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Les Matins de France Culture    Page 35 sur 100

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surpris 


341
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Re: Les Matins de France Culture - Lun 26 Oct 2015, 15:56

masterkey a écrit:Est-ce cette religion qui distingue les capacités démocratiques du Sénégal de celles de la Côte d'Ivoire, ou dans ce même domaine l'Azerbaïdjan de la Géorgie ?
Vous me laissez perplexe, là, lequel de ces deux pays jugeriez-vous clairement plus démocratique que l'autre ?

Savez-vous qu'environ un tiers de la population de la Côte d'Ivoire est musulmane (le reste se répartissant entre animisme et toutes les variétés possible de christianisme) ?
Le Sénégal étant lui à environ 95% de musulmans.

masterkey 

masterkey
Admin

342
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Re: Les Matins de France Culture - Lun 26 Oct 2015, 16:19

A vrai dire, vu de très loin je l'avoue, les niveaux démocratiques azéris et géorgiens me semblaient assez voisins entre eux, et voisiner eux-même plutôt le 0 que l'1. Cela en dépit de la différence de confession de la population. Les situations du Sénégal et de la Côte d'Ivoire (le premier presque entièrement musulman comme vous le rappelez, le second quand même majoritairement chrétien) connaissent des difficultés semblables, malgré des apparences (élections, alternances, absence de violence) en faveur du plus musulman des deux.

Dans ces deux rapprochements hasardeux, je voulais souligner que l'Islam n'est vraisemblablement pas en cause dans le défaut de démocratie, mais bien plutôt un passé commun : deux ex-républiques soviétiques transcaucasiennes d'un côté, deux ex-colonies françaises de l'autre. Dans beaucoup de cas, les voisins non-musulmans des pays musulmans ne sont pas plus démocratiques que ceux-ci, ou le sont tout autant (cf. Islam du sud-est asiatique).

Mon argument n'est pas très bien taillé car j'évoquais initialement la culture locale. Cela étant, il ne s'agit que dire que l'Islam n'est pas à coup sûr le déterminant dans le défaut de démocratie des pays visés par munstead, qu'il en existe d'autres. Que par ailleurs, le cortège des pays musulmans démocratiques, quoique maigre, n'est pas si  décharné.



Dernière édition par masterkey le Lun 26 Oct 2015, 16:43, édité 2 fois

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Altian 


343
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Re: Les Matins de France Culture - Lun 26 Oct 2015, 16:36

Nessie a écrit:
Philaunet a écrit:Glissons une petite interview bourdieusienne tant que rame l'Internet nessien... C'était dans Hors-Champs avec Alicia Dujovne-Ortiz : [son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2014/12/s51/NET_FC_fc477a90-5bf8-4866-ab12-a026d4852c7e.mp3" debut="14:33" fin="17:17"]

Confidence pour confidence, la chose ne m'avait point échappé, quand bien même je ne l'ai entendue qu'en différé multiple , hier dans l'après-midi. J'ai soigneusement archivé ce propos fulminant de mépris pour les autres et de prétention pour soi. On y trouve tout ce qu'un sociologue devrait éviter de faire au moins tant qu'il joue le sociologue  : de la généralisation, du préjugé, de la polémique hargneuse.

Et parce que je crois que la consigne vaut aussi pour le philosophe, j'ai archivé l'extrait dans mon dossier "Michel Onfray"sous le titre "Archive Bourdieu 1992 - Onfray y est presque". De fait, Bourdieu a plusieurs fois été cité en modèle par Michel Onfray. La différence entre les deux est purement psychologique : à la perversion intellectuelle de l'arriviste répond la sincérité du militant, tout de naïveté fonçeuse pour enfoncer les portes ouvertes et cela même quand elles ne donnent que sur un mur.

Mais n'avez-vous jamais constaté la supériorité de votre analyse sur un autre ? La réduisez-vous alors, systématiquement, (et je dis bien systématiquement), à de la chance que vous auriez (ou auriez eu) et l'autre non ? Toute chose est-elle égale par ailleurs ? (une phrase hautement idiote à mon sens).

Au fait, oui, je trouve important de déconstruire la logique de certains, et de traiter en tant que tel des gens dont on considère qu'il sont dangereux socialement ou anthropologiquement, tout comme on traite des tyrans, des collabo, etc.

