Comme vous le dites, Nessie, ces écarts révèlent quelque chose : qu'est-ce qui passe à l'as dans "controverse" et "sobriquet" prononcés par ces journalistes de France Culture ? Le "o" voyelle postérieure, prononcé bouche ouverte (voir en toute fin de post, une autre illustration exemplaire de cette disparition). Pourquoi ce phénomène ?
Vous aurez remarqué que, sous différentes influences, les voyelles tendues remplacent les voyelles non tendues (é au lieu de è) dans les paroles des jeunes générations (on dira de 20 à 40 ans) depuis une vingtaine d'années, il suffit d'écouter, par exemple, "Sur les Docks" pour s'en rendre compte.
Vous aurez aussi remarqué que pour se faire entendre ou remarquer, une grande partie des journalistes met maintenant l'accent tonique sur la première syllabe d'un mot alors que l'accent, en français, est normalement toujours sur la dernière syllabe d'un mot ou d'un groupe de mots.
Dans le cas qui, à raison, vous occupe, on voit que les "o" ouverts ont été remplacés spontanément par des voyelles labiales (arrondies) : un "o" presque prononcé "eux" pour faire "contrEverse" et un "o" prononcé "ou" pour faire "sOUbriquet". Pourquoi ? Parce qu'elles résonnent davantage, pardi, et donc permettent de se faire entendre dans un monde bruyant ! Car à l'oral apparaît un phénomène semblable à celui de la regrettable (mais jugée nécessaire) compression de la dynamique mise en oeuvre à la radio (sauf à France Musique, semble-t-il) où les sons faibles sont amplifiés (ici modifiés) pour que ceux-ci soient intégralement entendus dans un environnement bruyant (voiture, métro, foule, etc) et.
Soit dit en passant, Yann Paranthoën a toujours refusé que ses documentaires soient compressés à France Culture. La perte de la dynamique était pour lui un changement de nature du paysage acoustique. Mais cette évidence importe peu aux stations de radio qui cherchent à être plus audibles que leur concurrentes.
Toujours en passant, il faut savoir que la masterisation des 33 tours en CD est souvent faite en affaiblissant la dynamique au profit de la puissance. Du coup on a un sentiment d'aplatissement. Moins de nuances, donc plus de décibels possibles. Moins de complexité, plus d'uniformité. Tendance ? À la hausse. Non qu'il y ait moins de complexité en soi, mais au lieu d'être exprimée, elle est ratiboisée, comme on le voit dans d'autres domaines. La nuance demande du temps et de l'attention, ressources en baisse...
Terminons, pour illustrer votre propos, Nessie, avec un exemple pour le coup consternant. Au cours des Nouveaux Chemins de la Connaissance dirigés par Raphaël Enthoven (qui a beaucoup fait à mon sens pour France Culture et pour bien des auditeurs, c'est un autre sujet), ce dernier, se croyant spirituel et ne réussissant qu'à être idiot, a dans plusieurs émissions posé cette question à ses interlocuteurs venant de prononcer soit "jeu", soit "je" : "
Comment l'écrivez-vous ?" L'un, piégé, avait répondu "
Euh, j-e" ; l'autre, une femme, avait superbement rétorqué : "
Comment voulez-vous que je l'écrive ?". Pour elle, évidemment, dire "jeu" (tel était le mot) n'était pas ambigu. Tandis que pour Raphaël Enthoven, il n'y avait aucune différence de prononciation entre "je" et "jeu", la prononciation de ce dernier mot étant appliquée au premier. Consternant et révélateur (sans parler de la tentative répétée de faire un jeu de mots pseudo-psychanalytique).
Voilà qui illustre le phénomène que vous avez remarqué, Nessie : le changement de phonétique des mots, non par manque de culture, mais par mimétisme avec un environnement verbal où les voyelles labiales prédominent (eux, eau, ou) au détriment d'une prononciation nuancée du français, langue qui, n'ayant pas d'accent tonique variable au contraire d'autres langues européennes, joue sur les voyelles tendues et relâchées ainsi que sur les consonnes sonores et les sourdes pour créer du relief dans l'expression.
Maintenant, on fera remarquer que la parole étant l'unique moyen de faire passer son message à la radio, on pourrait imaginer qu'une attention scrupuleuse soit apportée à la prononciation sur une chaîne portant le nom composé de France Culture... (quelle utopie, pardonnez-moi !)
Dernière minute : après fin de rédaction ci-dessus, écouté dans la douleur le passage suivant qui illustre ce qui est dit plus haut, et qui montre l'ignorance sûre de soi insistant dans sa bêtise. "Sur les Docks" du 07. 11. 2011 " "
Guérir de quoi, mourir de quoi ?"
http://www.franceculture.fr/emission-sur-les-docks-guerir-de-quoi-mourir-de-quoi-2011-11-07À 35'32" :
L'intervenante (la trentaine ?), supposée spécialisée dans l'activité intellectuelle des personnes en maison de repos, fait ainsi passer à son public de personnes âgées un test d'orthographe et annonce d'une voix forte : "
Côte de mailles !"
Une voix féminine âgée, immédiatement : "
On ne dit pas côte, on dit cotte".
L'intervenante (considérant que les deux formes de la prononciation sont valables répète pour que quelqu'un lui épelle le mot) : "
Cotte ou côte de mailles..."
Une voix masculine : "
On dit cotte, donc c'est deux t"
L'intervenante (insistant, refusant de reconnaître l'évidence) : "
Comment on écrit ce fameux " cotte ou côte ?"
Une voix féminine claire : "
c-o- deux t"
L'intervenante, voix sûre d'elle-même : "
c-o-deux t-e ["e" prononcé "eux" !].
CÔTE de mailles, madame Boulanger"
Fin du passage à 35'46". Soupir de désolation...
Des personnes âgées, sachant la langue, infantilisées par une jeune personne tentant de leur inculquer son ignorance...
Les auditeurs de France Culture ne subissent-ils pas parfois le même traitement de la part de journalistes n'ayant aucune conscience de la langue qu'ils emploient au micro ?