait parmi eux un certain nombre qui n'étaient pas déplacés du tout. C'étaient des collaborateurs nazis qui fuyaient devant l'avancée des Russes qui venaient de l'Est. Et donc, ils ont menti sur leur histoire. Ils prétendaient être des fermiers alors que c'étaient d'anciens gardes du camp de concentration. Ils disaient que c'étaient des coupeurs de bois alors que c'étaient des auxiliaires de police. En gras : précisément le cas de Jakiw Palij, arrêté le 20 août dernier. Allan Ryan ajoute :
Plutôt que d'attendre que quelqu'un vienne nous voir et nous dire : mon voisin est un nazi ou j'ai vu quelqu'un dans le métro qui était nazi, nous sommes retournés aux documents originaux qui montraient qui étaient les collaborateurs sur les listes de Trawniki, de Treblinka ou d'Auschwitz. Trawniki, le camp dont Palij était le gardien. Fort de ces deux exemples, nous pouvons supposer qu'Allan Ryan dont le témoignage nous est livré sur France Culture est en partie à l'origine de l'enquête menée sur le cas du criminel nazi expulsé cette semaine vers l'Allemagne.
P.S. : France Culture, par la voix d'Hélène Combis-Schlumberger vient d'écrire quelques lignes
à ce sujet (qui ne font que reprendre l'article du Figaro).