masterkey a écrit:@Altian : Non bien sûr, la démocratie consiste probablement en un ensemble de pratiques, un système politique pluripartite, des institution favorisant la prise en compte de l'opinion majoritaire au minimum, une liberté d'information confortablement installée, dans l'idéal, une édification de la population compatible avec le droit de vote qui lui est conféré, etc. Mais lequel des pays que j'ai nommés rangez-vous dans la catégorie des pseudo-démocraties ? La Malaisie, l'Indonésie, le Pakistan ou l'Inde ? Pour l'avant-dernier, il y a effectivement matière à discuter bien sûr, mais je ne crois pas que le régime y soit totalitaire.
Ma remarque sur la date avait deux buts, je n'ai développé que le premier : l'Islam n'a "que" 14 siècles d'existence. Bien sûr il ne s'agit pas de dire que les musulmans vivent dans un contexte semblable à celui des chrétiens européens du 15
e siècle, mais plutôt qu'il fallu attendre la fin du 18
e siècle du christianisme pour que des régimes sous sa férule commencent à s'en affranchir, le début du 20
e pour que sa séparation d'avec l'état soit consommé en France, et que fleurissent dans les nations ayant "grandi" dans cette religion les démocraties que l'Europe s'honore d'abriter aujourd'hui. Il a d'ailleurs fallu que l'affranchissement du pouvoir religieux se fasse par la force, et non avec son plein consentement, pour accéder à ces états de démocratie.
Quoi qu'il en soit, cet acquis occidental est très récent, c'est cela le coeur de mon propos, et on aurait eu tôt fait de condamner le christianisme à la même incapacité démocratique que l'Islam si l'on avait fondé son raisonnement sur l'Europe renaissante plutôt que celle du 21
e siècle.
L'autre versant de mon propos était de suggérer qu'il faudra du temps au monde islamique pour qu'il parvienne à faire de sa religion une exégèse parfaitement acclimatée à la démocratie dont nous souhaiterions voir s'habiller les états qui s'en réclament.
Je n'en avais pas parlé, mais les différentes lectures juridiques de l'Islam ne sont peut-être pas non plus pour rien dans les différences qu'on peut voir entre état arabes moyen-orientaux, souvent hanbalites, les chaféites d'Asie du sud-est, et les maghébins surtout malékites, les deux dernières traditions étant moins fermement opposées, il me semble, à "l'innovation".
Avant tout, Je ne considère pas que nous vivions dans des démocraties. Pour moi, comme pour Aristote, comme pour Pierre Manent, la démocratie repose sur peu d'élection et beaucoup de tirage au sort, le non cumul des mandats et donc la non professionnalisation du politique, Une éducation politique, etc.
La confusion entre démocratie et république, voire l'insidieuse distinction entre principe et régime, sont les outils des politiques qui ne veulent surtout pas voir leur position remise en cause, et de journalistes soit mal-formés, soit de connivence. Car pour ce pouvoir, il ne faut pas laisser croire qu'une autre politique, qu'un autre régime serait possible, mais faire accroire que la démocratie étant déjà là, il n'y a rien d'autre, aucun autre horizon : la fin de l'histoire. Ceci est une mascarade.
Nombre de pays du sud,
plus ou moins totalitaires, reconduisant surtout leurs formes politiques anciennes et les pouvoirs des plus puissantes familles ou ethnies, ou castes, etc. ont bien compris cette manipulation donnée en exemple par l'occident, comme modèle de contrôle des populations. Ils les ont donc appliqués et ont pour la plupart posé le nom de démocratie sur leur régime, quel qu'il soit. Le mot tenant lieu de réalité plutôt que le réel.
La Malaisie est une monarchie constitutionnelle avec l'Islam pour religion d'état..., où le multipartisme cache un parti au pouvoir depuis plus de 50 ans... Et où une loi condamne durement la sédition... Où la corruption est importante... Et le népotisme plus encore, impliquant justement une ethnicisation des rapports de pouvoir.
