ce matin dans sa chronique Philippe Meyer arbitre malicieusement un conflit latent entre des hordes d'auditeur qui, le 2 juin dernier, ont grimacé en avalant le "
moins pire" de Huertas, et qui ont du bien se lâcher depuis en le dénonçant traitreusement à Jérôme Bouvier, non sans envoyer au fautif twitt sur twitt (avec copie à Danièle Sallenave). Donc dans sa quotidienne, Meyer dit quelque chose comme << de ces deux fléaux, lequel parait "le moins pire", pour parler comme les québecois >>. Oui. Notons le recul ironique de Meyer, qui lui n'emploierait certainement pas cette expression "au naturel". Quand il y a du relâchement chez Philippe Meyer, c'est plutôt dans son art complaisant de la vacherie-savonette glissée sous les pieds du commenté : cet homme n'est pas toujours charitable avec les pauvres gens qu'il commente (par exemple Henri Emmanuelli il y a quelques jours).
Un imbécile, bien connu chez nous pour son habitude de déformer la vérité en n'en racontant que la moitié qui l'arrange tout en masquant l'autre moitié, bien connu aussi pour son ton tranquillement méprisant, ce bienveillant masqué à la parole puante m'avait quasi traité de demeuré parce que j'ignorais que l'expression "moins pire" est dans le Robert, depuis 10 ans parait-il. Il n'a pas eu la franchise de venir l'écrire ici, et c'est dommage. Aneffet je l'ignorais (contrairement à cet imbécile je reconnais mes erreurs). Mais qu'une expression soit devenue courante ou du moins admise en d'autres pays francophones, ça ne veut pas dire qu'elle le sera chez nous, ni que ce soit une bonne chose, ni que nous devrions l'adopter.
Le plus intéressant serait peut-être de s'interroger sur les raisons d'une faute, qui font qu'elle n'en est pas une. Dans le livre de Danièle Leeman-Bouix, que j'ai déjà cité ici et qu'on peut conseiller aux emmerdeurs des deux bords -entendez les puristes et les chiffonniers de la langue- nombre de fautes n'en sont pas vraiment, parce qu'elles correspondent à l'esprit général de la langue. Mais pourquoi "moins pire" est-il courant au Québec ? Est-ce une influence de l'anglais chez ces bilingues ? Est-ce une survivance de l'état ancien du Français parlé, avant une codification historique et autoritaire ("fachyste" ?). Je ne sais pas, et j'aimerais bien avoir une réponse. Du coup je cherche dans le livre, qui n'est pas un traité mais plutôt un essai, donc il présente une petite quantité d'exemples qui sont moins des cas de fautes que des propositions de raisonnement pour expliquer et même justifier certaines fautes (par exemple : "en vélo" et "malgré que" s'en trouvent réhabilités). Mais je n'y trouve pas "moins pire", ni dans le sens de l'explication/justification, ni dans le sens de la qualification fautive. Car des fautes pour Danielle Leeman-Bouix il y en a tout de même, oui. D'ailleurs le livre est préfacé par André Goosse, responsable du Grevisse, homme qui semble équilibrer le souci de compréhension avec le soin de la correction.