munstead(https://regardfc.1fr1.net/t609p410-l-anerie-du-jour#28227) a écrit:peu avant huit heures un linguiste spécialiste de la francophonie nous explique calmement que si nous, les Français, acceptons mal le français parlé par les Québécois, c'est parce qu'il s'agit d'une langue d'ouvriers alors que nous apprécions que le français à l'étranger soit parlé par les élites, comme au Liban. Aucune réaction d'Erner bien sûr sur ce nouvel avatar bourdieusien. D'une part, je ne sache pas que les français n'aiment pas le québécois. C'est même plutôt le contraire. Nous sommes en sympathie avec cette langue issue du de notre français des XVI, XVII et XVIII e siècles qui a évolué différemment parce que coupée de la métropole. Par ailleurs," langue d'ouvrier" est d'une stupidité rare, pour une langue issue du français parlé par les paysans de la métropole, chacun emportant avec soi son patois. Ce n'est pas la langue des ouvriers de la révolution industrielle ou après. Ceci dit, il existe un québécois populaire et un québécois de l'enseignement, qui est le français. Le québécois populaire, envahi par les mots anglais, est en perte de vitesse au profit du français enseigné à l'école et à l'Université. Ceci est une autre histoire. Et nous avons beaucoup de respect pour les Québécois, au point de nous inspirer souvent de leur inventivité politique et sociale.
J'essayais d'écouter ce que Pascal Ory pouvait bien avoir à dire sur l'identité, ce sujet si rarement traité dans les émissions de France Ex-Culture. La présence de Wajdi Mouawad, enfant chéri de la chaine sur-présent dans les émissions de poésie théâtreuse (engagée) et de théâtre poétique (engagé), me faisait redouter le pire. A l'écoute de sa sortie sur la représentation sociale du québecois -la langue comme la personne- chez le français social-raciste, force m'est de reconnaître que je n'ai pas été déçu. Stupéfiante était cette assertion sociologique en trois parties : les français n'aiment pas la langue québecoise / le Québec est le seul endroit du monde où l'élite n'est pas francophone / les français n'aiment pas ce qui est ouvrier. Mélangez, touillez, le résultat est aveuglant.
Pas de doute : ce jeune homme est un créateur et un poète. Un sociologue ? On aimerait savoir. J'ai été étonné d'entendre si peu de réaction en provenance de Pascal Ory pourtant scientifique chevronné ès sciences historico-herméneutiques, et encore plus étonné du mutisme de Guillaume Erner, pourtant familier des retours-automatiques comme en témoignent chaque matin ou presque ses ".. par exemple ?", ses ".. c'est-à-dire ?" et autres "... mais encore ?", toutes relances brillantes par lesquelles il parvient à donner l'illusion de tenir quelque rôle dans les interviews de la matinale. Mais cette fois, Guillaume Erner était probablement plongé dans la lecture d'un tweet ou bien trop occupé à rédiger sa transition avant le journal, à moins que subitement conscient de son propre niveau en sociologie, il ait choisi courageusement la fuite.
Anyway, il n'est pas certain que Guillaume Erner ait suivi en sociologie un cursus complet. L'Université (Paris IV) qui lui a décerné son doctorat accueillait alors en second cycle des étudiants venus d'autres horizons ; par exemple la licence de philosophie : mais peut-être aussi le Brevet d'études professionnel agricole, qui sait ? (option décoration florale). A l'écoute d'une théorie aussi décoiffante que celle de Wajdi Mouawad -et surtout envoyée sur un ton aussi affirmé- quand on se respecte en tant que sociologue la moindre des réactions est de réclamer quelque étayage. A défaut, on ouvre la porte à la sociologie façon Houellebecq : la sociologie canada-dry. Munstead a pointé récemment l'imprégnation Bourdieusienne de Guillaume Erner. Bien qu'elle ne lui soit point venue de l'Université mais plutôt de ses 10 années de Radio France, il est aneffet à redouter que Bourdisme aidant, toute la sociologie bidonnée susceptible de passer dans son studio (avec ou sans dérivation en provenance de La Grande Table) ait automatiquement droit de Cité aux Matins. On attend avec un grand intérêt le face à face entre Marcel Gauchet et Edouard Louis, où Erner en arbitre soucieux d'équilibrer les chances donnera au fasciste Gauchet un micro ne fonctionnant que par tranches de 15 secondes.
Le pire est que cette ânerie de Wajdi Mouawad même improbable se tient assez bien sociologiquement parlant, du moins elle aurait tout à fait sa place disons dans un TD de fin de première année : comment s'assurer d'abord que les tenants et les aboutissants sont dotés de quelque réalité, comment mettre la question en problématique, comment évaluer une hypothèse, enfin quel test élaborer pour confirmer ou infirmer la thèse qu'il y a bien un lien ? Test comparatif ? Proposition de mécanismes ? Il est plus probable qu'il s'agit là de fantasmes militants. Les français qui sont (je veux dire "ceux d'entre eux qui sont") de grossiers personnages n'apprécient peut-être pas l'accent québecois parce qu'ils le trouvent ridiculement plouc ; quant aux français qui aiment la langue chantournée et imagée, ils sont plutôt admiratifs de la façon dont la langue québecoise est tout à la fois aussi poétique et aussi résistante à l'anglais, contrairement au slang importé jadis à Montréal en provenance du Nouveau-Brunswick -le chiac, à ne pas confondre avec le joual- qui dans les années 70 néologisait à tout va sur la base d'anglicismes vulgaires. Mais le plus sûr est qu'en général, la plupart des français s'en soucient autant que de leur premier Larousse du débutant et ont autre chose à penser que la place de leur langue dans les élites de la francophonie, chose dont Wajdi Mouawad en bon enfant chéri de France Culture, devrait aller s'enquérir in situ dans les pays du maghreb. Anattendant ce jour, formulons une hypothèse pour dégager en touche : peut-être Wajdi Mouawad, homme dont les voyages intercontinentaux sont payés par les subventions à la culture, a-t-il réellement observé cette aversion .... chez les français expatriés au Québec, dont il est à redouter que leur arrogance (sans parler de leur accent français à la con) leur attire quelque animosité symétrique en provenance des cousins de la Belle province. Dès lors, soyons résolument Weberiens plutôt que Bourdieusiens, mettons nous un peu à la place des gens et ne multiplions point les hypothèses au-delà du nécessaire, au risque certes de ne plus avoir grand chose à dire qui fasse ronronner d'aise le producteur de France In-Culture et son auditeur imaginaire.