Donc je suis moins gêné pour répondre à Frédéric, puisque j'achevais ce post au moment où il envoyait le sien, ci-dessus.
De Paul Jorion j'ai lu ou plutôt j'ai tenté de lire 3 livres sur la série de 4 qu'il a publiés chez Fayard ; j'y ai ajouté son essai d'épistémologie "Comment la vérité et la réalité furent inventées" et depuis hier j'y ajoute une sorte d'essai dialogué "la guerre civile numérique", dont je parlerai quand viendra son tour dans notre conversation, donc peut-être pas dans ce fil.
Quelques mots sur les 4 livres parus chez Fayard :
L'argent
L'implosion
La crise
L'agonie du capitalisme
Pour les 3 auxquels je me suis frotté (je ne sais plus lesquels), malgré mes efforts ces livres me sont tombés des mains. A chacun j'ai consacré plusieurs heures sans parvenir à en tirer une note de lecture structurée. Pour le souvenir que j'en ai conservé, le propos y est délayé et répétitif. J'y ai trouvé des récits de la vie économique rédigés dans un style qui s'apparente moins au rapport de faits (il y en a, évidemment) qu'à un journalisme tour à tour caustique et dramatisant. Dans son volume "L'argent", il délaye longuement des évidences constatables qui engagent peu et n'apportent guère plus mais ayant le mérite de placer le propos dans la vie concrète, de là il passe subitement à des propositions économiques fondamentales, fulgurantes et énigmatiques autant que lapidaires, sans que je parvienne à voir le lien avec les banalités qui précèdent. Je devine dans ce volume une influence d'Attali mais sans le pragmatisme du polytechnicien et homme d'action. Par contre on y trouve tout ce que Jorion a montré mercredi matin : l'autoportrait de l'économiste hétérodoxe détenteur de la seule vérité, et de façon moins consciente, une attitude polémique plutôt que scientifique. Mais dans ce cas, si la raison et la vérité (entendre : celle des autres) ne valent pas tripette, alors pourquoi feindre ainsi d'étayer sa propre raison et sa propre conviction ? Le problème est que, hormis des évidences avec lesquelles même Brice Couturier sera d'accord, la plupart de ses propos ne prêtent même pas à controverse, parce que le sens en est bien flou.
En tout j'ai passé plusieurs jours sur ces 3 livres, et je me demande encore ce qu'ils apportent sinon un enthousiasme naïf à leur public, conquis d'avance et qui n'y apprend guère. Si j'en ai tiré un diagnostic sur la forme, c'est parce que le fond était trop trouble pour que je puisse en tirer quoi que ce soit. Mais je me souviens d'une expérience : ouvrir le livre au hasard et relever les pétitions de principe, ou les énoncés tellement discutables qu'ils mériteraient un développement mais se trouvent simplement assénés, ou alors carrément les bourdes. Comme j'en ai trouvé un peu partout, j'ai pensé que je n'étais pas le bon public de ce livre. Alors j'ai fait l'effort de lire de façon détaillée l'introduction et la conclusion, ainsi qu'on fait couramment pour des essais en sciences humaines, et je n'y ai rien trouvé de consistant sinon une certaine cohérence avec ce que je relevais dans le corps du livre. J'en ai gardé l'impression d'un travail d'idéologue, pas très bien écrit certes mieux que la moyenne, un peu obsessionnel comme ils le sont tous, et orienté d'emblée autour de quelques idées simples qui étayent le romantisme contestataire. Ma conclusion a été que ces livres sont un tissu militant maquillé en ouvrage sérieux, à fins de justifier la mécanique militante de type altermondialiste ou NPA. Ceci n'était pas ma pétition de principe, mais mon impression finale alors que j'étais parti en sens inverse, avec la caution positive d'Attali dont je me demande encore comment il a pu s'embarquer dans une telle galère, à soutenir un Jorion.
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