Le livre de chevet par Jean-Vincent Bréchignac
réalisation Janine Antoine, sauf Maldoror par Jacques Devin
Jean-Vincent Bréchignac, qui fut en 1947 le tout premier directeur de Paris-Inter (future France Inter), proposait à ses invités de lire, ou de faire lire, un livre qui leur était particulièrement cher. Cette émission était diffusée sur France Culture entre 1965 et 1968 à 23h40.
Comme l’explique Tania Balachova dans sa présentation, il ne vaut mieux pas choisir un ouvrage de longue haleine impossible à fragmenter en portions de dix minutes, durée de chaque émission.
Dans les séries suivantes, les invités ont justement choisi des ouvrages qui se prêtaient bien à ce découpage.
Certaines séries ne sont pas proposées en intégralité, ce qui explique l’absence du court entretien avec Dominique Rolin, qui avait lu dans les émissions précédentes des extraits du Journal de Franz Kafka.
Nous rencontrons dans cette émission deux types de lectures.
D’abord la lecture par un acteur, et en ce cas nous pourrons parler plutôt d’interprétation, c’est le cas des
Chants de Maldoror de Lautréamont (1966) livre choisi par Philippe Soupault, interprétation Jean Négroni
Parties 1 & 2 (06 & 07-06)Parties 3, 4 & 5 (08 au 10-06)Parties 6 & 7 (14 & 15-06)Parties 8 & 9 (16 & 17-06)Philippe Soupault présente le texte. Il a eu la bonne idée de laisser la place ensuite à Jean Négroni, qui lit quelques passages bien choisis, sans doute par Soupault. Le choix de cet acteur est pertinent, tant sa voix, proche de celle d’un François Chaumette, en plus granuleuse, s’associe naturellement à ce texte diabolique.
Les extraits se promènent de manière désordonnée dans l’ensemble du poème, sans que cela soit gênant pour l’auditeur.
Autre type de lecture, celle de l’écrivain. C’est le cas des
Mille et Une Nuits (1967), version d'Antoine Galland
avec Michel Butor
Parties 1 à 6 (10 au 17-04)Parties 7 à 10 (18 au 21-04)Cette série combine entretiens et lectures, ces dernières ayant ben sûr la part belle. Michel Butor a découpé sa série en deux : parties 1-7 la lecture du début des Mille et Une Nuits, avec le récit-cadre et l’histoire des trois vieillards, et parties 8-10 la description du palais d’Aladin.
Michel Butor n’est peut-être pas comédien, mais il est un excellent lecteur. Les quelques explications qu’il donne en début d’émission sont parfois discutables, puisqu’il mélange la notion de traduction et d’adaptation. Antoine Galland, et Michel Butor le signale, a considérablement adapté le texte des Mille et une Nuits, et il est difficile en ce cas de parler de traduction. Aussi, il explique que l’ensemble contient bien mille et un conte, ce qui reste à vérifier car certains grands contes s’étalent sur plusieurs dizaines de nuits.
Par ailleurs, ses explications sont agréables à suivre. Il n’oublie pas, en ouverture de la septième partie, de rappeler, citations à l’appui, l’influence ce ces contes sur Proust et Joyce (pour ce dernier cf la très brève recension de «
Un homme, une ville »).
Autre lecture par un écrivain,
Lettre au père de Franz Kafka (1966)
lue par Dominique Rolin
1- 14-032- 15-033- 16-034- 17-035- 18-03Cette lettre, écrite en 1919, n’a été publiée qu’en 1952, soit donc qu’une dizaine d’années avant cette lecture par Dominique Rolin.
Pas de présentation, comme signalé plus haut. Il faut croire que ce texte n’a pas été choisi par hasard, car il convient bien à la voix de Dominique Rolin. Celle-ci la lit comme on lirait une lettre que l’on vient de décacheter, ce qui évite de se lancer dans une mauvaise interprétation du texte. Par la magie du montage, la lecture a été nettoyée de ses imperfections. Les coupes sont, si l'on y fait bien attention, sensiblement perceptibles.
Les généreux extraits balaient l’ensemble de la lettre.
Il existe d’autres versions radiophoniques de cette lettre, celle de 2020 n’est plus disponible à l’écoute et ce n’est pas plus mal.
Nous préférerons renvoyer vers André Dussollier, qui lui a les moyens de se lancer dans une lecture plus nuancée.
Lettre au père (21-04-1997), émission « Parole donnée », enregistrement public dans le Grand Auditorium de la BNF.
réalisation Marguerite Gateau
Deux autres séries :
Rikki-Tikki-Tavi de Rudyard Kipling (1966)
avec Tania Balachova
1- 17-102- 18-103- 20-10Cette histoire extraite du « Livre de la Jungle » nous est contée en entier. Cependant, ces trois émissions étaient suivies à l’origine de six autres, dont le contenu n’est pas précisé dans l’INAthèque. Peut-être d’autres extraits du « Livre de la Jungle ». Mais comme Tania Balachova parle d’autres textes dans sa présentation, rien n’est certain.
Hors catégorie, et déjà signalé dans un précédent billet :
Ligéia d’Edgar Allan Poe (23 au 28-02-1966), livre choisi par Carzou.
interprétation Roger Blin
La série Blin/Carzou contient dix émissions. Voici celles consacrées à Ligéia. Par ailleurs, Roger Blin lisait dans les deux premières parties des textes de Baudelaire sur l’art, (Salon de 1846 essentiellement) et dans quatre autres parties des extraits de « Sylvie » de Gérard de Nerval.
