Antoine Arnoux a écrit:Nul n'ignore combien France Inculture, sa direction, sa rédaction et ses producteurs se flattent d'observer la plus scrupuleuse neutralité. Cette chaîne publique veille en effet à ne pas prendre parti. Ainsi, sur son site de l'Internet, vient de paraître ceci : « Des réalisateurs, des comédiens, des scénaristes* de plusieurs pays européens ont lancé une pétition de soutien a à [sic] l'écrivain italien Erri de Luca (...). Ils n'acceptent pas qu'un "écrivain soit poursuivi pour ses mots"**. (...) En défenseurs de la liberté d’expression, nous n’acceptons pas qu’un écrivain soit poursuivi pour ses mots.*****»
(...)
**Les signataires accepteraient-ils qu'une personne (qui ne se déclarerait point « écrivain » ou qui ne serait pas tenue pour « écrivain ») fût « poursuivi[e] pour ses mots » ? A quoi les écrivains devraient-ils cet exorbitant privilège ?
(...)
*****Ces « citoyens du monde » ne tendent-ils point à n'invoquer ce beau principe qu'en faveur des « écrivains » dont ils partagent l'opinion politique ? Bergson dans Les deux sources de la morale et de la religion aime à répéter : « N'écoutez pas ce qu'ils disent, regardez ce qu'ils font » (Descartes dans son Discours de la méthode remarque quant à lui que : « (…) pour savoir quelles étaient leurs opinions, je devais plutôt prendre garde à ce qu'ils pratiquaient qu'à ce qu'ils disaient »).
http://www.franceculture.fr/2015-10-08-erri-de-luca-le-cinema-europeen-lance-une-petition-de-soutien
Grand merci Antoine Arnoux pour l'ensemble de la contribution ci-dessus. Vos propos toujours aussi pertinents m'en rappellent d'autres, plus récents, qui intéressent France Culture.
Pascal Ory a été l'un des invités les plus présents dans les émissions de France Culture (le reste-t-il, son nom ne m'a pas frappé ces derniers temps). Il était hier à Strasbourg pour une rencontre-débat sur le livre « Le dossier Rebatet » (cf. page 19 de la brochure Conversations Octobre 2015), livre dont il est le préfacier.
Pascal Ory a glissé une incise qui correspond à votre observation : il y a eu une pétition d'écrivains pour sauver Rebatet (ne venant pas tous forcément de son bord politique), écrivain-pamphlétaire dont la condamnation à mort a été commuée en prison à perpétuité, avant qu'intervienne plus tard la grâce présidentielle. Mais en vertu de quoi un écrivain pourrait-il bénéficier d'un soutien si, selon Ory, le statut particulier qui lui est généralement attribué du fait des valeurs et des principes qu'il transmet est remis en cause par la nature de ses propos (ici l'appel au meurtre des juifs en tant qu'individus et communauté) ? Pascal Ory a ajouté que le fait d'être écrivain ne conférait pas un droit d'exemption à la loi commune.
C'est le contraire qu'affirment les pétitionnaires en laissant entendre qu'à partir du moment où une personne a son nom sur la couverture d'un livre, elle devrait être intouchable, quels que soient les mots imprimés sur ledit livre ou exprimés dans une interview.
Il est évident que la question se discute en fonction du régime politique dans lequel vit l'écrivain, mais pour revenir à Erri de Luca, je me demande avec vous si les pétitionnaires auraient montré la même détermination dans la défense de la liberté d'expression si cet écrivain-ci n'avait pas été d'extrême-gauche .
Enfin, il semble que France Culture soit en ce moment dans la veine "défense et illustration de la lutte armée des années 1970" puisque après les propos de Cesare Battisti (« Pas d'autre choix que la lutte armée ») reproduits sur le site, on nous annonce une émission sur la Fraction Armée Rouge, autrement appelée Bande à Baader.
Le mot « résistance », un des mantras récités à l'antenne, se décline sous de nombreuses formes à France Culture.