Forum des auditeurs passionnés et critiques de France Culture

Sorbonne, SciencesPo, CNRS, EHESS, etc, FC s'entoure des plus prestigieux intervenants pour le moindre sujet. Le diplôme garantit la pertinence de l'analyse, sa justesse.
Bon exemple ce matin. Erner a décidé de consacrer 40 minutes à l'inceste et s'est entouré de deux spécialistes du sujet, un avocat et une historienne, Fabienne Giuliani. Première question à l'historienne: "Comment fait-on pour travailler sur ce sujet?" Elle est interloquée, on le serait à moins,  puis nous raconte l'histoire de l'inceste depuis le XVIIIe siècle. Erner, lui, veut montrer qu'il a travaillé le sujet et remonte au concile de Latran IV de 1215, qui a interdit l'inceste "ce qui rendait extrêmement difficile le mariage aux familles royales." Ah bon? Outre que l'inceste ne s'appliquait pas aux cousins,  et que l'Église distribuait des dispenses à foison, on aimerait des exemples. Madame Giuliani continue et on arrive à la 16ème minute où elle nous apprend que le fils de Philippe de Villiers a accusé son père d'avoir abusé de lui, qu'il n'y a pas eu de procès (elle n'en est pas certaine), que tout s'est réglé en famille [son mp3="https://media.radiofrance-podcast.net/podcast09/13983-08.01.2021-ITEMA_22535946-2021C16450S0008.mp3" debut="16:01" fin="16:55"]. On espère qu'elle a un bon avocat. En fait, un des fils de PdV a accusé son frère plus âgé de l'avoir violé pendant des années. Il a déposé plainte et a été débouté en première instance, appel et cassation, bien que, dans ce dernier cas, le procureur et l'avocat de la défense (!) aient reconnu qu'il y avait eu atteinte sexuelle. La famille a juste tout fait pour étouffer l'affaire. Erner n'était même pas au courant de cette affaire qui a fait grand bruit il y a dix ans. Donc une historienne, qui un peu plus tard, nous dit qu'elle n'a pas le droit de parler d'affaires récentes (pendant 100 ans) peut asséner (de bonne foi sans doute) une telle contre-vérité contre un homme politique. Je serais P. de Villiers (que la Très Sainte Vierge m'en garde), j'exigerais un droit de réponse à l'antenne, protesterais auprès du CSA et si j'étais méchant entamerais des poursuites. Ainsi vont l'information et la connaissance sous la houlette de G. Erner.

Hier dans le journal de 12 h 30 et ce matin, dans celui de 7 h, on peut entendre FC nous parler de "l'empoisonnement présumé" d'Alexei Navalny.
"Empoisonnement présumé" ! Vraiment ? Alors les services secrets allemands, français, suédois, américains se sont trompés, les ministres des affaires étrangères de ces pays ont donc tout faux. A. Merkel s'est fait manipuler? Il faut aller sur RT, Sputnik ou sur des sites émargeant au Kremlin (on présume) pour trouver la même expression accompagnée du raisonnement suivant:  Navalny s'est auto-empoisonné avec la complicité des services secrets occidentaux qui ont obligé (on y croit) les Russes à leur livrer l'opposant moribond (quel acteur!) pour le soigner à Berlin. La composition et même le nom du poison découverts? Fadaises. La dénonciation du commando suivant Navalny avec la correspondante de NBC allant même trouver un des membres chez lui. De la mise en scène.
On en revient au "présumé empoisonnement " de FC. D'habitude on parle de présumé coupable, ou de coupable présumé innocent. Ici, vu par la fine équipe d'Erner, c'est la victime, passée à deux doigts de la mort, qui après plusieurs mois de récupérations qui est réduite au qualificatif de "présumée victime".
On n'est jamais trop prudent sur FC. D'ailleurs la nouvelle de l'arrestation de Navalny à son arrivée à Moscou est traitée avec discrétion, en quelques secondes. On suppose que ce politicien plutôt à droite est présumé coupable, voire coupable, puisqu'il n'a pas respecté les termes de sa liberté sous conditions (datant de 2014) nous disent la justice russe et FC. Mais Navalny est de droite, on ne va quand même pas perdre son temps avec un type de droite. Les Droits de l'homme sont un concept de gauche essentiellement applicable aux gens de gauche (idée qui pourrait faire l'objet d'une émission sur FC avec des exemples pris en Amérique du Sud par exemple, en Biélorussie, Russie, l'inénarrable Tchétchénie, etc).

