Franchement pénible hier, mais révélateur : c'est à Hubert Huertas que Jérôme Bouvier demande de s'expliquer, après que des auditeurs se sont dits choqués par les mots employés au journal de FC pour rendre compte d'un fait divers sanglant. Hubert qui est venu aujourd'hui en habit de Bourgeois de Calais ouvre sa réponse par un "oui c'est un problème sensible".
Amusant, ça : non Hubert c'est pas le problème qui est sensible, ce sont les auditeurs. Ah comment ? C'est une façon de parler, c'est juste une habitude de l'usage ? Mais justement voyez-vous Huertas, dans un métier où les mots sont un matériau de base et se retrouvent au coeur de ce qu'on produit et donc de ce qu'on offre, eh bien oui il faut se soucier d'employer le mot juste, se méfier des licences, se garder des usages flous et des images surtout si elles font de l'effet. Car une image qui fait de l'effet, eh bien pour reprendre un trait de Godard, "c'est pas une image juste c'est juste une image". Or à France Culture et plus particulièrement au journal, on abuse couramment des images et des imprécisions et finalement que ce soit pour faire genre ou par paresse, on dit n'importe quoi, ou pire : on croit dire quelque chose mais on en dit une autre. Notez que là, l'auditeur qui voudrait être informé et non diverti ou manoeuvré, il n'en est plus à réclamer une correction de la forme, une syntaxe orthodoxe, une prononciation oh juste un peu moins relâchée : avec le langage flou ou imagé ce qui est en cause c'est bien la sémantique du message.
Et justement, quel sens ça peut avoir la réponse de Huertas qui croit parler des mots, alors que ce qui fait problème, ce sont les choses ? Car en l'occurrence ce qui a fait mal aux auditeurs c'est pas tant la force des mots employés dans le traitement du fait divers, mais c'est qu'on ait choisi de fournir des éléments précis et parlants d'eux-mêmes (quels que soient les mots) sur la mort de la jeune femme et sur le traitement infligé à son corps. Pour autant, sur la question du fait divers sensationnel et de son exploitation au journal, non seulement Huertas fait amende honorable, mais il tente de justifier la doctrine de sa Rédaction. Au moins il manifeste une vraie conscience et un vrai souci du métier. On se prend à rêver qu'il en fasse autant pour sa spécialité qui, hélas, est le journalisme politique, et où lui-même raconte n'importe usuellement quoi pourvu que ça nourrisse ses choix idéologiques.
Dans la seconde critique reçue il s'effondre, probablement sans le savoir : oui on a utilisé l'expression de "bébé-médicament" oui on a eu tort, mais voila on ne connaissait pas le terme comme on n'est pas spécialistes et on l'a employé quand même. En clair : "quand on comprend pas on répète". L'auditeur aura bien du mal à démêler ce qui ressortit à l'incompétence et ce qui est du flagrant délit d'impréparation, ou alors ce qui n'excuse rien de la première mais justifie la seconde : on travaille sous pression, on peut pas tout vérifier, comprenez-nous. Ben non vous vérifiez pas tout, mais c'est pas grave, car il n'y a pas que le manque de vérification qui fait de l'info mal foutue : le pire c'est le manque de conscience de ce qu'on raconte. Et tout ça se raconte à la même table qu'Antoine Mercier qui a rendu compte du même événement. Mais lui a préféré recourir à un tour de prudence rhétorique "ce qu'on appelle un bébé-médicament". C'est qu'il y a des journalistes qui, tout en prétendant ne pas faire du sensationnel, s'emploient à relayer ce qui peut impressionner les esprits. Et puis il y en a qui savent se méfier des mots et prendre des précautions. Entre Huertas et Mercier, je vous laisse décider qui des deux a eu ce talent-là.
En troisième sujet : l'expression "think tank" est combattue par Bouvier et tout autant par Huertas au nom de la lutte contre l'usage des anglicismes. On ne se prive pas de taxe de snobisme. Ah bon en 2011 c'est snob de mettre de l'anglais dans le français ? En recourant à cette scie argumentaire, Huertas n'a que 50 ans de retard. Là encore il faudra l'intervention de Mercier pour signaler que le mot n'est pas strictement synonyme de ceux que les deux autres proposent : ni de "groupe de réflexion" ni de "club" (mot très français comme chacun sait). Mais en passant personne ne dira que la prononciation à la Louise Tourret "Sink tank" est à la fois un cuir et un monstre philologique car Sink est à Think comme Meanstream est à Mainstream : un autre mot. En l'occurrence "sink tank" voudrait dire une réserve, une collection, une accumulation de naufrages ? Alors c'est FC qui est à lui tout seul un Sink tank et tout autant un Think tank d'ailleurs. Certes un brin mono-orienté mais ne le sont-ils pas tous ?
Enfin Bouvier annonce l'ouverture d'un espace collaboratif avec les auditeurs, sur le site même de France Culture. Un espace ouvert aux auditeurs. Hum, quand on voit comment sur le site FC ils sont filtrés les messages de critiques même courtoise, on se demande ce qui pourrait bien en sortir sinon un nouvel exemple de style Coréen. Mais qu'on se rassure : il ne s'agit surtout pas de parler radio, c'est juste pour faire de la co-production avec les auditeurs, sur des sujets de sauciété. Super, on n'en avait pas assez, figurez-vous...