C'est une question de perception des enjeux. Le débat intellectuel pour moi, comme pour Durkheim, n'est un jeu purement formel entre gens de lettre, aristocrates, intelligentsia, etc. les idées ont un impact sur la vie et la mort de gens réels.

La sociologie reste donc un sport de combat... Wink

Altian 


344
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Re: Les Matins de France Culture - Lun 26 Oct 2015, 16:50

masterkey a écrit:
munstead a écrit:Quand une seconde de réflexion permet de voir qu'il n'y a que deux pays pratiquant l'Islam dans le monde dans lesquels on peut observer un esprit démocratique vivant — La Tunisie, avec les difficultés que l'on sait et , et  la Turquie en arrière toute vers un régime autoritaire — et que tous les autres sont des monarchies absolues ou des dictatures civiles ou militaires dans lesquelles les démocrates sont pourchassés, emprisonnés, tués [...]

Bonjour munstead, je lis souvent vos billets avec plaisir et je vous suis dans nombre de vos remarques mais j'aimerais vous discuter celle-là : ne peut-on ajouter aux nombres des pays démocratiques et fortement pratiquants de l'Islam l'Indonésie et la Malaisie ? On pourrait même discuter du cas pakistanais, à la démocratie certes instable et souvent en proie à des périodes militaires, où l'état peine à régner sur de larges territoires, mais pratiquant l'élection  et l'alternance. On peut aussi évoquer l'Inde, authentique démocratie avec une minorité musulmane (près de 200 millions d'âmes) autrement plus vaste que celles que l'on peut connaître en pays européens.

Cela m'amène a me demander si les problèmes que vous évoquez, surtout donc relatifs aux pays du Moyen-Orient et du Maghreb avec la démocratie, sont bien causés par la religion, et non par d'autres facteurs, tels que la culture propre à ces espaces - à laquelle contribue l'Islam bien sûr, mais seulement pour partie -. Est-ce cette religion qui distingue les capacités démocratiques du Sénégal de celles de la Côte d'Ivoire, ou dans ce même domaine l'Azerbaïdjan de la Géorgie ?

Par ailleurs, et ce n'est pas seulement une boutade, l'islam vit en 1437 (1393 en calendrier solaire). La démocratie (moderne) est un fait bien récent en regard de l'âge des religions  communes, et un constat similaire au vôtre, jettant un oeil à l'inexistance de ce type de démocratie dans l'Europe chrétienne du 15e siècle, ne prouverait certes pas l'inaptitude démocratique des chrétiens.


Il me semble qu'il faudrait que vous définissiez ce que vous appelez démocratie !  Ou réduisez-vous celle-ci à l'élection et à l'alternance ? Une alternance de régimes totalitaires par mascarade d'élection serait donc une démocratie ?

Votre remarque sur la date est inopérante, la révolution française en l'an II n'avait rien à voir avec l'empire romain vous en conviendrez (ou alors nous aurons du mal à faire de l'histoire ensemble...). Une culture est contextuelle à une organisation économique, urbaine, agraire, industrielle, technique et scientifique (dont médicale), des échanges, donc très vite à  une époque de l'espèce...

Sur quoi se fonde pour vous la distinction religion / politique, est-elle immanente ?

Enfin, question d'importance : Qu'ont donc alors de particulier et d'anti-démocratique les cultures du Maghreb et du Moyen-orient prise en dehors de toute relation à l'Islam ? (et que ces cultures partageraient donc avec la culture ivoirienne ou d'autres ...).

masterkey 

masterkey
Admin

345
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Re: Les Matins de France Culture - Lun 26 Oct 2015, 17:39

@Altian : Non bien sûr, la démocratie consiste probablement en un ensemble de pratiques, un système politique pluripartite, des institutions favorisant la prise en compte de l'opinion majoritaire au minimum, une liberté d'information confortablement installée, dans l'idéal, une édification de la population compatible avec le droit de vote qui lui est conféré, etc. Mais lequel des pays que j'ai nommés rangez-vous dans la catégorie des pseudo-démocraties ? La Malaisie, l'Indonésie, le Pakistan ou l'Inde ? Pour l'avant-dernier, il y a effectivement matière à discuter bien sûr, mais je ne crois pas que le régime y soit totalitaire.

