Je tiens à signaler une très remarquable série de l’émission éloge du savoir actuellement en cours. Ce sont des conférences sur
l’Université et la recherche en France, dans le cadre de l’Académie des Sciences morales et politiques, placée en 2009 sous la présidence de
Jean-Claude Casanova. Cette série fait suite à une série absolument fantastique sur le même sujet et dans le même cadre l’année dernière. Fasse le Ciel que les idées exprimées soient entendues par les autorités, et par cette frange de l’opinion toujours acquise à nos bonnes vieilles méthodes bureaucratiques!
Lundi 26 juillet
Conférence d’
Yves Michaud, homme aux multiples casquettes, bien connu des auditeurs de France Culture que Philippe Meyer a chassé de son équipe de l’esprit public, faisant ainsi baisser d’un cran le niveau de son émission.
L’ intervention d’
Yves Michaud qui portait sur
l’enseignement des beaux-arts était très critique. Les lieux où se dispense cet enseignement sont nombreux, divers et variés et il n’y a pas la moindre coordination (sept recherches sur le kitsch en même temps). Le niveau est faible, Yves Michaud avait lancé une collection, il l’a arrêtée, il en avait marre, toutes les recherches publiables venaient de l’étranger. Il y a des recherches correctes mais sous forme de thèses, les auteurs ne sont pas disposés réécrire leur travail sous une forme plus digeste. Le grand problème c’est la faiblesse des élèves, conséquence de l’absence de sélection. Ce qu’on fait à l’étranger est nettement meilleur et autrement plus inspiré. Heureusement, le Louvre invite les plus grands spécialistes mondiaux pour des conférences. Pourquoi France Culture ne rediffuse pas ces conférences ?
Yves Michaud n’est pas d’accord avec l’Institut du patrimoine, une sorte d’ENA, qui rigidifie le recrutement des conservateurs de musée. La conclusion mélancolique de l’exposé, c’est que finalement, si l’enseignement des beaux-arts laisse tant à désirer, c’est que les beaux-arts ne se portent pas bien.
Mardi 27 juillet
Exposé de
Christine Musselin, chercheuse à sciences po sur
les universités françaises d’Edgar Faure à nos joursChristine Musselin montre que l’université française est en pleine mutation, ce qui va contre les idées reçues. Il y a selon elle deux formes de réformes, les grandes, qui sont bien connues, qui ont été des succès relatifs ou des échecs. L’exemple est la grande réforme d’Edgar Faure qui instaurait une autonomie des universités qui n’a absolument pas eu lieu, et des réformes discrètes, inconnues du public qui font leur chemin, souterrainement. C’est bien optimiste et comme je n’ai pas tout compris, c’est un exposé que je devrais réécouter.
Mercredi 28 juillet
La médecine dans les universités et la recherche française aujourd’hui
par Philippe Even Philippe Even est un pneumologue qui a jeté un gros pavé dans la mare en contestant la notion de tabagisme passif. Il vient de faire paraître un ouvrage intitulé
la chute vertigineuse de la recherche. Le constat qu’il dresse est accablant pour la recherche française. Une véritable Berezina, qui contraste avec les bons résultats obtenus non seulement par les États-Unis mais par d’autres pays européens comme la Suisse ou le Royaume-Uni. Depuis plusieurs décennies, il n’y a pas eu de prix Nobel attribué à la France, à l’exception notable de celui obtenu par Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi. Les universités françaises ont un rang piteux dans la liste de Shanghaï, ça a été un coup de tonnerre et le faible nombre d'articles français cités dans les revues de référence corroborent ce profond déclin. La recherche de l’industrie pharmaceutique est totalement stérile. Il y a beaucoup de chercheurs mais très peu de chercheurs capables de faire avancer la science et ceux-là, la France les perd ou risque de les voir partir pour l’étranger. Pourquoi cette situation ? elle résulte d’un système aussi mal adapté que possible aux conditions actuelles de la recherche et qui ne s’est jamais remis en cause.
Jeudi 29 juillet
Jean-Pierre Bourguignon, directeur de l’IHES Institut des Hautes Études Scientifiques
Les mathématiques dans le système universitaire et scientifique français Ouf, enfin un domaine où ça va bien et même très bien. L’excellence française en mathématiques est une vieille tradition qui semble se porter fort bien. La France a les meilleurs mathématiciens du monde, qui recueillent les plus hautes distinctions, en outre non seulement ne les perd pas mais est capable d’attire sur son sol les meilleurs mathématiciens des autres pays. Un vrai miracle !
Vendredi 30 juillet
Libertés universitaires
par
Olivier Beau J'ai shunté.
Lundi 2 août
Le modèle universitaire suisse et le modèle universitaire français par
Robert Kopp Professeur de littérature française à Bâle, Directeur de l’
Institut für französische Sprache und Literaturwissenschaft.
Sur un ton très alerte
Robert Kopp brosse un tableau du système universitaire suisse, heureuse Suisse. La Suisse ignore l’université de masse. La Confédération a un taux de bacheliers qui varie selon les cantons mais qui ne dépasse pas les 20%. Cela n’entraîne aucune frustration, bien au contraire, il y a dans le pays un système d’apprentissage très avantageux qui fonctionne très bien. Pas besoin d’aller user ses fonds de culotte dans les facs pour entendre des discours oiseux, mieux vaut acquérir une formation professionnelle solide et gagner sa vie, c’est ce que pensent une majorité d’Helvètes. Les universités sont cantonales, le système est donc très décentralisé. Très peu d’institutions dépendent de Berne, parmi elles, le fameux Politeknikum de Zurich. L’université répond au modèle humboltien avec prééminence de la recherche mais tend parfois à s’en écarter. Les enseignants-chercheurs ne sont pas des fonctionnaires, ils sont engagés dans le cadre de projets. Les évaluations sont systématiques, toujours internationales et les recrutements de professeurs toujours internationaux. Si je comprends bien ce que dit le Professeur Kopp, les conditions sont réunies pour l’excellence et on n’ose imaginer en quels termes un syndicaliste français en parlerait...
Mardi 3 août
Philippe KourilskyPhilippe Kourilsky est un immunologiste qui a dirigé l’Institut Pasteur de 2000 à 2005. En des termes sévères, un peu moins dramatiques cependant que ceux de
Philippe Even il dénonce l’état absolument déplorable de la recherche française en biologie.
Philippe Kourilsky a un évident tropisme asiatique, il a fondé des Instituts Pasteur à Singapour et en Corée. De toute évidence, l’efficacité de ces pays le fascine.