Deux des enfants chéris de France Culture ont écrit un livre en 2010 dont une certaine Elisabeth Philippe faisait à l'époque une recension acide sous le titre François Bégaudeau et Joy Sorman : trop, trop cool dans le journal Les Inrocks.
On croirait lire une critique envers Aurélie Charon, laquelle encense en 2016, comme les deux précités, un certain type de jeunes sélectionnés pour correspondre à ses propres attentes (et plus généralement celles de la chaîne).
Cette lucidité (pas sur tout) d'Elisabeth Philippe manque très visiblement à Irène Verlaque de Télérama qui rend compte en se pâmant des micro-interviews de jeunes censés représenter "la jeunesse française en 2016".
Jean-Luuc a d'ailleurs commenté et reproduit en partie hier cet exercice d'admiration sous le titre Copinage Télérama/France Culture (Verlaque/Charon). Son post, recouvert par le suivant dans le même fil, m'avait échappé*, d'où une involontaire redondance plus tard dans Blanc bonnet et bonnet blanc
Morceaux choisis de l'article des Inrocks :
Elisabeth Philippe : "Comme dans toute bonne rédaction, les romanciers presque-quadra-mais-tellement-cool, tous deux anciens profs, déroulent leur définition de la jeunesse dans un rigoureux plan en trois parties. Pour faire encore plus sérieux, ils émaillent leur propos d’un galimatias pseudo-philosophico- sociologique (“Le raisonnement par causalité est toujours une symptomatologie”) et d’un tas de références savantes : Bourdieu, Badiou, Deleuze, Debord… n’en jetez plus. Mais parce qu’ils sont restés super jeunes dans leur tête, ils ne sont pas non plus les derniers pour la galéjade et étalent allégrement leur culture djeuns (Judd Apatow, Shy’m ou, comme mentionné dans l’annexe, Benoît Cauet au lieu de Sébastien, une erreur inadmissible)."
"Leur culture djeuns", celle diffusée à longueur de journée sur l'antenne actuellement (voir pour la musique, par exemple ici).
Elisabeth Philippe : "Même si Bégaudeau et Sorman ne sont pas toujours à côté de la plaque, leur approche “du” jeune se distingue assez peu de ce qu’on peut lire dans les news magazines – les lolitas, les adulescents, la précarité, le jeunisme –, sans autre mise en perspective que quelques rappels historiques. En réalité, ils évoquent moins la jeunesse en général que la leur en particulier, cet âge d’or où ils pogotaient comme des fous sur les Bérurier Noir et mataient des films porno en cachette."
"les lolitas, les adulescents, la précarité, le jeunisme", comment mieux décrire la manière de voir des Richeux, Charon, et toute la bande des quizzeuses de France Culture (cf. ici et là + suivants) ?
Elisabeth Philippe : "En creux, leur objectif ne semble pas de dire ce qu’est la jeunesse, mais de montrer à toute force qu’ils en font encore partie et qu’ils ne sont pas près de passer du côté obscur puisqu’ils vénèrent toujours la sainte trinité danse-déconne-défonce, quintessence, à les lire, du plus bel âge. (...) “Narcisse modernes” autoproclamés, leur déclaration d’amour à la jeunesse ne s’adresse en fait qu’à eux-mêmes."
Pourquoi donne-t-elle l'impression de décrire Olivier Poivre d'Arvor et Sandrine Treiner, les deux derniers directeurs de l'antenne ?
Elisabeth Philippe : "Car à vouloir à tout prix analyser la jeunesse comme une entité à part, un bloc monolithique, on court le risque (...) comme chez Bégaudeau et Sorman, d’en faire une valeur de référence sur laquelle on projette tous les fantasmes."
Voilà France Culture bien décrite !
La jeunesse est bien cadrée à France Culture, on n'y retrouve jamais les musiciens enthousiastes que l'on entend dans "Génération jeunes interprètes" à France Musique, pas non plus les sportifs, ni les ingénieurs, ni les artisans, ni ceux qui ont fondé une famille à 25 ans, ni ceux qui réussissent, etc.
La jeunesse de France Culture se trouve la plupart du temps au nord de Paris en Seine-Saint-Denis, à Bobigny, la capitale mentale de la chaîne. C'est là par exemple que Sonia Kronlund des Pieds sur terre y passe le plus clair de son temps et que Marie Richeux y a vécu ses plus fortes expériences.