Ma remarque sur la date avait deux buts, je n'ai développé que le premier : l'Islam n'a "que" 14 siècles d'existence. Bien sûr il ne s'agit pas de dire que les musulmans vivent dans un contexte semblable à celui des chrétiens européens du 15e siècle, mais plutôt qu'il fallu attendre la fin du 18e siècle du christianisme pour que des régimes sous sa férule commencent à s'en affranchir, le début du 20e pour que sa séparation d'avec l'état soit consommé en France, et que fleurissent dans les nations ayant "grandi" dans cette religion les démocraties que l'Europe s'honore d'abriter aujourd'hui. Il a d'ailleurs fallu que l'affranchissement du pouvoir religieux se fasse par la force, et non avec son plein consentement, pour accéder à ces états de démocratie.

Quoi qu'il en soit, cet acquis occidental est très récent, c'est cela le coeur de mon propos, et on aurait eu tôt fait de condamner le christianisme à la même incapacité démocratique que l'Islam si l'on avait fondé son raisonnement sur l'Europe renaissante plutôt que celle du 21e siècle.

L'autre versant de mon propos était de suggérer qu'il faudra du temps au monde islamique pour qu'il parvienne à faire de sa religion une exégèse parfaitement acclimatée à la démocratie dont nous souhaiterions voir s'habiller les états qui s'en réclament.

Je n'en avais pas parlé, mais les différentes lectures juridiques de l'Islam ne sont peut-être pas non plus pour rien dans les différences qu'on peut voir entre état arabes moyen-orientaux, souvent hanbalites, les chaféites d'Asie du sud-est, et les maghébins surtout malékites, les deux dernières traditions étant moins fermement opposées, il me semble, à "l'innovation".



Dernière édition par masterkey le Mar 27 Oct 2015, 15:04, édité 1 fois

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Altian 


346
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Re: Les Matins de France Culture - Mar 27 Oct 2015, 12:44

masterkey a écrit:@Altian : Non bien sûr, la démocratie consiste probablement en un ensemble de pratiques, un système politique pluripartite, des institution favorisant la prise en compte de l'opinion majoritaire au minimum, une liberté d'information confortablement installée, dans l'idéal, une édification de la population compatible avec le droit de vote qui lui est conféré, etc. Mais lequel des pays que j'ai nommés rangez-vous dans la catégorie des pseudo-démocraties ? La Malaisie, l'Indonésie, le Pakistan ou l'Inde ? Pour l'avant-dernier, il y a effectivement matière à discuter bien sûr, mais je ne crois pas que le régime y soit totalitaire.

Ma remarque sur la date avait deux buts, je n'ai développé que le premier : l'Islam n'a "que" 14 siècles d'existence. Bien sûr il ne s'agit pas de dire que les musulmans vivent dans un contexte semblable à celui des chrétiens européens du 15e siècle, mais plutôt qu'il fallu attendre la fin du 18e siècle du christianisme pour que des régimes sous sa férule commencent à s'en affranchir, le début du 20e pour que sa séparation d'avec l'état soit consommé en France, et que fleurissent dans les nations ayant "grandi" dans cette religion les démocraties que l'Europe s'honore d'abriter aujourd'hui. Il a d'ailleurs fallu que l'affranchissement du pouvoir religieux se fasse par la force, et non avec son plein consentement, pour accéder à ces états de démocratie.

Quoi qu'il en soit, cet acquis occidental est très récent, c'est cela le coeur de mon propos, et on aurait eu tôt fait de condamner le christianisme à la même incapacité démocratique que l'Islam si l'on avait fondé son raisonnement sur l'Europe renaissante plutôt que celle du 21e siècle.

L'autre versant de mon propos était de suggérer qu'il faudra du temps au monde islamique pour qu'il parvienne à faire de sa religion une exégèse parfaitement acclimatée à la démocratie dont nous souhaiterions voir s'habiller les états qui s'en réclament.

Je n'en avais pas parlé, mais les différentes lectures juridiques de l'Islam ne sont peut-être pas non plus pour rien dans les différences qu'on peut voir entre état arabes moyen-orientaux, souvent hanbalites, les chaféites d'Asie du sud-est, et les maghébins surtout malékites, les deux dernières traditions étant moins fermement opposées, il me semble, à "l'innovation".