L'Indonésie quant à elle n'est musulmane que de nom puisque la majorité musulmane pratique un synchrétisme indonésien voué aux gémonies par les islamistes, eux coranique et dont les ailes wahhabites en croissance sont financées par l’Arabie saoudite pour s'imposer au reste des musulmans et avec pour objectif affiché la charia. Et les chrétiens y sont en permanence agressés par les groupes islamistes.
L'opposition entre dictature et démocratie est donc totalement inopérante en politique tant elle est manichéenne. Car il n'est pas besoin d'être une dictature pour ne pas être démocratique, très loin de là...
Pour ce qui est de la temporalité des religions, je le redis elle n'est rien sans un contexte économique, technique, intellectuel (scientifique), etc. L'Islam n'est donc pas "âgé" de 1400 ans, mais vit à notre époque. D'où la possibilité, heureusement pour des musulmans d'être faiblement coraniques, comme des chrétiens sont faiblement bibliques, choisissant soigneusement ce qu'ils valident dans leur texte à travers leur pratique.
Et il n'a pas fallu à l'église romaine 18 siècle pour accepter une séparation d'avec le politique, mais des conditions qui sont apparut il y a 3 / 4 siècles, ce qui n'a absolument rien à voir, puisqu'elles dépendent de la densité démographique, des moyen technique de l'échange d'idée, etc.
Historiquement, des échelles d'âge phénoménologique n'ont aucune pertinence.
La dernière différence que vous soulignez n'est pas fausse mais pas non plus centrale. Il faut plutôt y voir, à mon sens, une implémentation d'histoires différentes : la colonisation anglaise forte par exemple en Malaisie, Inde et hollandaise en Indonésie, avec un mélange complexe entre indépendance et héritage occidental. l'Islam y est lointain de ses origines géographiques et donc culturelles, d'où les syncrétismes, et les libertés prises avec le Coran chez beaucoup. Ce qui y est aussi vrai avec le christianisme. Mais l'Islam, y est en continuité de colonisation, en quelque sorte, il n'y a pas fini son travail et le continue, malheureusement vers le salafisme.
La réaction salafiste commence elle au moyen orient avec le wahhabisme au 18e siècle par effet de concurrence et de ressentiment dans la défaite en ce cadre face à l'occident. Son expansion est quasi régulière depuis dans le Maghreb et le Moyen Orient, avec un biais de perspective introduit durant un peu plus d'un demi siècle par la parenthèse plus ou moins socialiste/communiste et les guerres mondiales. C'est une forme de réaction mystique, nostalgique de l'expansion des premiers siècles et de la haute culture musulmane, devant la perte de vitesse et le dépassement dans la course des civilisations par l'occident chrétien.
L'Afrique noire n'a pas connu autre chose au fond, et son islamisation progressive depuis la fin du communisme ne tient pas à autre chose qu'à ce travail de fausse mémoire, et de jalousie culturelle. N'oublions pas que les populations bantous par exemple ont colonisé l’Afrique vers le sud, sur une longue période, en massacrant aussi d'autres populations comme les pygmées, et en pratiquant largement l'esclavage, avant de se retrouver face à un autre colonisateur en Afrique du Sud au 19e siècle et de se retrouver perdant dans cette course à la domination, simplement pour un décalage technique et démographique. Il n'y a pas de cultures meilleures que d'autres !
Le danger de l'Islam se trouve bien dans l'expansion de ce ressentiment et le désir de revanche, qui certes instrumentalise le religieux mais sur la base d'un texte très favorable à cette instrumentalisation.
C'est dans ce cadre que la démocratie n'est pas compatible avec cette projection de l'Islam, salafiste, qui s'était déjà bien répandu, mais qui est en train de "contaminer", si je puis dire, rapidement maintenant les mondes musulmans.
L'énergie de quelques penseurs, intellectuels, ou jeunes modernisés plus ou moins musulmans, à minimiser cette progression, à marteler les autres possibilités de l'Islam, pourrait paraître louable mais elle me semble illusoire.