Bénédicte Robin présente en vitesse le journal de 7 heures. On apprend de cette nouvelle venue dans cette fonction qu'Amsterdam est la capitale des Pays-Bas. Lorsqu'elle donne les résultats des élections présidentielles portugaises, elle s'arrête à peine à la nette victoire dès le Ier tour du candidat centre/centre droit sortant. Jeudi dernier, nous avions eu droit à une longue correspondance angoissée de Lisbonne sur le danger du candidat d'extrême-droite qui arriverait sans doute second et forcerait le pays à un second tour. Ce matin, BR ne nous donne même pas les résultats de ce populiste, arrivé troisième  avec même pas 12%, derrière la candidate socialiste. Dans un pays où Marine Le Pen fait 22% au premier tour et s'impose au second, il était presque touchant de constater ces préoccupations pour l'état de l'opinion de nos voisins européens. En fait, c'était juste pour faire un peu plus peur.
On pourrait rêver d'entendre FC, disposant de plus de temps (il suffit de le vouloir, Madame Treiner) et en principe de plus de recul, traiter chaque sujet en profondeur et en assurer le suivi. Mais c'est un rêve… Bourdes et superficialité, Bénédicte Robin est une excellente recrue, digne de l'équipe Erner.

Vendredi matin, journal vers 7 h 40. Après des considérations humoristiques et pas très drôles , comme d'habitude, de G. Erner sur les Français et les "supermarchés", long, comment dire, entretien, reportage, montage, mise en ondes, du témoignage d'une femme jadis violée (peut-être, peut-être pas) par son oncle. Nous avons droit au récit dynamique, presque surjoué, de ce qu'a enduré cette enfant, puis adolescente. Ce qui est troublant est que tout ce que l'on entend habituellement à travers le discours actuel des associations est  ici réuni: l'enfant se sent "salie" après les questions de la police, "salie" après les questions d 'une juge qui lui demande "pourquoi n'avez-vous pas dit non"? L'enfant a été soutenue dès le premier instant par ses parents , mais , malgré cela, malgré cette "parole libératrice" nous répète-t-on ailleurs, a ensuite été en révolte, a connu l'alcoolisme et les désordres alimentaires, n'a pas fait d'études, etc. La parole de cette personne est parfaite. Aucune hésitation. Rien n'y manque, même pas une illustration musicale quand elle parle d'un disque de Jane Manson (!). Pas un instant, ne nous est demandé  la moindre réflexion.  Pourquoi, par exemple, une juge qui n'a pas à prendre ce récit d'une adolescente pour la vérité, pose  cette question jugée blessante. Nous sommes sommés d'écouter ce cas censé résumer tous les cas. À moins que ce ne soit le début d'une rubrique, à la manière du feuilletonage du Monde ou de Médiapart.
N'a-t-on pas envie d'écouter sur FC autre chose que ce  témoignage légèrement racoleur ainsi présenté par Cécile de Kervasdoué?

Philaunet(https://regardfc.1fr1.net/t94p1070-les-journaux-et-la-redaction-de-fc#36633) a écrit: (...) Le sujet est traité de diverses manières : la mise en forme d'un témoignage ; une discussion chez Marc Weitzmann, par exemple.

Pour conclure, notez qu'un des producteurs de France Culture s'est récemment exprimé dans un clip vidéo où il présente un récit de même nature que celui de la jeune femme. La directrice l'a assuré de son soutien.

Le problème est en partie là: la "mise en scène d'un témoignage". On sait que dans ces domaines délicats, douloureux, les témoignages sont souvent à prendre avec précaution. Ici, on le "met en scène", on l'enjolive même, ce qui est une forme de manipulation.
Par ailleurs, l'auditeur reçoit ce témoignage et n'est pas censé savoir qu'il doit se reporter à d'autres émissions pour être mieux éclairé ou avoir forcément envie de le faire. C'est une tendance  dans le traitement de l'information par FC, renvoyer à des podcasts, d'autres programmes, le site de la station, voire l'édition papier (ça existe encore?). C'est du journalisme aisé, du journalisme de sampling (échantillon) qui joue sur la disponibilité de temps supposée des auditeurs. Concrètement, ces journaux  matinaux sont écoutés par des gens qui ont autre chose à faire que d'aller grappiller l'information: se rendre à leur travail, voire, s'ils ont le temps aller sur d'autres médias pour se construire une opinion propre plutôt que de plonger dans le système informatif de FC, orienté comme on le sait.