Avant tout, Je ne considère pas que nous vivions dans des démocraties. Pour moi, comme pour Aristote, comme pour Pierre Manent, la démocratie repose sur peu d'élection et beaucoup de tirage au sort, le non cumul des mandats et donc la non professionnalisation du politique, Une éducation politique, etc.
La confusion entre démocratie et république, voire l'insidieuse distinction entre principe et régime, sont les outils des politiques qui ne veulent surtout pas voir leur position remise en cause, et de journalistes soit mal-formés, soit de connivence. Car pour ce pouvoir, il ne faut pas laisser croire qu'une autre politique, qu'un autre régime serait possible, mais faire accroire que la démocratie étant déjà là, il n'y a rien d'autre, aucun autre horizon : la fin de l'histoire. Ceci est une mascarade.

Nombre de pays du sud, plus ou moins totalitaires, reconduisant surtout leurs formes politiques anciennes et les pouvoirs des plus puissantes familles ou ethnies, ou castes, etc. ont bien compris cette manipulation donnée en exemple par l'occident, comme modèle de contrôle des populations. Ils les ont donc appliqués et ont pour la plupart posé le nom de démocratie sur leur régime, quel qu'il soit. Le mot tenant lieu de réalité plutôt que le réel.
La Malaisie est une monarchie constitutionnelle avec l'Islam pour religion d'état..., où le multipartisme cache un parti au pouvoir depuis plus de 50 ans...  Et où une loi condamne durement la sédition... Où la corruption est importante... Et le népotisme plus encore, impliquant justement une ethnicisation des rapports de pouvoir.
L'Indonésie quant à elle n'est musulmane que de nom puisque la majorité musulmane pratique un synchrétisme indonésien voué aux gémonies par les islamistes, eux coranique et dont les ailes wahhabites en croissance sont financées par l’Arabie saoudite pour s'imposer au reste des musulmans et avec pour objectif affiché la charia. Et les chrétiens y sont en permanence agressés par les groupes islamistes.
L'opposition entre dictature et démocratie est donc totalement inopérante en politique tant elle est manichéenne. Car il n'est pas besoin d'être une dictature pour ne pas être démocratique, très loin de là...



Pour ce qui est de la temporalité des religions, je le redis elle n'est rien sans un contexte économique, technique, intellectuel (scientifique), etc. L'Islam n'est donc pas "âgé" de 1400 ans, mais vit à notre époque. D'où la possibilité, heureusement pour des musulmans d'être faiblement coraniques,  comme des chrétiens sont faiblement bibliques, choisissant soigneusement ce qu'ils valident dans leur texte à travers leur pratique.
Et il n'a pas fallu à l'église romaine 18 siècle pour accepter une séparation d'avec le politique, mais des conditions qui sont apparut il y a 3 / 4 siècles, ce qui n'a absolument rien à voir, puisqu'elles dépendent de la densité démographique, des moyen technique de l'échange d'idée, etc.
Historiquement, des échelles d'âge phénoménologique n'ont aucune pertinence.

La dernière différence que vous soulignez n'est pas fausse mais pas non plus centrale. Il faut plutôt y voir, à mon sens, une implémentation d'histoires différentes : la colonisation anglaise forte par exemple en Malaisie, Inde et hollandaise en Indonésie, avec un mélange complexe entre indépendance et héritage occidental. l'Islam y est lointain de ses origines géographiques et donc culturelles, d'où les syncrétismes, et les libertés prises avec le Coran chez beaucoup. Ce qui y est aussi vrai avec le christianisme. Mais l'Islam, y est en continuité de colonisation, en quelque sorte, il n'y a pas fini son travail et le continue, malheureusement vers le salafisme.
La réaction salafiste commence elle au moyen orient avec le wahhabisme au 18e siècle par effet de concurrence et de ressentiment dans la défaite en ce cadre face à l'occident. Son expansion est quasi régulière depuis dans le   Maghreb et le Moyen Orient, avec un biais de perspective introduit durant un peu plus d'un demi siècle par la parenthèse plus ou moins socialiste/communiste et les guerres mondiales. C'est une forme de réaction mystique, nostalgique de l'expansion des premiers siècles et de la haute culture musulmane, devant la perte de vitesse et le dépassement dans la course des civilisations par l'occident chrétien.
L'Afrique noire n'a pas connu autre chose au fond, et son islamisation progressive depuis la fin du communisme ne tient pas à autre chose qu'à ce travail de fausse mémoire, et de jalousie culturelle. N'oublions pas que les populations bantous par exemple ont colonisé l’Afrique vers le sud, sur une longue période, en massacrant aussi d'autres populations comme les pygmées, et en pratiquant largement l'esclavage, avant de se retrouver face à un autre colonisateur en Afrique du Sud au 19e siècle et de se retrouver perdant dans cette course à la domination, simplement pour un décalage technique et démographique. Il n'y a pas de cultures meilleures que d'autres !