Retour sur d’autres lectures avec
Histoires fantastiques, par Hélène Auffret et Arlette Dave
1-
Axolotl de Julio Cortazar ( 06/10/1975) avec René Farabet
2-
Les Saules d’Algernon Blackwood (07/10/1975) avec Michel Ruhl et Jean Leuvrais
3-
La foule de Ray Bradbury (08/10/1975) avec Philippe Moreau, Benoît Allemane, Marcel Charvey et Yves Bureau
4-
L’araignée de Hans Heinz Ewers (09/10/1975) avec Roger Bret
5-
La sève de l’arbre de Mildred Clingerman (10/10/1975) avec Ginette Pigeon, Michel Puterflam et Michele Patre
6-
Les amis des amis de Henry James (13-10-1975) avec Claude Winter, Michel Ruhl, Vera Feyder
7-
La limousine bleue de Ann Bridge (14-10-1975) avec Catherine de Seynes, Ginette Pigeon, Michel Ruhl
8-
Le sud de Jorge Luis Borges (15-10-1975) avec Sylvain Joubert, Robert Bazil
9-
La ruelle ténébreuse de Jean Ray (16-10-1975) avec Jean Leuvrais, René Clermont, Robert Bazil
10-
Escamotage de Richard Matheson (17-10-1975) avec Robert Rimbaud, Roger Bret, Véra Feyder
Les lectures sont encore différentes de celles du « Livre de chevet ». D’abord, même si les textes ne sont pas lus en intégralité, elles forment un tout homogène, et ensuite elles sont interprétées plus que lues, et enrichies de bruitages qui font que ces fictions sont en réalité plus proche de fictions radiophoniques que de simples lectures.
Les présentations d’Hélène Auffret sont riches, précises, bien que brèves. Elle revient sur la définition de Todorov en y apportant quelques modifications. Elle insiste sur la notion de brouillage de point de vue, caractéristique du récit fantastique.
Pour deux des récits, il existe une autre version, réalisée pour le «
Théâtre de l’étrange », série ambitieuse qui alternait adaptations et textes originaux, interprétée par d’excellents acteurs, qui fut diffusée sur Inter Variétés entre 1965 et 1968, avant de passer entre la rentrée 68 et 1973 sur France Inter, puis à nouveau pour sa dernière année sur Inter Variétés. 1974 fut une année noire pour la fiction radiophonique, puisque fut arrêté l’essentiel des émissions de fictions diffusées sur les chaînes dites « généralistes » (fin de la chaîne Inter Variétés dans la foulée).
Les saules (09-04-1967)
réalisation Guy Delaunay, adaptation Monique Rousselet
avec Jacques Ciron, Pierre Ferval, Antonin Baryel, Marcelle Dornac, Denis Savignat, Robert Murzeau
La ruelle ténébreuse (13-11-1966)
réalisation Arlette Dave, adaptation Jacqueline Clancier
avec Michel Bouquet, R-J Chauffard, René Clermont, Marcel Bozzuffi, Roger Crouzet, Armand Meffre, Lucien Raimbourg, Maurice Travail, Gaétan Jor.
Les deux fictions de la série de 1975 sont brillantes, mais celles-ci bénéficient de plus de temps, et d’une réalisation plus riche.
Documentaire du vendredi - Hommage à Fernand Crommelynck (08-03-1981)
par Marie-Hélène Baconnet
avec Henri Ronse, Jeanine Moulin, Paul Delvaux, Henri Storck, et Albert Crommelynck
Documentaire sur un dramaturge quelque peu oublié et qui eut son heure de gloire. Jusque dans les années 80, France Culture produisit des adaptations radiophoniques de ses pièces.
Pour Jeanine Moulin, le théâtre de Crommelynck annonçe celui de Genet, ainsi que le théâtre de l’absurde.
Le documentaire part de la mise en scène récente par Henri Ronse des « Amants puérils ». Il alterne témoignages de personnalités l’ayant connu, des archives, et revient, et c’est la partie la plus intéressante car pour nous la plus lointaine, sur sa carrière d’acteur et de directeur de troupe au début du XXème siècle.
France Culture, en 1986, réalisa une version des « Contes de la grand-mère » (3 X 30mn), des pièces écrites pour les enfants.
Extrait de «
Crommelynk et les metteurs en scène » par Jeanine Moulin (1987) :
« En 1916, avec l’aide d’un généreux « sponsor », le jeune homme (il avait à peine trente ans) fonda sa propre troupe à Bruxelles : le Théâtre Volant, ainsi nommé parce qu’il volait de salle en salle disponible (à la Gaité, à la salle Patria et au Palais des glaces). On y donnait des matinées poétiques, des séances chorégraphiques accompagnées de musique et des spectacles pour enfants : « Les Contes de la grand-mère. » Revêtu d’un habit du dix-huitième siècle, Crommelynck feignait d’y lire un livre à voix haute, tandis que les acteurs jouaient ce qu’ils entendaient. »Les documents diffusés, qui remontent jusqu’à la fin des années 30, laissent entendre un Crommelynck à la voix quelque peu vieillie. mais capable de débattre avec énergie.