Un champ géographique quand même très limité...
* Post que j'ai retrouvé grâce à la récapitulation quotidienne Tous les commentaires du jour
On croirait lire une critique envers Aurélie Charon, laquelle encense en 2016, comme les deux précités, un certain type de jeunes sélectionnés pour correspondre à ses propres attentes (et plus généralement celles de la chaîne).
Cette lucidité (pas sur tout) d'Elisabeth Philippe manque très visiblement à Irène Verlaque de Télérama qui rend compte en se pâmant des micro-interviews de jeunes censés représenter "la jeunesse française en 2016".
Jean-Luuc a d'ailleurs commenté et reproduit en partie hier cet exercice d'admiration sous le titre Copinage Télérama/France Culture (Verlaque/Charon). Son post, recouvert par le suivant dans le même fil, m'avait échappé*, d'où une involontaire redondance plus tard dans Blanc bonnet et bonnet blanc
Morceaux choisis de l'article des Inrocks :
Elisabeth Philippe : "Comme dans toute bonne rédaction, les romanciers presque-quadra-mais-tellement-cool, tous deux anciens profs, déroulent leur définition de la jeunesse dans un rigoureux plan en trois parties. Pour faire encore plus sérieux, ils émaillent leur propos d’un galimatias pseudo-philosophico- sociologique (“Le raisonnement par causalité est toujours une symptomatologie”) et d’un tas de références savantes : Bourdieu, Badiou, Deleuze, Debord… n’en jetez plus. Mais parce qu’ils sont restés super jeunes dans leur tête, ils ne sont pas non plus les derniers pour la galéjade et étalent allégrement leur culture djeuns (Judd Apatow, Shy’m ou, comme mentionné dans l’annexe, Benoît Cauet au lieu de Sébastien, une erreur inadmissible)."
"Leur culture djeuns", celle diffusée à longueur de journée sur l'antenne actuellement (voir pour la musique, par exemple ici).
Elisabeth Philippe : "Même si Bégaudeau et Sorman ne sont pas toujours à côté de la plaque, leur approche “du” jeune se distingue assez peu de ce qu’on peut lire dans les news magazines – les lolitas, les adulescents, la précarité, le jeunisme –, sans autre mise en perspective que quelques rappels historiques. En réalité, ils évoquent moins la jeunesse en général que la leur en particulier, cet âge d’or où ils pogotaient comme des fous sur les Bérurier Noir et mataient des films porno en cachette."
"les lolitas, les adulescents, la précarité, le jeunisme", comment mieux décrire la manière de voir des Richeux, Charon, et toute la bande des quizzeuses de France Culture (cf. ici et là + suivants) ?
Elisabeth Philippe : "En creux, leur objectif ne semble pas de dire ce qu’est la jeunesse, mais de montrer à toute force qu’ils en font encore partie et qu’ils ne sont pas près de passer du côté obscur puisqu’ils vénèrent toujours la sainte trinité danse-déconne-défonce, quintessence, à les lire, du plus bel âge. (...) “Narcisse modernes” autoproclamés, leur déclaration d’amour à la jeunesse ne s’adresse en fait qu’à eux-mêmes."
Pourquoi donne-t-elle l'impression de décrire Olivier Poivre d'Arvor et Sandrine Treiner, les deux derniers directeurs de l'antenne ?
Elisabeth Philippe : "Car à vouloir à tout prix analyser la jeunesse comme une entité à part, un bloc monolithique, on court le risque (...) comme chez Bégaudeau et Sorman, d’en faire une valeur de référence sur laquelle on projette tous les fantasmes."
Voilà France Culture bien décrite !
La jeunesse est bien cadrée à France Culture, on n'y retrouve jamais les musiciens enthousiastes que l'on entend dans "Génération jeunes interprètes" à France Musique, pas non plus les sportifs, ni les ingénieurs, ni les artisans, ni ceux qui ont fondé une famille à 25 ans, ni ceux qui réussissent, etc.
La jeunesse de France Culture se trouve la plupart du temps au nord de Paris en Seine-Saint-Denis, à Bobigny, la capitale mentale de la chaîne. C'est là par exemple que Sonia Kronlund des Pieds sur terre y passe le plus clair de son temps et que Marie Richeux y a vécu ses plus fortes expériences.
Un champ géographique quand même très limité...
* Post que j'ai retrouvé grâce à la récapitulation quotidienne Tous les commentaires du jour