J'ai à plusieurs reprises indiqué les qualités de Raphaël Enthoven dans les émissions Commentaires et dans les Nouveaux Chemins de la Connaissance de FC (voir sa semaine sur Kant, évoquée dans un fil), et aussi sur France Inter : Enthoven bon vulgarisateur.Mitsouko a écrit:(...) Cher Philaunet, si je comprends bien, ce que vous déplorez et détestez chez Enthoven, c'est sa manière, celle d'une sorte de professeur séducteur qui étale sa science. C'est juste.
Néanmoins, écrire qu'Entho tient des propos stupides lorsqu'il prétend que "La recherche" est une oeuvre hilarante me semble exagéré. De fait, nombre de passages de "La recherche" sont amusants. Certes, l'adjectif "hilarant" tient de l'hyperbole que vous mentionnez.
Il est question ici de la nature de l'émission « Le gai savoir ». Ce faux dialogue me gêne terriblement. Il y a là une jeune femme à la parole empruntée et de peu de savoir face à un intellectuel brillant, acteur chevronné qui se met en scène par des effets de discours et de voix. C'est un peu le dialogue entre le loup et l'agneau, en moins élégant. Cette inégalité est apparemment voulue et revendiquée. À qui plaît-elle ?
Enthoven et À La Recherche du temps perdu : il a certainement amené des lecteurs à cette oeuvre et c'est bien. Mais nous parlons de maintenant où il se caricature et devient de plus en plus réducteur. Pour Enthoven, il y a un passage et un seul qui est hilarant (tout est hyperbole chez Enthoven, c'est-à-dire déformant la réalité) dans La Recherche, c'est quand Madame Verdurin se cache le visage avec les mains en faisant croire qu'elle rit. Sinon ?
Il y a de l'humour dans La Recherche, mais c'est de l'esprit pas du burlesque à se gondoler. Et on ne rit pas « à chaque page » de cette oeuvre, nom d'une pipe, comme l'a dit plusieurs fois Enthoven. Franchement, il ne faut jamais l'avoir lue pur dire une telle ânerie qui a pour but de faire croire aux potentiels lecteurs qu'on se marre bien en lisant Proust. Non, La Recherche demande un énorme effort intellectuel et des centaines d'heures de concentration dans le silence.
Mais ça, personne ne va le dire à FC et surtout pas Enthoven, car ça ne va pas faire vendre du papier imprimé avec les lignes de Proust. Il fait accroire que la culture est une chose facile à « acquérir » quand c’est en réalité une parfois douloureuse extraction de son monde quotidien. Enthoven déforme la réalité, pour ne pas dire qu’il ment (par omission, voir sa fameuse formule « ce serait mentir par omission si l’on ne disait pas que » qui se veut gage d’honnêteté intellectuelle alors que tout en disant cela il cache ce que requiert vraiment la culture).
Encore une fois, R. Enthoven a apporté de nombreuses choses à la chaîne et à la culture de bien des auditeurs, mais il est temps qu’il réfléchisse à son rôle : il est loin le temps où il se permettait de critiquer à l’antenne « l’horrible studio » dans lequel il devait faire ses émissions. Il a échangé cette liberté pour faire du commerce de produits culturels (ses conférences et ses livres).