La création radiophonique ? On s'en tape. La radio, robinet actu/promo. Les auditeurs ne sont pas capables de plus d'attention, parce que Radio France les conditionne pour qu'ils gobent du superficiel vite écouté vite jeté.
Article
Télérama du 12 juin, une annonce tout à fait attendue, dans la logique des choses. La création radio, à force de ne ressembler à presque rien, va être amputée du peu qui lui restait. L'article se lamente, mais comme c'est Télérama, certains éléments ont été passés sous silence.
"À France Culture, protestations contre le passage de “L’Expérience” en podcast"
Protestation des auteurs-maison seulement. Pour les auditeurs, ceux qu'il reste, la mobilisation est forte. Précision : les auditeurs sont aussi les auteurs-maison qui s'écoutent entre eux, et encore ce n'est pas prouvé. Mais quand faut défendre son bif', la mobilisation est toujours forte. Force T. La force T, c'est une force qui ne mobilise que Télérama.
Si ça se trouve, l'année prochaine, l'extinction des feux des programmes sera pour 21h, donc tout ce qui dépasse actuellement sera amputé, pour laisser place à encore plus de rediff' du jour.
"Ce laboratoire d’écriture sonore sera retirée de l’antenne à la rentrée. Plus de deux cents auteurs, réalisateurs et auditeurs, dont la cinéaste Alice Diop et l’écrivaine Chloé Delaume, ont écrit à la direction de la station pour protester."
Les auteurs qui vivaient de cette case intime, mais très popo & litique, sont aux premières loges. Les deux auteurs sus-cités sont les figures de proue de ce grand mouvement de protestation dans un tout p'tit monde téléramo-franceculturé.
Le terme "laboratoire sonore" est publicitaire. Ce n'est pas un labo, et le son est souvent bien dégueu. Des reportages, des vies intimes dont on se tape comme de l'an quarante, mais pour rattraper disons qu'elles sont aussi popolitiques, ça emballe le tout pour le gogo qui ose écouter le labo.
"l’émission deviendra pode & caste natte & tif et les épisodes de la saison seront diffusés l’été suivant"
Traduction : la diffusion à l'antenne visait un nombre d'auditeurs tellement considérables, que ça valait plus la peine. Mais surtout, oui, surtout, cela permet de produire beaucoup moins, et d'économiser un max, tout en rentrant de justesse dans le cahier des charges qui oblige à des programmes de création.
Foutu cahier. Article 3 : "blablabla mise en valeur du patrimoine et bliblibli enrichissement blublublu créations radiophoniques"
Bon, pour le patrimoine, c'est vraiment limite, mais pour la création aussi, alors tout va bien, de toute façon tout le monde s'en fout.
"Pour beaucoup, L’Expérience est l’héritière d’émissions mythiques de la station comme les Ateliers de création radiophonique d’Alain Trutat, Les nuits magnétiques et Surpris par la nuit d’Alain Veinstein etc..."
Beaucoup ? C'est un peu vague... Pour préciser, limitons ce beaucoup aux seuls signataires de la bafouille.
Pour l'héritage, disons seulement qu'il s'est appauvri au fil du temps, et que passer d'un ACR à une "Expérience" (boudiou quel titre pompeux et creux), c'est comme passer d'un 4 étoiles à un restau U.
Non pas que les ACR de l'époque Trutat/Farabet aient été tous réussis, mais il y avait une richesse sonore, un art du montage qui s'est énormément appauvri, alors que le magnétique est à priori plus complexe à manier qu'un Audacity.
Pourquoi ? Manque d'idée (hors de la popo & de la litique & de l'intime, point de salut) et comme postulat que l'auditeur est un con et qu'il faut tout lui expliquer. Que voulez-vous faire de potable avec une ligne pareille ?
« Nous n’avons rien contre le podcast, bien au contraire, poursuivent les signataires. Mais quid de l’éducation populaire, de cette radio, qui, allumée au hasard, nous laisse pénétrer dans un univers inconnu et nous nourrit ? »
Il fallait y penser plus tôt. C'est la notion même de service public telle que définie ici qui a été bousillée, bien avant cette annonce de suppression. Les auteurs mis en avant ont tellement bouffé la grille de France Cu, tellement pointé dans un peu toutes les émissions, se sont tellement incrustées qu'elles pensent qu'elles sont les seules garantes de la création radio du service public.
Non, depuis bien longtemps, lorsqu'on allume France Cu, à n'importe quelle heure, sauf la nuit (et encore... la ligne gé du jour est en train de l'engloutir), on ne pénètre aucun univers inconnu. Non, on ratisse toujours les mêmes thèmes : anticapitalisme, féminisme & lutte contre le patriarcat, sauver la planète, les injustices sociales diverses & variées, et c'est à peu près tout, les exceptions sont rares. Les univers inconnus se sont faits la malle depuis belle lurette.
« Politiquement et surtout aujourd’hui, il nous semble important de pouvoir tomber par hasard sur des choses qu’on ne connaît pas, vers lesquelles on ne serait pas allé »
En dehors de la popo & la lique, vous voyez autre chose vous ? Bin eux les auteurs à France Cu, non.
Appeler à lutter contre la disparition de ce qui a déjà disparu, c'est un peu prendre les gens pour des.
Pas grave, France Cu travaille depuis des années pour que plus personne ne se mobilise pour la création radio. D'ailleurs, cette disparition partielle ne nous attriste pas. Qui écoutait ce truc ?
Certains ACR des années 70/80/90 (merci les Nuits, en tout cas ce qu'il en reste) nous font mesurer la nullité qui s'est abattue sur l'Expérience. Combien de réussites depuis 5 ans ? Une, deux, trois ? Ou carrément zéro ? Comparons avec certains ACR. C'est pitié.
"Avec le tout-podcast, France Culture prend ainsi le risque de ne parler qu’aux aficionados de L’Expérience…"
Il y en a ? À part les auteurs qui ont signé la lettre de protestation, qui ? Vous voyez une mobilisation d'auditeurs, vous ?
Pour l'instant, non. Tout a été fait pour qu'il n'y en ait plus. Cette émission s'adresse à un cleub fermé, les aficionados sont les auteurs eux-mêmes.
« À chaque fois qu’une case disparaît, c’est autant d’auteurs et autrices pourtant déjà extrêmement précaires qui perdent un peu plus de leur possibilité de vivre de leur travail »
Là c'est plus clair, ce n'est pas une histoire de sauvetage de service public, mais de pognon. La mise en avant de tous ces arguments bidons, c'était pour masquer l'essentiel, une chute de revenus pour les auteurs.
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Avis aux aficionados.