Le danger de l'Islam se trouve bien dans l'expansion de ce ressentiment et le désir de revanche, qui certes instrumentalise le religieux mais sur la base d'un texte très favorable à cette instrumentalisation.

C'est dans ce cadre que la démocratie n'est pas compatible avec cette projection de l'Islam, salafiste, qui s'était déjà bien répandu, mais qui est en train de "contaminer", si je puis dire, rapidement maintenant les mondes musulmans.

L'énergie de quelques penseurs, intellectuels, ou jeunes modernisés plus ou moins musulmans, à minimiser cette progression, à marteler les autres possibilités de l'Islam, pourrait paraître louable mais elle me semble illusoire.

masterkey 

masterkey
Admin

347
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Re: Les Matins de France Culture - Mer 28 Oct 2015, 11:55

Altian, merci de votre réponse étayée et roborative (notamment sur les pratiques réelles dans les pays que je mentionnais), mais qui continue d'ouvrir plusieurs tiroirs voisins au premier (la compatibilité de l'Islam avec la démocratie).

Suivant l'ordre de vos paragraphes :

"Définitions de la démocratie" : Jusqu'ici, il était implicite dans les propos de munstead et des intervenants précédents que la démocratie dont il était question, nous (occidentaux) y vivions peu ou prou – sinon, cela relativise fortement les critiques qu'on adresse à l'Islam à ce sujet -. Pour vous, ce n'est pas le cas; partant, de quel nom souhaitez-vous qu'on nomme le mode de répartition du pouvoir qui caractérise les états occidentaux, pour qu'on puisse jouer utilement de la distinction par la suite ? En attendant, partons pour "démocratie incomplète".

A lire la suite de votre message, j'hésite dans la compréhension de votre position : pensez-vous que nous vivions dans une démocratie incomplète, de même que les pays musulmans que j'ai cités ("Nombre de pays du sud[..]ont bien compris cette manipulation donnée en exemple par l'occident, comme modèle de contrôle des populations" disiez-vous), mais que la leur est plus incomplète encore (à cause des travers supplémentaires que vous énoncez), puis que viennent ensuite les authentiques tyrannies ? Ou bien selon vous sommes-nous bien, occidentaux, en état de démocratie (incomplète), mais non les pays pratiquant majoritairement l'Islam, qui sont, eux, en régime totalitaire agrémenté de simples signes démocratiques décoratifs ? Différence de nature ou de degré entre nos régimes et les leurs, par ailleurs tous imparfaits ? Enfin (sur ce point), quid de la responsabilité de l'Islam dans ces traits anti-démocratiques que vous soulignez (népotisme, corruption, pouvoir ethnicisé…) ? En est-ce vraiment un facteur aggravant? Je ne le crois pas, je pense même l'inverse. C'est pourquoi dans mon message à munstead, j'évoquais le rôle des déterminismes locaux dans l'état (piètre) de la démocratie dans nombre des pays musulmans mentionnés par la négative (tous sauf la Tunisie et la Turquie, avec réserves).

Altian a écrit:L'opposition entre dictature et démocratie est donc totalement inopérante en politique tant elle est manichéenne

Là-dessus, je vous suis parfaitement.

Deuxième volet, la temporalité des religions : votre paragraphe est bienvenu, je me suis effectivement fourvoyé en montant en épingle ce qui n'est qu'un artifice rhétorique, l'âge de l'Islam. Cependant, je vous concédais déjà dans le message précédent que "bien sûr il ne s'agit pas de dire que les musulmans vivent dans un contexte semblable à celui des chrétiens européens du 15e siècle". Je n'affirmais pas non plus que l'église romaine, au bout de 18 siècles, avait su desserrer l'étau de sa prise sur la société, quoi que me mots pouvaient le laisser sous-entendre, c'est bien plutôt cette dernière qui s'en est déprise par la force. A ce sujet, vous avez raison d'évoquer l'histoire des techniques et l'histoire démographique.

