L'entretien est bien plus intéressant que celui qu'en a fait
Caroline Broué jeudi dernier, mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est essentiellement à cause de sa durée. Car du côté de Laure Adler nous avons là une panoplie des erreurs à ne pas commettre :
- Comme tous les soirs ou presque, les questions de l'intervieweuse naviguent d'un extrême à l'autre sans jamais trouver ni d'ailleurs chercher le moyen terme ou la note juste : à un extrême nous avons la question interminable et pré-mâchée, plus qu'orientée, qui contient d'elle-même sa réponse et qui finalement n'en recueille une que parce qu'elle était tellement à côté de la plaque, que l'invitée reprend tout à zéro. Et à l'autre bout nous avons la question totalement creuse, celle de la totale paresse intellectuelle : "Pourquoi ? " ou "Comment ?" envoyée sans délai comme on le ferait d'une reprise de volée après la montée au filet, comme s'il s'agissait de clouer l'interlocuteur, de le cueillir sans le laisser respirer. De telles questions n'apportent rien, ne donnent même pas un axe de réponse et n'aident absolument pas l'invité. Elles ont le même effet qu'un vague encouragement (au mieux) à poursuivre, ou (au pire) une injonction plus ou moins comminatoire : "Continuez..." ou "Veuillez préciser s'il vous plait j'ai les moyens de vous faire parler !". Zéro travail et ambiance Quai des orfèvres, mais pas en orfèvre de l'interview.
- Mentionnée plus haut par Philaunet et ci-dessous pastillée, il y a la formidable faute de goût de la 30e minute quand la nunuche qui avait jusque là évité son habituel "Votre amoureux" pour mentionner l'époux de Monique Lévi-Strauss, ne peut toutefois éviter d'imiter cette dernière et de désigner le mari par son prénom seul : "Claude". A la suite de quoi reprenant la parole, l'invitée trahit sa gêne et rétablit la distance : elle attaque sa réponse en redonnant à son époux un nom complet "Claude Lévi-Strauss". On savait depuis longtemps que Laure Adler ne sait pas demeurer à sa place. En voila une confirmation. [son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2014/10/s44/NET_FC_3d092fc9-a6d0-4e33-8651-6b96b3568ac3.mp3" debut="29:24" fin="29:55"]
- Il y a les bourdes de la journaliste qui connait fichtrement bien son sujet : "vous avez vécu avec lui toutes ses expériences ethnographiques". Sauf qu'à proprement parler il n'y en a pas eu. Les voyages de CLS pendant sa vie d'après-guerre ne sont pas des expériences ethnographiques. C'est d'avant la guerre donc d'avant la rencontre que datent ses petites tournées dans le Mato Grosso, si elles sont authentiquement des expéditions de cette sorte. Laure Adler qui ne sait rien ne sait pas ça. On ne sait même pas ce qu'elle a pu retenir de la lecture de Tristes tropiques.
- A la fin de la 23e minute quand Laure Adler entreprend de lire un extrait du livre (sur la théorie des races), elle bute sur un mot et c'est excusable puisque c'est un mot inconnu d'elle et on se doute bien qu'il y aurait là de quoi remplir plusieurs dictionnaires. Sauf que ça trahit le manque de préparation : l'extrait devrait avoir été lu avant au moins une fois avec soin suivi d'une vérification du sens, pour clarifier ce mot douteux. Et si la recherche ne donne rien, au moins la familiarisation avec le terme aura eu lieu. Mais non rien de tout ça. Pas si professionnelle que ça hein Laura Delair.
- Il y a la détestable habitude des questions standard qui tombent quasi de façon réflexe quand le silence produit un appel d'air dans le cigare de Laura Delair. Résultat : en rupture complète avec le fil de la discussion, elle lâche alors un "Et qu'attendez-vous de la vie ?". Très approprié pour une invitée de 80 ans.
Il est temps de donner à cette piètre élève de Jacques Chancel la note qu'elle mérite : on lui met un 4 sur 20 et c'est bien généreux.