Quand sont-ils bons ? Simple : quand ils traitent, seuls ou avec des invités, de leur spécialité ou du sujet qui les passionne.
Comment sait-on qu'ils ne sont pas bons ? Très simple aussi : quand ils ignorent tout du sujet. Symptômes ? Le remplissage avec des mots creux et des formules toutes faites, l'accent tonique sur la première syllabe pour faire croire à de la conviction, les rires, les euh, les bafouillis, l'absence de relance intelligente, etc.
J'y repensais en écoutant Tewfik Hakem s'intéresser très mollement à Edgar Varèse dans le cadre de la
Brève histoire de la musique savante occidentale*. Tewfik Hakem ne connaît rien à ce sujet, comme à tous les autres qu'il présente ou presque, c'est audible. Il aime le slam et la bande dessinée. C'est très bien. Pourquoi ne pas le faire présenter des émissions uniquement sur ce sujet ?
Ah... parce qu'il faut un petit nombre de producteurs généralistes permanents ! Ah, c'est ça ! Dommage, dommage ! J'écouterais volontiers Marie Richeux dans des émissions pour enfants, par exemple sur l'histoire et le développement de la marelle. Elle y excellerait et on ne la critiquerait plus, au contraire. De même, Laure Adler (bientôt de l'histoire ancienne, pas trop tôt !) ne connaît rien aux domaines des invités qu'elle reçoit, sauf dans le domaine de la politique et de la culture en Israël, sur quoi elle a fait un certain nombre de semaines thématiques. Très bien, rien à redire, mais ensuite ? Elle ne connaît rien à la musique et invite des musiciens (comme Broué), résultat nul. Elle ne connaît rien à l'art littéraire, mais invite des écrivains (comme Broué), résultat nul. Adler et Broué se replient donc sur le "people" (comme Garrigou-Lagrange l'anecdote pas l'oeuvre), car il est très facile de parler de la vie des gens (comme Adler dans Gala sur Mitterrand) que d'entrer dans la réflexion donnée par un spécialiste sur un art. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Broué a commis une auto-fiction. Se raconter n'est finalement que la suite logique des séances de psy, voir Adler, presque psychanalyste, comme elle le dit.
Normalement devraient être bons Loisy (mais complaisant), Deligeorges (est fatigué), Ciment (encore vaillant), Jeanneney (excellent), Charpentier (l'est, mais cherche le happening et trouve des titres débiles), Frydmann (quand ça touche à sa spécialité médicale, il se réveille vraiment), et d'autres encore. Certain plus grand contributeur du Forum dira que même bons, ils enrobent leurs discours du paradigme idéologique de France Culture (voir les posts de Nessie et de Yann Sancatorze qui en ont répertorié les divers aspects).
Bref, peut-on espérer retrouver à l'antenne des producteurs qui savent exactement de quoi ils parlent (et qui ne lisent pas des fiches à la va-vite, 5' avant l'entretien) : un architecte pour parler d'architecture, un zoologue pour parler de la vie animale, un diplomate pour parler de politique internationale (assez de l'euro-germanophobe Garcin !), etc, ?
Comme en médecine, il vaut mieux entendre un spécialiste vous parler d'un domaine. Sauf si l'on veut rester dans l'à-peu-près. C'est sans doute ce que veut la directrice de France Culture dont la culture et l'expression(les deux vont de paire) sont bien limitées comme en témoignent ses interviews et interventions. Quand il n'y a pas à la Direction d'impulsion sous-tendue par une réelle passion pour la culture et la transmission, mais comme intérêt majeur celui des statistiques de podcasts (statistiques qui ne disent rien de l'écoute réelle), on n'est pas près de retrouver dynamisme et richesse dans les programmes.
Philippe Garbit reste notre bouée de sauvetage (pour France Culture), sinon il y a toujours France Musique habitée par la passion, les instituts et médias culturels produisant des documentaires audio disponibles en lignes et les radios étrangères, francophones ou non. L'auditeur exigeant n'a pas besoin de France Culture pour satisfaire sa soif d'informations intelligentes et d'émissions authentiquement culturelles.
* Brève histoire de la musique savante occidentale Episode 5 : Le 20ème siècle ou la révolution du sonore
Avec notre tête chercheuse : Denis Morrier
Musicologue, Denis Morrier enseigne à Montbéliard et au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Spécialiste de musique baroque, il est l’auteur d'ouvrages sur Monteverdi et de Carlo Gesualdo (Fayard-Mirare, 2003) et de Chroniques musiciennes d'une Europe baroque (Fayard, 2005).
Le XXème siècle, traversé de tragédies sanglantes, a connu une profonde remise en question de tous les domaines de l’Art. La musique occidentale vécut alors une véritable succession de révolutions radicales. La plus importante vit la notion du « musical » envisagée d’une toute nouvelle manière, au bénéfice du « sonore ». La distinction entre « bruit » et « son » fut reconsidérée, la « matière musicale » se vit enrichie d’apports nouveaux : la lutherie électrique, puis électronique, l’influence des musiques issues d’autres cultures, d’autres sphères temporelles, d’autres horizons artistiques.