2 posts plus haut j'avais introduit ma critique en signalant mon incrédulité : ce que j'avais entendu était tellement absurde que j'avais cru l'avoir inventé, par défaut d'attention. Mais non car c'est bien là, dans la troisième idée : Guillaume Erner nous affirme sans rire que la mixité ethnique favorise l'efficacité économique. Ce faisant il saute à pieds joints sur une mine que tout apprenti polémiste évite et que tout étudiant en sociologie apprend à désamorcer, surtout depuis que des journalistes en ont fait un de leurs tricks favoris : la confusion entre corrélation et causalité. A tel point d'ailleurs qu'ils emploient ce tour un peu n'importe comment et n'importe quand, preuve que nombre d'entre eux n'ont pas vraiment compris de quoi il retourne. En fait de corrélation, on n'en est pas encore tout à fait là, puisque Erner ne donne que peu de chiffres. Mais il annonce des tendances, et c'est sur un ton tout à fait catégorique qu'il pose comme établi un lien de causalité. Ce faisant il résoud en une seule ligne oui une seule je dis bien une seule, messieurs-mesdames (tambours) le problème de la reprise économique que notre pays attend impatiemment et vainement depuis qu'il est devenu raciste.
Qu'on y réfléchisse : c'est tout de même extraordinaire de se présenter un peu partout -et jusque sur ce forum- comme docteur en sociologie à fins de s'assurer une crédibilité, à fins également de museler le contradicteur en lui collant un bon coup d'argument d'autorité, et de ruiner ensuite cet effort en balançant de telles âneries. Je mets délibérément le mot au pluriel, parce que la matinale de Guillaume Erner (et pas seulement ses billets tissés de ricanement) prend un peu plus à chaque écoute l'apparence d'un gigantesque bétisier. Jusqu'ici la pole position des déballeurs de sornettes sur France Culture était détenue par Michel Onfray, mais avec les 3 billets de Guillaume Erner en ce début de semaine, Onfray a bien du souci à se faire (car lundi et mercredi dernier l'humeur de 6h58 c'est pas mal non plus dans le genre).
C'est seulement aux dernières secondes qu'on apprendra l'origine du test qui fait l'objet de cette chronique : il a été réalisé (ou commandé ?) par le Ministère du Travail, dont la compétence scientifique et la neutralité ne sauraient être présentées comme cautions sans déclencher un gigantesque éclat de rire. Pourquoi ne pas l'avoir dit dès le début de la chronique ? Une telle information aurait certainement évité à plus d'un auditeur d'avancer dans le brouillard. Mais justement, Erner n'est absolument pas soucieux de se montrer franc-jeu. Il donne une information capitale en fin de démonstration, quand un certain nombre d'idées fausses ont déjà été enregistrées par l'auditeur. Et comme tout le monde n'a pas le temps ni la volonté de placer sous microscope un billet radiophonique quotidien, on peut redouter que l'imposture intellectuelle mitonnée sous couvert(cle) d'intérêt général par Guillaume Erner, atteigne son objectif.
Vient enfin la dernière idée, celle que j'avais baptisée 3' : Erner déplore que les noms de ces entreprises criminelles ne soient pas publiés, car pour faire changer la société dit-il, le meilleur moyen est de faire honte aux gens.
[son mp3="http://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13983-13.12.2016-ITEMA_21164072-0.mp3" debut="01:58" fin="02:13"]
Il y a de quoi être surpris par le mélange entre morale et vérité : "la bien pensance ça n'est pas faux", nous dit Guillaume Erner. Soit cette rédaction sent l'urgence, soit l'auteur est complètement idiot ou bien drogué à la même moraline dont il se conduit ici en dealer.
Reste que derechef, l'auditeur tombe de sa chaise : vous êtes bien sur France Culture, dont le projet consiste à changer la société par l'intimidation morale. C'est dit explicitement, mot pour mot ou quasi, dans les dernières secondes de cette chronique. Faut-il comprendre que pour mieux faire honte à ses contemporains, Guillaume Erner choisit d'affronter la honte qui attend l'imposteur ?
De tout cela que conclure : d'abord et avant tout, que prétendre présenter la chose en 120 secondes c'est se foutre du monde. Ensuite que le projet de manipulation morale franchement annoncé a au moins l'avantage de la franchise. Conclure encore que cette sociologie canada-dry est imbuvable, infecte, et que Guillaume Erner ne mérite qu'une chose : que le texte intégral de ce billet soit communiqué à toute la profession et notamment circule dans son Université d'origine, où il donnera matière à un TD consacré aux erreurs de débutants dignes du bétisier de la maison.
Reste que pour l'auditeur soucieux de savoir quelle soupe on met dans sa gamelle, rien n'empêche d'essayer kamème de voir plus loin : si ce billet avec tout ce qu'il recèle d'inacceptable n'est que le Nième d'une longue série comme je suis prêt à le parier, ou bien le premier qui sera suivi de nombreuses récidives, alors on peut au moins y voir un indice non d'une entière liberté de son auteur, mais d'une entière dé-responsabilisation (atassion voila un mot qu'Erner ne saurait prononcer sans lui retirer un œil ou un doigt) de la direction de la chaîne. Il ne s'agit pas ici de liberté mais de la qualité du produit délivré à l'auditeur. Le billet d'hier avait déjà montré l'inanité du doctorat de sociologie sur la pertinence ou la qualité du travail de l'animateur à radio-France. Guillaume Erner qui n'a pourtant pas trouvé son doctorat dans un paquet de lessive, intervient sur France Culture non en tant que docteur en sociologie, mais en tant que propagandiste au service d'une famille idéologique, et à ce titre il reconnaît ici manier les tours de la bien-pensance, quand bien même il affirme le contraire quand il passe à la télé.
Dernière édition par Nessie le Jeu 15 Déc 2016, 22:27, édité 5 fois