Sur France Cultuture, on referme son esprit sur ce qui se vend le plus : la musique pop. C’est la seule musique à l’honneur sur la chaîne, et quand on n'explore pas les icôôôônes des années 60/70 (Lou Reed, Jim Morrison… ces génies méconnus de la musique du XXème siècle) on explore celles des années 80 et au-delà, donc Michael Jackson & Prince, ces génies méconnus de la musique du XXème siècle et même du XXIème car ils sont des boussoles qui nous indiquent le chemin (celui de la route) vers le meilleur de la musique du futur.
Les autres musiques que la pop ne doivent pas être représentées sur France Lulucre, ou alors uniquement si y’a un alboum à promouvoir dans un entretien-promo.
La pop de Michael Jackson & Prince, c’est top nostalgie pour les quadra & quinqua, trop bon ! En voilà d'la bonne !
Pourquoi emmerder les auditeurs avec de la musique complexe ? Il faut que ce soit simple et que ça s’adresse au peuple, et c’est pas moi qui le dis, c’est un grand théoricien de la musique qui a fait des émules sur la chaîne de l’ouverture : Andreï Jdanov.
Alors après les quatre heures de playlist mollement commentée de cet été, voici «
Toute une vie », anciennement «
Une vie, une œuvre » (l’œuvre a sauté, reste que la bio), consacrée à
Prince.
Comme les auditeurs idéaux sont tatins de la maladie d’Alzheimer, le même sujet, tant qu’il est bien popu et bien vendeur, peut tourner toute l’année sur la grille dans de multiples, bien que nombreuses, émissions.
Whaouuuu ! Prince ! Trop top !
Y’a pas à dire, on en a pas assez dit sur le bonhomme, et comme c’est susceptible d’engranger plus d’audimat qu’une émission sur la musique de György Kurtag, on fonce hasta la vista baby !
J’ai pris Kurtag au pif, enfin presque, parce qu’il apparaît en 2019 & en 2020 (pour la redif’) dans une prise de LSD sur l’Europe, un sujet éminemment musical.
La présentation mérite le détour, c’est un festival, non pas musical, mais bien marketé, qui empile un max de mots clés à la mode dans le souci louable de provoquer un sourire, voire l’hilarité chez le lecteur.
Pas de doute, pour les auditeurs les plus constipés, cette émissions restera, à n’en pas douter, dans les anales. Pour les autres, ce sera une bonne tranche de rire due à cet esprit de sérieux et pédant qui innerve la totalité de l’émission.
Le titre : «
Prince, l’affranchi ». La référence à l’esclavage est voulue, c’est un truc qui marche bien en ce moment.
Alors Prince est affranchi de quoi, à part que c’est un artiste à « multiples facettes, libre au dedans de sa tête et dans son corps », si je puis me permettre de reprendre les expressions toutes faites usées et re-usées et qui veulent tout dire à force de ne rien dire ?
D’abord, il convient de mettre en avant un talent de musicien hors normes, ce que s’empresse de faire illico & presto «
Toute une vie » :
«
Près de quarante albums, 100 millions de disques vendus et près de 8 000 titres restés inédits… »
Ensuite, vous pouvez vous amuser avec d’autres bons mots précieux :
«
songwriter transgenre »
«
performer sans égal »
«
stakhanoviste du studio », qui nous renvoie encore au temps heureux du stalinisme.
«
musicien ultime », qui nous renvoie encore à n’importe quoi.
«
un des derniers génies de l’industrie musicale », qui a le mérite d’annoncer la couleur, nous parlons bien d’industrie plus que de musique.
Les commentaires reproduits appuient là où ça fait du bien :
«
musique qui transcende tout à la fois les genres musicaux et les genres sexuels »
Attention, quand on parle de genres musicaux, on parle bien de tous les genres : musique berbère, hindoue, chants polyphoniques mongols, etc. Vraiment tous. Il rigolait pas Prince, c’était vraiment un artiste polymorphe.
La conclusion est sans appel : «
il décloisonne tout ». Mais s’il enlève les cloisons, où s’appuyer ? Décidément, cette musique rend instables les domaines du possible (ça ne veut rien dire au prime abord, mais cherchez bien, vous trouverez), défie notre confort bourgeois, atomise l’harmonie des sphères, explose les règles les plus élémentaires de la musique occidentale, qui est aussi orientale quand on regarde le planisphère à l’envers. Bref, ça fait pop.
La suite :
«
monarque baroque et déjanté (malicieux) ». Comme nous sommes tous débiles, il a été convenu de donner entre parenthèses un synonyme de «
déjanté », terme un peu trop technique effectivement.
«
un artiste d’une exigence rare, férocement attaché à son indépendance vis-à-vis des maisons de disques et plus largement, du music business »
Il faut comprendre que Prince, en tant qu’entrepreneur indépendant, est un «
affranchi », ce qui explique le titre, comme quoi ils ne font pas n’importe quoi eux à France Culcultre.
Les témoignages se suivent et ils sont implacables. Le meilleur est reproduit sur site.
«
Cela réclame du courage d’être soi-même, c’est ça la liberté ultime. »
«
Prince n’aimait rien tant faire des choses qui n’allaient pas de soi. »
Les autres clichés prêts à l’emploi ne craignent pas les hyperboles, car n’oublions pas que nous baignons dans l’hagiographie, Prince est une icôôône :
«
expérimentateur né »
«
une œuvre majeure et prolifique dont la richesse reste encore à explorer »
«
insatiable désir de liberté et son incroyable créativité »
Les photos très grands formats mettent en lumière l’aspect expérimental du personnage, qui n’a jamais craint de tourner le dos à l’industrie à pépettes des États-Unis pour affirmer son originalité et sa complexité. Ainsi nous pouvons voir, à condition de diminuer la taille de la page de notre ordi, Prince à la cérémonie des Oscar, Prince aux Brit Pop Awards, Prince dans la petite salle de l’Apollo Theater pour une conf’ de presse, Prince à la mi-temps du Super Bowl.
A suivre dans «
Toute une vie » : Christophe, Little Richard, Johnny Clegg, Dick Rivers, Prodigy, George Michael… L’Histoire de la musique avec une grande hache.
Nous attendons aussi avec impatience les grandes séries musicales sur Beyoncé, Kanye West, Rihanna, et pourquoi pas, soyons fous, sur les Beatles, ces artistes si méconnus ! Ouvrons-nous à tous les univers musicaux, de la pop au rock ne passant par le rap, la techno et l'electro, oui, tous ! Et surtout, restons toujours en compagnie d’artiss’ ignorés du grand public !
Péhèsse :
Ah merde, les Beatles, c’est
déjà (re-re-re-re...) fait ! Cette fois il y aura encore du super lourd, avec Johnny et Cloclo. Pour ouvrir le chant des possibles !