Encore une bonne blague que cet entretien du médiateur avec Laurence Le Saux.
Site de Télérama, le 04 avril 2016 :
Médiateur de Radio France : la vigie des ondes :
Bruno Denaes reçoit chaque mois plus de mille cinq cents messages d'auditeurs terriblement attachés aux radios publiques. Il se fait fort d'y répondre, ou de transmettre leurs réactions en interne.
Depuis août 2015, il est la voix officielle des radios publiques, chargée de répondre aux auditeurs, et surtout de relayer leurs questions au sein de la Maison ronde. Bruno Denaes, 60 ans, est devenu le médiateur de Radio France, après une carrière au sein des stations locales, puis de France Info. On l’entend à intervalles divers sur France Inter, Culture et Info. Il détaille les contours de sa profession, souvent mal connue, installée à Radio France depuis 2002.
Qu’est-ce que le médiateur de Radio France ?Une courroie de transmission entre les auditeurs et les équipes des programmes. Les auditeurs de Radio France sont extrêmement attachés à leurs stations, ils réagissent beaucoup, ont un avis sur quasiment toutes les émissions. Beaucoup se prennent pour des directeurs d’antenne… Je dois leur expliquer que les chaînes doivent proposer une programmation plurielle, variée, et que l’on ne peut faire plaisir à chacun d’entre eux.
Quel pouvoir avez-vous sur les antennes ?
Aucun. Je suis totalement indépendant des chaînes. Je ne donne aucun ordre, et ne puis en recevoir aucun de qui que ce soit. Je me contente de pointer les choses, de trier les opinions, les réactions épidermiques, et les arguments. Je refuse d’être un donneur de leçons, je suis une vigie plutôt.
Lisez-vous tous les messages qui vous sont adressés ?
Oui, avec l’aide d’une gestionnaire de réseaux sociaux. Nous transmettons certaines questions spécifiques au sein de la maison. Je ne prends pas en compte les réactions haineuses, racistes et injurieuses. Pour le reste, je privilégie la qualité à la quantité, je cherche à peser la pertinence d’une réflexion. Chaque mois, nous recevons plus de mille cinq cents messages (hors réactions sur les réseaux sociaux)…
Que faites-vous de toutes ces informations ou réclamations qui vous sont transmises ?
Chaque vendredi, j’envoie une lettre aux membres de la direction, en détaillant les grandes tendances de la semaine.
Quels sujets font le plus réagir ?
La couleur politique des invités, notamment avant les élections régionales. Heureusement, je peux répondre que le temps de parole est strictement comptabilisé par le CSA, ce qui évite tout favoritisme. Reviennent régulièrement des thèmes comme la langue française, la sensibilité pro-israélienne ou pro-palestinienne – les chaînes sont accusées des deux, à peu près à égalité –, le Front national (les uns nous reprochent de lui faire la part belle, les autres de ne pas assez inviter ses représentants…), les migrants, les attentats…
Certains sont gênés d’entendre des gens en pleurs à l’antenne : je dois expliquer que ce n’est pas du sensationnalisme, mais du reportage, et la traduction d’une réalité sur place. Souvent, les messages des auditeurs montrent une méconnaissance du fonctionnement des journalistes sur le terrain. Je dois donc préciser les coulisses, l’arrière-boutique, la fabrication d’une édition spéciale…
Comment éviter d’être dans l’autopromotion pure ?
Vous faites sûrement allusion à une intervention dans laquelle je valorisais le feuilleton Les Cigares du pharaon, sur France Culture. Pour moi, j’étais loin d’une quelconque publicité… A l’occasion de messages pointant une diminution du nombre de fictions sur France Culture, je me suis renseigné et ai vu qu’il n’en était rien. Je me suis même aperçu que la chaîne préparait une grosse production, de qualité, avec un orchestre. Comme je suis avant tout journaliste, donc curieux, j’ai voulu raconter l’enregistrement, les différents métiers concernés… J’ai le souci de varier les sujets !Aucun doute, Bruno Denaes prend vraiment les auditeurs pour des cons quand il affirme que
certains sont gênés d’entendre des gens en pleurs à l’antenne : je dois expliquer que ce n’est pas du sensationnalisme, mais du reportage, et la traduction d’une réalité sur place. Souvent, les messages des auditeurs montrent une méconnaissance du fonctionnement des journalistes sur le terrain. Je dois donc préciser les coulisses, l’arrière-boutique, la fabrication d’une édition spéciale… On lui rétorquerait bien que ce qu'il appelle
du reportage, de
la traduction d'une réalité sur place ou
la fabrication d'une édition spéciale n'est pas exempts de points de vue, de choix, autrement dit de montage, de coupe, de collision/transition d'un son à un autre, qui sont le fruit d'une pensée orientée selon un axe de réflexion critique.
Être par exemple
gêné d'entendre des pleurs à l'antenne ne remet pas en cause le travail du journaliste. La question soulève simplement le traitement de ces pleurs à l'intérieur d'un reportage. Répondre à une autre question au lieu de prendre en charge l'écueil désigné pour le travailler de l'intérieur et arguer d'
une méconnaissance du journalisme (parce que le médiateur sait ce que c'est lui, il ne se prive pas de rappeler à tous les coins de rue qu'il l'est, lui, journaliste) permet de donner le change sans se coltiner le fond du problème.
Et toujours cette manie d'infantiliser les auditeurs :
Beaucoup se prennent pour des directeurs d’antenne… Je dois leur expliquer que les chaînes doivent proposer une programmation plurielle, variée, et que l’on ne peut faire plaisir à chacun d’entre eux. Merci maman.