Cavanna 5/5 : L'autobiographie.
L’ouverture de ce dernier entretien ne déroge pas à la désormais habituelle remise en question de la question liminaire de Ludovic Sellier.
Sellier : Tant à la fois dans l’écriture à Charlie chaque semaine que dans l’itinéraire régulier qui vous emmène chez vous, et qui vous force à écrire, c’est quoi écrire pour Cavanna ? Est-ce que c’est, comme le dit Marguerite Duras dans son dernier livre, est-ce que c’est douter ? Est-ce qu’écrire, c’est douter ?
Cavanna : Ecoutez, moi je me méfie des belles formules, plus ou moins paradoxales qui font très chic. Ecrire, c’est douter [un temps, rire muet, agacement]. Encore une fois, je n’aime pas parler à l’emporte-pièce en fournissant des formules pour Almanach Vermot. (…)
[son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2014/06/s26/RF_29AB7B01-590C-4F2A-9A1E-CD8145E3C644_GENE.MP3" debut="01:29" fin="02:05"]
Les mots, leur « élection » au milieu d’autres, le tourbillon inévitable qu’ils engagent parfois dans ces entretiens, leur contestation ou remise en cause par Ludovic Sellier comme par Cavanna, occupent une place importante au milieu des idées échangées. C’est tout naturellement que le journaliste revient sur leur usage fait par Cavanna dans ses livres. (Visez un peu le nombre de questions posées)
Sellier : Si on s’arrête un instant au vocabulaire, pourquoi est-ce que dans ce que vous écrivez, tout est truffé de « connard », de « salaud » ? Est-ce que – c’est méchant, est-ce que c’est une mise en scène de la révolte ? Ou est-ce que c’est une manière de retrouver ce qu’était un peu l’oralité de votre enfance et de le mettre en scène dans l’écrit ? Ou est-ce que c’est plutôt une fidélité à votre culture, à la culture populaire qui fait que vous ne voulez pas d’une langue égalitaire, châtiée, élitaire, belle, propre ?
Cavanna : Bon écoutez, voilà maintenant pas mal d’heures qu’on passe ensemble hein ? Vous avez écouté mon langage, vous avez remarqué. Est-ce que vous croyez que les mots que j’emploie en parlant sont dans le souci de faire populaire, de faire égalitaire, de faire gnagnagna, de fuir l’élitisme ? Qu’est-ce que vous en pensez, hein ? Non parce que là, c’est la réponse à votre question. Justement, ma question est une réponse à votre question.
Sellier : Dans l’oralité, non.
Cavanna : Bon, vous voyez que je parle spontanément comme ça. Que je dis des gros mots sans le faire exprès, sans le vouloir. (…)
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Dans le prolongement de cette réflexion sur l’écriture, la lucidité de Cavanna fait sourire.
Cavanna : Bon Dieu, il y a une manière de dire merde ou de dire : Tu me fais chier, qui peut être parfaitement élégante ou poétique. Là on retombe dans cette distinction grossière qui fait le bonheur des émissions minables, c’est : quelle est la différence entre la grossièreté et la vulgarité ? Gnagnagna. Entre la pornographie et l’érotisme ? Gnagnagna. C’est le genre de débat pour minables, dont la télé, nom de Dieu, nous inonde. Peut-être la radio aussi, mais je n’écoute pas la radio, excusez-moi.
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Arrivé à la fin des entretiens, où classiquement, il est venu temps de parler de la mort, Ludovic Sellier baisse la garde. Mal lui en a pris, il est aussitôt rappelé à l’ordre par Cavanna, qui jamais ne fait l’impasse sur l’intégrité de ses propos repris.
Sellier : La vieillesse, vous avez soixante-dix ans, on le rappelle quand même.
Cavanna : Je n’en suis pas plus fier pour ça, mais hélas, je ne peux pas le cacher.
Sellier : C’est toujours ça la terreur, c’est la trouille de la vieillesse ?
Cavanna : Je n’en ai pas parlé comme d’une terreur, attention. Justement, vous voyez. Je n’ai pas parlé de peur de la mort. Je n’ai pas parlé de trouille de la vieillesse non plus. J’ai dit que, sachant qu’on est vivant et sachant qu’on va mourir un jour, quel désastre. Et comme c’est dommage, et comme je le regrette. Peur ? Bah non, pas peur. Mais navrement oui, ça me fait chier. Ça m’embête de mourir un jour. Vraiment, ça m’embête, moi je ne veux pas. (…)
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La conclusion en forme d'apothéose est l'oeuvre d'un monteur ou d'un producteur qui a su terminer ces entretiens à l'image des propos de Cavanna : enlevé et entier.
