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Je m’apprétais à dire tout ce qui me dérange chez Frédéric Lordon, depuis des années qu’il vient à France Culture (environ une fois l’an ?).
Il a beaucoup d’énergie, Frédéric Lordon, mais c’est celle du bulldozer ou du tank. Des effets de manche, des coups à l’estomac, un style oral de procureur qui masque quoi ? Surement pas l’absence d’idées ? Alors à quoi bon ce ton agressif et méprisant, ces images littéraires qui sentent sa rhétorique à 10 kilomètres et n’apportent rien sinon de la force de conviction, mais dès qu’il y a un peu d’opposition son ton, d’énergique, devient cassant jusqu’à l’agressivité.
Quant au contenu : il taille à la machette, prend une phrase qu’il dit fondamentale chez les gens qu’il veut dégommer (car il y a quelque chose du jeu de massacre enfantin dans son ton excité) et à partir de cette phrase dont il dit qu’elle résume tout, il croit montrer que ceux qu’il dégomme sont haïssables. Ce faisant, il montre surtout que sa grande énergie est pour une large part de l’énergie de haine, et que l’outil le plus visible dans sa construction intellectuelle, c’est la réduction ou la caricature. Trick d’orateur : oui. Façon d’intellectuel : non.
Alain-Gérard Slama n’a même pas eu un effort à faire pour le pousser à bout : d’abord le laisser monter tout seul son ivresse, puis lui demander de dire quelque chose de constructif. Chose que l’autre ne saura pas faire sinon dans l’incitation à la violence collective. En fin d’émission Lordon montre son vrai visage : un agressif et un exalté. Du coup ses idées pour améliorer les choses on ne les entend pas. En fait on ne les entend jamais. De dire sur un ton de plus en plus agressif et cassant qu’il en a "des caisses" (sic), c’est pas surprenant car on s’en doute. Mais à part la révolution on n’en voit pas le bout d’une. La révolution. Ah bon. C’est un Lénine ce gars ? Pas sûr. Mais un cousin lointain, peut-être bien.
Son intelligence n’est pas douteuse, à Frédéric Lordon, et son habileté d’orateur est considérable. Au moins au niveau de la table (et probablement aussi de la salle de cours, mais au-delà j’ai des doutes) Lordon c’est donc une sorte de tribun. On sait où ça mène en politique. S’il apprend à débattre posément, s’il régule sa colossale énergie nerveuse, et s’il apprend aussi à respecter les autres, il sera probablement un débatteur valable, un vrai producteur d’idées. Il en est loin : pour le moment c’est un bulldozer, qui impressionne ceux qui veulent être subjugués. Navré : moi je fais partie des méfiants.
Je ne suis pas certain que ce genre de personnage fasse bicher Clarini, mais comme il roule à 200% pour la critique de l’économie, elle doit quand même boire du petit lait pendant les 3/4 de l’émission. Et il y a surement du vrai dans la critique de Lordon, mais la façon dont il utilise son brio est fondamentalement malsaine : elle est haineuse et agressive, et surtout farcie d’effets rhétoriques qui doivent susciter la méfiance. L’effet est contre-productif à n’en pas douter, pour tout interlocuteur qui cherche avant tout le rendement en idées. C’est probablement la raison pour laquelle cette formidable mécanique de parole n’occupe pas dans le débat public la place que son énergie devrait lui donner : les effets de manche, les coups à l’estomac, et le ton cassant, font un bon prof autoritaire ou tyrannique, un bon militant-animateur, peut-être même un bon chef de bande avant la baston politique dans la rue, mais pas un très bon débatteur. Donc pas non plus un intervenant très crédible dans le monde des idées. De fait, ce matin il n’y a pas eu de débat : il s’est emparé de l’émission comme d’une tribune, ce en quoi il a eu raison, puisque dans cet exercice il excelle. Mais il faut voir le rendement à terme : hormis pour son brillant personnel auprès du public éconophobe, j’ai de sérieux doutes que sa parole aille très loin...
Par ailleurs, comme pour Christophe Aguiton, vu la vitesse d’élocution et l’impression de surexcitation mentale, je me demande quand même si ce genre de personnage ne se sécrète pas des amphétamines naturelles. Pour le débat, c’est invivable. Je pense donc qu’au lieu de l’écouter il faut acheter ses livres et les lire posément. Ils devraient inciter ses adversaires à en écrire la critique et la réfutation. Mais en studio face à un tel rouleau-compresseur (procédé de militant sur-énergique) la discussion est impossible. On a pu s’en rendre compte ce matin et ça n’est pas la première fois : chaque fois qu’il passe sur France Culture c’est pareil.
Dernière édition par Nessie le Mer 04 Mai 2011, 12:16, édité 1 fois