Tout de même, la religion a été un acteur historique important en Europe, souvent freinant l'expression d'aspirations démocratiques, en réglant fortement la société pendant plus de mille ans et en légitimant le pouvoir séculier. Mais c'est surtout dans cette religion qu'ont infusé les sociétés européennes à nouveau durant plus d'un millénaire. Je pense que dans l'esprit de ceux qui dénient à l'Islam la compatibilité démocratique, c'est en partie par opposition au christianisme qui est un contributeur historique majeur à l'élaboration de nos catégories morales, de nos notions de l'individu et sans doute aussi des velléités démocratiques qui ont pu éclore quand l'avancée conjointe des techniques et des idées en ont rendu le projet viable.

Quoi qu'il en soit, cet artifice rhétorique mien, l'âge de l'Islam, ne visait qu'à affirmer qu'on ne peut conclure de la situation actuelle des pays islamiques qu'une démocratie (incomplète) ne saurait y advenir, vu la récence de l'éclosion démocratique (incomplète) des sociétés occidentales.

Sur la fin de ce chapitre : je ne suis pas vraiment d'accord avec votre catégorisation entre lectures faibles et fortes des textes religieux, qui suggère qu'on est plus religieux lorsqu'on est un littéraliste et moins quand on est, disons, un contextualiste. Je n'ai aucune d'expérience dans le domaine (pour cause d'éducation athée) mais il me semble qu'on peut être un chrétien ou un juif fervent mais ne pas accorder aux pages les plus belliqueuses de l'Exode le même poids ni la même pertinence actuelle qu'aux passages promouvant la tolérance et la bienveillance dans les évangiles ou le Midrash. Et je ne vois pas ce qui empêcherait une pareille interprétation du corpus musulman, notamment celui, très vaste et donc protéiforme, des hadiths qui ont un rôle normatif qui me semble comparable à celui du Talmud pour les juifs. Une telle liberté interprétative l'a d'ailleurs déjà emporté dans l'histoire, bien avant les techniques de communication modernes et même plus ancienne, notamment au 8e siècle, avec l'advenue du mutazilisme cher au feu Abdelwahab Meddeb. Les techniques de communication que vous évoquez ne sont d'ailleurs pas pour rien dans la propagation du salafisme que nous déplorons tous, et n'œuvre vraisemblablement pas que dans le bon sens.

Vos derniers paragraphes ne se lisent pas sans intérêt. Il est consternant de remarquer que la "haute culture musulmane" des premiers siècles s'accompagnait donc d'un Islam tout différent de celui prôné par ceux qui jouent de sa nostalgie.

Pour autant, je ne vous suivrais pas dans votre conclusion en ce qui concerne le long terme. Le flash salafiste est encore bien plus récent que nos démocraties, et pour bruyant qu'il soit (il suffit de jeter un œil aux divers forums en rapport proche ou lointain avec l'Islam sur Internet pour se convaincre de sa force de frappe), j'aurais bien du mal à estimer à quel point il a colonisé les esprits musulmans dans le monde, ni s'il s'installera durablement. A nouveau, les contextes techniques, économiques et politiques tiendront sans doute un rôle important, autant que les mouvements intérieurs à l'Islam.

PS : ne citez pas tout mon message pour me répondre, cela rend la lecture plus difficile sur un petit écran.



Dernière édition par masterkey le Jeu 29 Oct 2015, 14:21, édité 1 fois

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Altian 


348
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Re: Les Matins de France Culture - Mer 28 Oct 2015, 16:15

Je vous remercie également de cet échange.

Sur notre régime politique, il s'agit d'une république, qui s'est démocratisé par certains côté mais oligarchisé également par d'autres et plus nombreux, notamment avec la 5e, du fait de l'affaiblissement parlementaire.


Certes notre république utilise l'illusionisme en se nommant démocratie, certes elle est de moins en moins représentative qui plus est, mais elle est au moins une république, ce que ne sont même pas des régimes qui se donnent au sud (souvent) le nom de démocratie sans même s'approcher d'une réalité de représentativité...

Il s'agit plus d'une différence de degré que de nature mais ce sont malgré tout des degrés importants.

