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Le sujet du billet c'était non le politiquement correct comme le titre tend à nous en faire accroire, mais les discriminations à l'embauche. Saluons l'originalité du sujet totalement inattendu sur France Culture, et fermons les yeux sur l'expérience sociologique usée jusqu'à la corde mais dont le chroniqueur ne daigne pas nous donner la référence précise, du moins pas tout de suite. Dans le bref exposé on reconnaitra immédiatement une ruse d'enquête usée jusqu'à la fibre et dont on se demande quelle peut être encore sa valeur : l'envoi de courriers de candidature à des entreprises, chaque fois en double exemplaire dont l'un porte un nom neutre et l'autre un nom maghrébin.
Et voici les 3 idées :
- 1 : un test de candidatures envoyées à 40 entreprises montre que 12 pratiquent une discrimination (raciste, of course) [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13983-13.12.2016-ITEMA_21164072-0.mp3" debut="00:30" fin="00:55"]
- 2 : la bien-pensance est nécessaire quand elle permet de lutter contre le racisme, or cette lutte est elle-même nécessaire [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13983-13.12.2016-ITEMA_21164072-0.mp3" debut="01:22" fin="01:34"]
- 3 : dans les pays anglo-saxons, la discrimination à l'embauche est moindre, et le résultat en est une meilleure efficacité de l'économie britannique. [son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13983-13.12.2016-ITEMA_21164072-0.mp3" debut="01:33" fin="01:50"]
Commentaires :
- 12 entreprises sur 40, c'est 30 % nous claironne Erner qui pourtant dans ses premiers billets il y a de cela un an et trois mois
fustigeait la quantophrénie. Or voila un bel exemple de ce qu'il ne faut justement pas faire : avec des chiffres aussi bas, les pourcentages n'ont guère de sens. Seulement vous comprenez, les pourcentages ça donne une apparence scientifique. Or s'agit-il d'une expérience scientifique ? Eh bien de prime abord on n'en sait rien. En fait, de telles expériences traînent dans les journaux depuis une dizaine d'années, mais sur celle-là ou plutôt sur son cadrage méthodologique, Erner n'a pas le temps de s'attarder. On ne saura donc rien de la façon dont les variables perturbatrices auraient pu être neutralisées, rien sur le bouquet de biais que n'importe quel amateur peut imaginer pervertir l'expérience : le biais général par le choix des entreprises, par l'organisation de leur service RH, par l'état du recrutement, par la localisation relative des courriers, par la teneur de la requête du candidat : quels postes et métiers concernés (ou bien aucun), s'agit-il de candidatures spontanées ou de réponse à des offres d'emploi ? C'est quand même gênant (pour nous) cette impasse sur tant de variables potentielles qu'on pourrait éventuellement espérer tamisées ou lissées dans une expérience à grande échelle, mais certainement pas sur 40 entreprises, d'ailleurs on ne sait pas combien de candidatures ont été proposées par l'institution qui a réalisé ce test-piège.
- Par contre, dans les cas où la discrimination à l'embauche est avérée, la moindre des choses serait d'essayer d'en comprendre les raisons. Erner n'y va pas par quatre chemins : il les déclare d'emblée racistes. Pourtant, il pourrait tout d'abord se demander si ce faisant, l'entreprise opère son choix pour des raisons internes ou sous une pression externe (partenaires, clientèle, contraintes tactiques ou stratégiques), chose que sait faire le sociologue weberien mais Guillaume Erner est
weberien quand ça l'arrange,
bourdieusien quand il n'a pas envie de se fatiguer, et
boudonien quand il cherche à se donner des airs de vertu méthodologique pour clouer le bec aux auditeurs-internautes. Sauf que le boudonien qui saute directement à l'interprétation des conduites sans s'interroger sur les raisons, celui-là pratique rien moins qu'un déni de sociologie, un déni de méthodologie, et que ce procès d'intention est en fin de compte une façon de se torcher avec son propre doctorat.
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