Journal de 12 h 30. Une bonne nouvelle annoncée par Olivia Gesbert: le PR a assuré que tous les Français seraient vaccinés d'ici l'été prochain. Thomas Cluzel ne va pas laisser passer une bonne nouvelle sans réagir. L'artiste en "néanmoins", "cependant", "en revanche" ,"ceci dit", "ceci fait",  met immédiatement un bémol: cela n'empêchera pas un reconfinement prochain éventuel. Ça n'a aucun rapport, mais il fallait le dire.
Suit une intervention d'un responsable de Greenpeace sur un jugement du tribunal administratif de Paris au sujet de l'inaction supposée de l'État dans le domaine climatique.  Bruits de bouchons de champagne qui sautent dans le studio, enfin presque. Ce jugement "sanctionne lourdement " l'État nous dit, tout heureux,  ce monsieur après qu'il ait été précisé à l'antenne, trente secondes plus tôt, que le tribunal se donnait deux mois pour décider d'une sanction éventuelle.  Aucune réaction de Thomas Cluzel. Et bien sûr, personne ne parle de la possibilité d'appel que se réserve l'État…
Arrive enfin le grand entretien du jour avec un "chercheur-militant"  (?) d'une ONG de plus et dont on ne comprend même pas le nom. Ce Martin Pigeon nous déballe en vrac toutes les récriminations de son organisation. À nous de trier. Il parle, s'ébroue, se disperse, revient sur son sujet, repart sur un autre, c'est la confusion totale. On a l'impression que les droits intellectuels sur les vaccins sont plus importants que les vaccins et, bien sûr, que la Commission européenne est aux mains des lobbies (même si elle paye en fait ses vaccins nettement moins cher que les USA, un détail sans doute) . Thomas Cluzel laisse s'écouler cette logorrhée, ne pose aucune question et ne l'interrompt qu'une fois en s'excusant. On comprend vaguement que Martin Pigeon n'est pas content, qu'il aurait préféré des vaccins offerts à tous, partout, tout le temps, que les labos ce n'est pas bien, etc. C'était sans doute le message à faire passer.

Journal de 7h 30. Erner reçoit la star de la presse de caniveau à la française, la chevalière blanche des causes fabriquées, Ariane Chemin. Il n'est pas question ici de défendre O. Duhamel et ses turpitudes criminelles. En revanche, cet acharnement aujourd'hui réorienté sur le pauvre Frédéric Mion (dir. SciencesPo Paris) donne l'impression d'avoir les oreilles salies. Pour Chemin, Duhamel n'était pas sympathique, il en imposait, il était le mâle. Chemin se transforme maintenant  en témoin de moralité, même si, de son propre aveu, elle ne l'a rencontré qu'une fois. Mais ceci ne va pas l'empêcher de porter des jugements  sur le personnage et de défendre le livre de la courageuse Camille Kouchner qui a révélé à quel point sa famille avait été brisée par les actes délictuels de son beau-père (et brisée à jamais, y compris la nouvelle génération, par ce livre, mais ceci est une autre histoire qui n'intéresse pas l'enquêtrice Chemin). Elle nous parle du club Le SIècle jugé "ringard" montrant simplement qu'elle n'y est jamais allée et que sa vision de concierge ou de comptoir n'est peut-être pas pertinente dans le cas de ce club, qu'on l'apprécie ou pas. La Révolution française nous a apporté la liberté de réunion et d'association, faut-il le rappeler? Mion est à son tour jugé et exécuté. France Culture l'avait reçu l'an passé, je crois, il semble invraisemblable qu'Erner ait envie de l'interroger. Avoir l'avis , le témoignage, des coupables désignés, et quoi encore? On en fait un être falot, un menteur, un dissimulateur, le jouet d'OD, le mot de complice n'a pas été prononcé, mais un témoignage d'un représentant de l'UNEF dénonçant les atteintes sexuelles protégées par l'institution de SciencesPo le fait penser très fort. Que le crime de Duhamel se soit déroulé il y a quarante ans et relève de la sphère privée n'effleure pas ce syndicaliste, bien entendu.

