leniax a écrit:Cher Nessie, je pense que la radio en donnant la voix à tous ceux qui luttent et souffrent dans ce monde fait oeuvre de salubrité publique et répond en partie à sa mission. Que des personnalités situées plutôt à gauche en aient la charge ne m'étonne qu'à moitié.
Qu'il serait bon néanmoins que tous les courants de pensée qui interrogent plus profondément ( profondeur dont l'auditeur reste en dernière instance le juge ) notre société en crise puissent le faire librement.
Eh bien pour commencer par la fin, si une parole voit sa liberté réduite sur FC, ça n'est pas la parole que vous aimez et appelez de vos voeux, mais celle que vous travaillez à censurer. En clair : les idées (sur la crise sociale) qui vous déplaisent, qui sont minoritaires sur la chaine et dans la norme de gauche de l'intelligentsia. Je note aussi que vous croyez parler au nom de l'auditeur, or comment un discours de censure et de fermeture pourrait-il représenter un auditoire multiforme ?
Une fois éclairci ces zones d'ombre dans votre post, j'y vois bien les évidentes bonnes intentions, mais je pense que son (leur) contenu est simplement faux : en suivant votre préconisation de "salubrité publique" la chaine ne répond aucunement à sa mission, car vous remplacez une chose par une autre et même plusieurs :
a) La chose remplacée : mettre la culture à la portée du plus grand nombre. Là est la vocation de la chaine, qu'elle ne remplit pas. La salubrité publique que vous invoquez appartient à vos préoccupations plus qu'à cette mission ; par ailleurs il est permis de discuter de la réalité de cette "salubrité", ce que je vais faire plus loin.
b) La chose qui remplace ou plutôt les choses :
- on met à la portée du plus grand nombre la souffrance des faibles
- en y regardant bien, c'est même plutôt le spectacle de leur souffrance
- peut-être qu'on y promeut la lutte, ou bien est-ce qu'on y exploite le spectacle de cette lutte ?
- in fine le moyen proposé et par là le programme imposé, c'est celui de l'engagement politique qui se traduit
a minima par le bulletin de vote, avec un consensus de la chaine qui penche pour un même camp ; il se trouve que c'est le camp que vous soutenez, mais l'honnêteté morale devrait ne pas vous masquer que cette pression orientée est chose inadmissible dans le service public.
Pour revenir à ceux qui la font, cette radio, eh bien il n'a rien pour m'étonner, le tableau de ces bourgeois (et là, de gauche ou de droite peu importe) pétris de mauvaise conscience qui s'achètent un confort moral en exploitant les souffrances. Et ça m'étonne encore moins si au passage ils y trouvent une activité très bien rémunérée en salaire, prestige, pouvoir intellectuel, et intégration sociale de haut niveau. Je crois à une grande insincérité de leur part, mais je ne saurais dire si elle est consciente et cynique, ou inconsciente et naïve. Il s'agit donc plutôt d'une culture des bons sentiments (qui ne font pas nécessairement de la bonne radio) aboutissant à une sorte de comédie des bons sentiments, au service de l'agitation des mauvais sentiments : la zizanie sociale, le malthusianisme économique, la fermeture des esprits.
Reste le bilan et c'est à ce moment seulement que nous entrons dans le sujet de ce forum : la vocation de la station (la culture) s'y trouve de plus en plus reléguée derrière le propos militant. Et même dans une radio de propagande militante qui serait juste, équilibrée, sans mensonges, sans manipes (de cet idéal FC est bien éloigné), on ne voit guère comment cela serait en accord avec la vocation de la chaine.
Ou peut encore ajouter une question : pourquoi serait-ce la chaine culturelle -la seule existant- qui devrait abdiquer sa mission devant une comédie de la justice sociale pour tous ? Comédie dont le but est le confort moral de quelques uns (producteurs et certains auditeurs). Là c'est un mystère auquel on ne peut répondre qu'en élargissant le cadre de l'analyse : il faudrait examiner les représentations et les conduites de l'engagement politique. Ce qui nous ferait à la fois sortir du sujet donc toujours plus loin de la culture, et entrer dans un autre genre : l'étude sociale dont la gauche humaniste est l'objet et le sujet. Or le tableau risque d'être aussi désespérant que celui de la bourgeoisie caritative et des écoles chrétiennes. J'en ai bouffé pendant toute une partie de mon enfance, et je ne vois que trop ce qui les rapproche de l'actuelle France Culture.