Les états islamiques ou à majorité musulmanes sont divers mais toujours à peu de choses près des régimes autoritaires, durs, paternalistes à férule si vous préférez... Ce qui correspond bien à la présence du religieux (le père étant toujours in fine Allah bien sûr). Mais pour aller vers vous et votre interrogation du poids des cultures, Oui ! la culture est éminemment présente dans les principes de népotisme, de corruption, d'ethnicisation, mais elle se reproduit et trouve sa justification dans le religieux justement, qui n'est, au final, qu'une mise en forme de motifs socio-culturels. On pourrait croire qu'ils ne peuvent alors s'exporter ! Au contraire, une certaine stylisation et beaucoup d'idéalisation, associés à un 'instantané' figé de sa culture d'origine, fait de certaines religions des produits plus ou moins finis relativement séduisants. Des packages presque tout compris, pouvant s'adapter facilement moyennement quelques bidouillages, mais tentant toujours de s'imposer en totalité au bout du compte...
Les religions du livres et le bouddhisme (le christianisme étant un bouddhisme judaïque mâtiné d’hellénisme), offre des repères assez largement partagés anthropologiquement : causalité première unifiée qui soutient le patriarcat, soumission des femmes (moindre mais réel dans le bouddhisme), reconnaissance de la hiérarchie sociale par l'utilisation de la compassion et de la charité (moindre mais lointain dans le christianisme et le bouddhisme), etc.

En fait le bouddhisme, et donc le christianisme, sont beaucoup plus ouverts aux évolutions, beaucoup moins fermés sur la reproduction d'un patriarcat fort et donc d'une sacralisation du "père" spirituel parce que matériel, que l'Islam ou le judaïsme. Tout ou presque découle en fait de cela.

La volonté de conserver le religieux comme politique est donc un enjeux pour des vrais croyants, et les autres peuvent facilement y consentir pour avoir la paix (mais que certaines paieront plus cher que d'autres...).

La démocratisation a été construite dans un climat polythéiste, qui pouvait donc reconnaître la pluralité des positions dans le débat publique. Le patriarcat n'est donc pas un empêchement radical à la démocratisation, si ce n'est qu'il est alors limité aux hommes (et de là, aux hommes libres, riches, etc.), mais l'accumulation du principe monothéiste au rôle du père rend inadaptée la démocratie à pouvoir mettre en oeuvre le pouvoir et la décision telle qu'elle se représente alors : centralisée, paternaliste, et autoritaire.

Et ce n'est pour déplaire qu'à peu de sociétés existantes, surtout lorsque le patriarcat y est menacé par l'expansion du modèle occidental, féminisé, et qui semble chaotique, voire malade, pour beaucoup d'hommes et de femmes du sud, mais aussi du nord d'ailleurs...

L'aspect moral se double de l'image brouillonne que donne le républicanisme de la démocratie en se la donnant pour faux nez, dans la délibération interminable, l'hypocrisie des élections et du multipartisme, la complexité du lobbying, etc.


Sur l’herméneutique des corpus religieux :

Je ne pense pas que le niveau d'éducation globale des musulmans soit comparable à celui des juifs, globalement. Ce qui implique à accès faible aux Hadiths, contrairement au Talmud pour le juif lambda. Ceci associé à un caractère élitiste du judaïsme et universaliste de l'Islam, qui renforce donc la pratique contextuelle du judaïsme et la pratique essentialiste de l'Islam. Il faudrait donc attendre une extension de l'Islam à l'espèce entière pour voir le niveau s'élever au point d'une éducation forte de chacun et d'un travail de contextualisation qui viendrait à bout alors de l’essoufflement de cette globalisation même... On le voit cet avenir est alors très lointain, plus qu'incertain, et beaucoup plus qu'angoissant pour ma part.

Le modèle communicationnel est évidemment contre-productif dans ce processus, tant il valorise la confusion des autorités, mais en fait, noie surtout les expressions les plus complexes pour faciliter la diffusion du plus simple, du simplisme...

On en revient à l'attente d'une globalisation, d'un essoufflement et d'une montée éducative, bien illusoire à mon sens tant elle serait lointaine et la planète entre temps vouée à l'Inch Allah !