On enchaine sur l'affaire des IEP de province. Kervasdoué, envoyée spéciale à Toulouse, nous donne l'impression que l'IEP local était un club échangiste, que l'on y organisait des "orgies" sous l'œil complaisant de la direction des IEP et de SciencesPo Paris. L'amalgame absolu. On ne sait plus très bien de quoi on parle, s'il y a des plaintes précises ou pas, on ne sait pas qui parle, mais c'est le "patriarcat" qui est responsable. Il faut l'abattre.

Puis vient l'annonce de l'ouverture des débats au Parlement sur la loi sur le climat issue de la fameuse "Convention citoyenne sur le climat" (CC). Une fois encore, rien, absolument rien n'est dit du texte et la parole est exclusivement donnée à ses adversaires qui le jugent insuffisant, comme on pouvait s'y attendre, avec une envolée du enfin célèbre (il y a tant travaillé) Mathieu Orphelin, ex bras-droit de Hulot, c'est tout dire. Autre intervenant, un membre de la CC, Sylvain Burquier, présenté comme un "citoyen" (ça fleure bon la Révolution) est en réalité un publicitaire qui a décidé d'entrer en politique et connaît déjà quelques ficelles. Il proteste, il pense très fort que la CC n'a servi à rien (là on est assez d'accord avec lui) et on a envie de lui dire que rien ne l'obligeait à se laisser piéger et que rien ne l'oblige à défendre encore les mesures extrêmes inacceptables par les Français en général et les Gilets Jaunes en particulier, proposées sans la moindre évaluation financière, que proposait la dite CC. De ce texte, on ne saura rien si ce n'est qu'il  ne plaît pas à EELV, ni aux membres de la CC (tous?). Et si on nous expliquait clairement ce qu'il contient  et ce qu'il ne contient pas? Ce serait… du journalisme ?

Suite dans le journal de 12h30. Le grand sujet est à nouveau Sciencesporc. Les IEP sont présentés comme le second cercle de l'enfer de Dante: ce sont des lupanars, mesdames et messieurs!  Une étudiante nous précise que "les mecs font ce qu'ils veulent, surtout ceux qui ont un capital économique et social important" (au moins on y apprend aussi son Bourdieu). Thomas Cluzel parle de scandale "vertigineux", deux fois, affirmant que les plaintes se multiplient: en fait une, peut-être trois après cette ouverture en fanfare.
Même non-présentation de la loi climat avec d'autres interlocuteurs qui tiennent absolument à ce que la Convention ait la préséance sur le Parlement. Cécile Duflot nous annonce que "tout ça doit changer, avec un président écolo, un premier ministre écolo, un gouvernement écolo,  tout ça changera". encore une qui n'a pas entendu parler du tous ensemble à gauche, et encore moins de cohabitation.
Seul nouvelle positive, une modification de la loi sur les atteintes sexuelles aux enfants préparée place Vendôme et approuvée avec des explications claires par la présidente de l'association L'Enfant bleu.

Ce sont des détails, mais significatifs du manque de sérieux de beaucoup de journalistes de la station.

La ministre de la Culture propose que les festivals de l'été se tiennent avec une jauge de 5000 personnes maximum, assises et espacées. Pour la journaliste : "Comment accepter une jauge de 5000 personnes quand on en reçoit d'habitude 100 000!". Elle confond tout simplement spectacle et festival, mais c'est un argument contre la mesure donc tout est bon. Commentaire personnel: festival de Marciac : tente de 5000 places, jauge réduite pour espacement à 3500/4000. C'est certainement mieux que rien, mais non, il faut tout voir selon un prisme critique négatif.

Plus tard, on nous parle de la bibliothèque de 100 000 volumes d'Umberto Eco. Elle est offerte pour 99 ans à la Bibliothèque de Bologne "… ses 35 000 volumes etc". Il faut attendre la fin de l'intervention pour apprendre  que les plus beaux livres seront vendus à une bibliothèque de Milan. Combien d 'exemplaires? 65 000 plus beaux livres?  On ne le saura pas, même si c'est  probablement dans toute la presse italienne… On nous dit que ces livres seront numérisés, sans doute pas car la plupart sont des ouvrages du commerce déjà possédés et donc numérisés par toutes les grandes bibliothèques italiennes. On demande une rédaction en chef. En ce moment on a l'impression de plus en plus forte que chaque journaliste fait son petit numéro personnel. L'équipe est réduite, les vrais spécialistes peu nombreux, la personnalisation prime sur l'information, on se  salue sans cesse, se remercie en direct…