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>> Retrouvez ci-dessus la transcription des numéros 1, 2, 3, 4 de cet A voix nue Cavanna.
L’ouverture de ce dernier entretien ne déroge pas à la désormais habituelle remise en question de la question liminaire de Ludovic Sellier.
Sellier : Tant à la fois dans l’écriture à Charlie chaque semaine que dans l’itinéraire régulier qui vous emmène chez vous, et qui vous force à écrire, c’est quoi écrire pour Cavanna ? Est-ce que c’est, comme le dit Marguerite Duras dans son dernier livre, est-ce que c’est douter ? Est-ce qu’écrire, c’est douter ?
Cavanna : Ecoutez, moi je me méfie des belles formules, plus ou moins paradoxales qui font très chic. Ecrire, c’est douter [un temps, rire muet, agacement]. Encore une fois, je n’aime pas parler à l’emporte-pièce en fournissant des formules pour Almanach Vermot. (…)
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Les mots, leur « élection » au milieu d’autres, le tourbillon inévitable qu’ils engagent parfois dans ces entretiens, leur contestation ou remise en cause par Ludovic Sellier comme par Cavanna, occupent une place importante au milieu des idées échangées. C’est tout naturellement que le journaliste revient sur leur usage fait par Cavanna dans ses livres. (Visez un peu le nombre de questions posées)
Sellier : Si on s’arrête un instant au vocabulaire, pourquoi est-ce que dans ce que vous écrivez, tout est truffé de « connard », de « salaud » ? Est-ce que – c’est méchant, est-ce que c’est une mise en scène de la révolte ? Ou est-ce que c’est une manière de retrouver ce qu’était un peu l’oralité de votre enfance et de le mettre en scène dans l’écrit ? Ou est-ce que c’est plutôt une fidélité à votre culture, à la culture populaire qui fait que vous ne voulez pas d’une langue égalitaire, châtiée, élitaire, belle, propre ?
Cavanna : Bon écoutez, voilà maintenant pas mal d’heures qu’on passe ensemble hein ? Vous avez écouté mon langage, vous avez remarqué. Est-ce que vous croyez que les mots que j’emploie en parlant sont dans le souci de faire populaire, de faire égalitaire, de faire gnagnagna, de fuir l’élitisme ? Qu’est-ce que vous en pensez, hein ? Non parce que là, c’est la réponse à votre question. Justement, ma question est une réponse à votre question.
Sellier : Dans l’oralité, non.
Cavanna : Bon, vous voyez que je parle spontanément comme ça. Que je dis des gros mots sans le faire exprès, sans le vouloir. (…)
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Dans le prolongement de cette réflexion sur l’écriture, la lucidité de Cavanna fait sourire.
Cavanna : Bon Dieu, il y a une manière de dire merde ou de dire : Tu me fais chier, qui peut être parfaitement élégante ou poétique. Là on retombe dans cette distinction grossière qui fait le bonheur des émissions minables, c’est : quelle est la différence entre la grossièreté et la vulgarité ? Gnagnagna. Entre la pornographie et l’érotisme ? Gnagnagna. C’est le genre de débat pour minables, dont la télé, nom de Dieu, nous inonde. Peut-être la radio aussi, mais je n’écoute pas la radio, excusez-moi.
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Arrivé à la fin des entretiens, où classiquement, il est venu temps de parler de la mort, Ludovic Sellier baisse la garde. Mal lui en a pris, il est aussitôt rappelé à l’ordre par Cavanna, qui jamais ne fait l’impasse sur l’intégrité de ses propos repris.
Sellier : La vieillesse, vous avez soixante-dix ans, on le rappelle quand même.
Cavanna : Je n’en suis pas plus fier pour ça, mais hélas, je ne peux pas le cacher.
Sellier : C’est toujours ça la terreur, c’est la trouille de la vieillesse ?
Cavanna : Je n’en ai pas parlé comme d’une terreur, attention. Justement, vous voyez. Je n’ai pas parlé de peur de la mort. Je n’ai pas parlé de trouille de la vieillesse non plus. J’ai dit que, sachant qu’on est vivant et sachant qu’on va mourir un jour, quel désastre. Et comme c’est dommage, et comme je le regrette. Peur ? Bah non, pas peur. Mais navrement oui, ça me fait chier. Ça m’embête de mourir un jour. Vraiment, ça m’embête, moi je ne veux pas. (…)
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>> Retrouvez ci-dessus la transcription des numéros 1, 2, 3, 4 de cet A voix nue Cavanna.