Fred gargamel 


Invité

349
Répondre en citant  
Re: Les Matins de France Culture - Jeu 29 Oct 2015, 00:37

Je suis une française moyenne, en tout, éducation moyenne, métier moyen (cap boulanger), revenus très moyen, famille moyenne… Et j'écoute les radios de Radio France, le service public, tout ça !!!
Je trouvais le monsieur Erner insupportable à entendre sur France Inter, le ton, le débit, la voix… Et ils sont nombreux comme lui sur France Inter !
Alors adieu France Inter, je me suis mis à écouter France culture, je n'osais pas jusque là, je ne suis pas philosophe, pas professeur des écoles... Et le matin quel bonheur, des informations annoncées d'une voix calme, compréhensive, des sujets pointus développés sans urgence, un véritable tour du monde (oui l'hémisphère sud est habité!) , des gens intéressants chez moi. Bref le France Inter d'autrefois, avant la pub, quand elle ne pressait pas les journalistes à ânonner bêtement les titres. Quand la fin d'un sujet ne télescopait pas le début d'un autre sujet. Quand France Inter ne tentait pas de copier Europe 1.
Depuis août monsieur Erner est sur France Culture, et on dirait que tout le monde à changé et livre la même bouillie verbale!
Je vous en prie France Inter, reprenez le, certains l'appréciaient et le pleurent...
On n'a plus le choix de la radio culture, celle où je cherche à me cultiver.

surpris 


350
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Minc, reçu ce matin - Jeu 29 Oct 2015, 07:57

Ce matin FC reçoit « l'intellectuel » polygraphe Alain Minc, condamné par deux fois pour pour plagiat : en 2001, après avoir repris dans Spinoza, un roman juif, des passages de Spinoza, le masque de la sagesse, de Patrick Rödel, puis  pour avoir plagié 47 passages d'une biographie de Pascale Froment dans  L'Homme aux deux visages : Jean Moulin.
Lui posera-t-on des questions sur l'éthique de l'écriture ?


[Modération] @Supris, je déplace votre message dans le fil des matins. Si vous y voyez un inconvénient, faites-le-moi savoir. J'effacerai ce commentaire demain.
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Re: Les Matins de France Culture - Jeu 29 Oct 2015, 15:28

surpris, au sujet de l'invité des matins Alain Minc, a écrit:Lui posera-t-on des questions sur l'éthique de l'écriture ?

Eh bien non. Guillaume Erner s'est surtout employé à montrer à Nessie que Michel Onfray n'est pas le seul à confondre libéralisme et capitalisme, et qu'il peut lui-même s'enfoncer jusqu'au niveau de son prédécesseur en la matière.

A propos du texte du journaliste de tendance gauche libérale Kurt Tucholsky, lu par Brice Couturier, écrit en Allemagne dans les années 30, dont la trame était l'espoir en la fin (lointaine) des nationalismes guerriers pour qu'advienne ensuite une nouvelle mode libérale, Erner d'envoyer à Minc (avec pour but évident de disqualifier au moins partiellement le libéralisme ):

[...](l'Allemagne), qui s'est finalement fort bien accommodé du capitalisme rhénan; le patronat allemand a très bien su faire avec Hitler.

Avant d'enchaîner :
L'arrière pensée de Brice Couturier est (qu')évidemment le libéralisme est incompatible avec toute forme de dirigisme, on voit aujourd'hui notamment avec la Chine - mais pas seulement - qu'il y une forme de capitalisme qui convient très bien a la dictature.

Décevant de la part de Guillaume Erner, à qui il ne reste guère qu'une relative humilité et des bonnes manières pour se distinguer de Marc Voinchet.

@Fred gargamel : Est-ce à Nicolas Demorand que Guillaume Erner vous fais penser ? Depuis que Nessie a relevé la proximité de leurs styles, impossible de faire la comparaison. Ironiquement Demorand a produit la matinale de France Culture de 2002 à 2006. Cela fait bien longtemps que les matins ne sont plus imbibés de l'esprit que vous décrivez.

Aux auditeurs de Culture qui ne passe jamais par Inter, Demorand y anime aujourd'hui la quotidienne Un jour dans le monde en concurrence avec celle de Hervé Gardette (18h10). Demorand y est toujours demorandesque, surconfiant, fielleux à l'occasion (il se distingue en cela d'Erner), quelques tics langagiers en moins, et son émission vaut mieux une fois sur deux que le  Grain à moudre à mon goût, ce qui ne la place pas bien haut pour autant.

@Altian : je ne vous oublie pas. Vous expliquez bien ce sur quoi vous fondez vos conclusions inquiètes, mais si j'en ai le temps, il y a plusieurs remarques que je vous adresserai.

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Re: Les Matins de France Culture -

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