Texte nu, Jean Carmet, Festival d’Avignon, 1987.
Extrait choisi, mais pas par Jean Carmet, qui découvre le texte en même temps qu’il le lit, de «
Inventions nouvelles et dernières nouveautés » de Gaston de Pawlowki.
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« On est fort ému, sur nos côtes normandes, par les premiers essais qui viennent d'être faits d'une moule perlière. Il suffit, parait-il, de placer une fausse perle à l'intérieur d'une moule pour que celle-ci, tout aussitôt surexcitée, sécrète en quelques semaines une petite perle fort jolie et qui rappelle, à peu de chose près, la perle de l'huitre. Ce serait là une véritable fortune pour nos pêcheurs normands. Ajoutons même que, dans les ports de guerre, les moules qui ont séjourné sur de vieilles coques en cuivre et qui sont dangereuses pour l'alimentation, fournissent une perle dorée du plus bel orient.
À propos de ces moules perlières rappelons une anecdote amusante. Lorsque le fait fut communiqué à l'Académie des sciences, une petite revue provinciale qui s'intitule modestement Le Relèvement de l’Élevage, avait repris cette information d'une façon véritablement imprévue. Par suite, sans doute, d'une faute de transcription, le rédacteur agricole de cette revue avait compris qu'il s'agissait de poules merlières et vous voyez d'ici les développements imaginés par ce folliculaire départemental !
D'après lui, la poule merlière, issue d'un judicieux croisement, sifflait comme le merle pour appeler ses petits, ce qui est plus gracieux que le caquètement habituel. Détail plus intéressant encore : elle pouvait siffler le chien de la ferme lorsqu'un renard s'apprêtait à dévaster le poulailler. Mais laissons ces folies et parlons de choses sérieuses.
Toujours à propos des moules perlières, il parait que, pour obtenir de bons résultats, la fausse perle provocatrice n'est pas indispensable. Il suffit d'exciter la moule en perçant un tout petit trou dans sa coquille, et ces piqûres peuvent se faire très rapidement à la machine. Les moules piquées à la machine sécrètent tout aussitôt de la nacre autour du trou et produisent ainsi de jolies perles. Signalons toutefois que certains éleveurs cupides, ayant par trop multiplié les trous, les moules se sont contentées de produire de simples boutons de gilet de flanelle, ce qui est, on l'avouera, une leçon et un exemple.
Il convient de signaler, dans le même ordre d'idées, deux inventions nouvelles issues de la moule perlière, plus réelles celles-là que la poule merlière et qui sont appelées je crois à faire quelque bruit.
Il s'agit tout d'abord de la poule perlière, utilisée dès maintenant par les pêcheurs normands pour récolter les perles artificielles que l'on développe dans la coquille des moules. En quelques heures, les intelligents gallinacés, perchés sur les rochers, se saisissent des perles qu'ils aperçoivent dans les moules entrouvertes et qu'ils prennent naïvement pour de petits grains de mil. On peut ainsi, grâce à ces intelligentes bestioles, recueillir en une matinée des milliers de perles dont la main de l'homme chercherait vainement à s'emparer au cours de chasses fatigantes et fastidieuses. D'un simple mouvement du bec, la poule pique la perle, l'avale, et il suffit ensuite de laver les sous-produits du poulailler pour que les braves pêcheurs normands recueillent le fruit de leurs peines.
À côté de ces poules perlières véritablement si remarquables, il faut également signaler les utiles services que rendent à la navigation les nouvelles moules merlières placées sur de dangereux récifs. Les marins ont déjà baptisé de ce nom les moules qui, percées de petits trous pour la culture des perles, rendent un son étrange, analogue au sifflement du merle. La moule percée de trous ressemble beaucoup à ce bizarre petit instrument de musique que l'on appelle ocarina.
Lorsque le vent souffle, lorsque la tempête fait rage, les moules percées de trous font entendre un sifflement sauvage qui avertit les navigateurs et écarte leurs nefs des dangereux rochers où elles allaient se briser. C'est ainsi que l'industrie nouvelle de la moule perlière rend de signalés services à l'humanité et l'on peut prévoir que dans un avenir prochain, les moules merlières remplaceront avantageusement les phares et les sirènes actuellement en usage.
Les chasseurs s'intéressent, un peu partout, à un nouvel appât qu'annoncent certains catalogues d'armuriers sous ce nom : perles pour lièvres.
Il s'agit d'une petite perle « en imitation », que l'on place dans les clairières et qui évoque par la forme, sinon par la couleur, l'aspect des sous-produits du lapin. Le lièvre, étonné par ces petites boules nacrées qu'il ne connaît pas, s'arrête, regarde, flaire, et rien n'est plus facile que de le tirer à ce moment là.
Notons à ce propos qu'il faut bien se garder de confondre la perle pour lièvres avec la moule perlière qui produit les perles moulières, et avec les poules merlières dont nous avons parlé plus haut.
Il ne faut pas confondre non plus avec les moules merlières imitant l'ocarina, et les poules perlières, qui évoquent douloureusement le souvenir de la charmante fable « le Coq et la Perle », et servent, on le sait, en qualité de poules moulières, à rechercher les perles artificielles que l'on cultive dans les moules.
Ajoutons enfin que la même distinction s'impose avec les nouveaux merles pour lierres utilisés par les agriculteurs pour détruire les lierres qui étouffent les arbrisseaux et que l'on fait passer d'un arbre à l'autre, lorsque leur travail est terminé, en leur lançant des projectiles inoffensifs d'un modèle spécial, que l'on appelle les pierres molles pour merles. Évidemment, à la réflexion, aucune confusion n'est possible, mais un simple « lapsus calami » dans les commandes pourrait entraîner de regrettables erreurs. »