Pour l'instant, les premières livraisons sont peu satisfaisantes, mais, là encore, moins affligeantes que ce que je pouvais craindre.
Rien de nouveau, évidemment, s'agissant du choix des invités, qui s'éloigne toujours plus du monde de la culture ou de la pensée au profit de celui de l'expertise (enfin, dans les bons jours ; le terme de "commentaire" serait mieux venu) et de la politique. En revanche, je partage le sentiment d'An'O'Nym sur la fonction de Voinchet. Il est été suffisamment dit ici que la Voinche n'était pas intellectuellement suffisamment blindé pour tenir tout seul les Matins sur ses épaules, et c'est vrai. Pour autant, ce n'est pas ce qu'on lui demande ; son rôle est celui du meneur de jeu ou du modérateur, et c'est d'ailleurs une fonction qui fait système avec la qualité de ses chroniqueurs : j'ai tendance à penser que Voinchet était d'autant plus audible (et moins transparent), que la valeur ajoutée des commentateurs au micro était faible (je ne pense pas uniquement à Clarini, d'ailleurs). De ce point de vue, il me paraît peu juste de comparer Enthoven à Voinchet, pour élever celui-là et flétrir celui-ci : ils ne boxent pas dans la même catégorie, c'est vrai, mais ils n'ont de toute manière pas la même place sur le ring. D'ailleurs, en dépit de défauts agaçants (tendance à couper la parole à contre-temps, difficulté à calmer les ardeurs de ses commensaux, impropriétés et barbarismes occasionnels, etc...), je ne suis habitué à Voinchet. Disons que je ne le trouve pas plus mauvais que Demorand, et en tout cas moins immodeste. De fait, après une première émission peu concluante, on retrouve de la fluidité et une meilleure gestion des échanges, même dans le cadre plus contraint d'un invité politique (Hollande a-t-il son rond de serviette à FC ?).
Je n'ai pas eu le sentiment de déception ressenti vis-à-vis de l'émission de Natacha Polony. Je n'ai eu l'impression, ni que Voinchet n'avait pas préparé son sujet (après tout, que Polony explicite un peu un concept propre à son ouvrage, cela me paraît de bonne guerre). Quant au "procès politique", sans préjudice du fait que, contrairement à ce qui est suggéré, il n'est pas pratiqué sur FC à sens unique, il me semblait plutôt assez révélateur de la falaise de marbre sur l'arête de laquelle courent de nombreux néo-républicains qui ont été séduits sincèrement ou par calcul par le discours du candidat Sarkozy et qui, compte tenu de la pratique du pouvoir de ce candidat, se retrouvent, soit floués, soit engagés dans une curieuse mutation du républicanisme vers une forme de "communautarisme patriotique" (c'est une forme que l'on rencontre notamment chez certains contributeurs de Causeur). Je précise d'ailleurs, pour éviter les procès d'intention, que je trouve les papiers de Polony dans le Fig' plus convaincants que ceux qu'elle signait à une certaine époque dans Marianne. Mais pour une fois, j'étais d'accord avec Couturier : Polony passe, quoi qu'elle en dise, sur un sentier battu et rebattu en critiquant le pédagogisme. Elle le fait avec plus de talent que d'autres, c'est tout.
Quant à l'influence du parti-pris des chroniqueurs sur leur regard sur le thème et l'invité....rien de neuf sous le soleil. Brice nous fait son numéro de libéral-conservateur qui s'assume mal (j'étais sûr qu'il allait nous sortir à un moment ou à un autre son joker absolu sur la guerre en Irak, à savoir le mythique Ahmed Couturier, chiite de son état, qui expliquait à Brice en extase qu'on vivait mieux que sous Sadamm. Ahmed est sorti dès le premier jour !), avec en contrepoint les prônes de soeur Clémentine ou de soeur Leyla, ce qui donne lieu déjà à des jappements de roquets se battant pour un os (tableau mental du match Brice-Clémentine de ce lundi : "Le Couturier et la Tricoteuse"). Comme l'année dernière, c'est la partie après 8 h 15 qui est la plus faible, à cause du manque de profondeur, ou de recul, ou tout simplement de talent, des joueurs à la table, le titulaire du créneau "Le monde selon..." ne pouvant à lui seul remonter le niveau.
Déception ce matin à l'écoute de Meyer : facilité du recours au burlesque immédiat qui suinte des publications spécialisées dans le libertinage et les échanges de fluides corporels non tarifés mais collectifs, pas au niveau habituel des billets les plus légers du Phiphi. Panne d'inspiration ? Emploi du temps chargé ? Volonté de ne pas croiser le fer avec Hollande par complaisance ou par prudence (la casserole de la candidature Modem aux élections municipales du Vème arrondissement et le rôle que joua Meyer dans la victoire finale de Tibéri tinte toujours bien fort au PS...) ? On ne sait...