"La dispute" sur France Culture, le gratin ( de nouilles) de la critique.
Fin septembre, présentation du film "We Need to Talk About Kevin" de la britannique Lynne Ramsay, avec dans le rôle principal Tilda Swinton.
Je passe sur le baratin introductif sur Tilda Swinton et les banalités d'usage sur sa beauté, sauf que dans ce film, elle est moche (dixit Florence Ben Saadoun) et que c'est courageux de sa part.
Ce film est un long flash-back dans lequel une mère se remémore l'enfance de son fils, devenu un serial killer.
D'emblée, Charlotte Garson attaque ce film sous prétexte que le film déborde d'effets esthétisants et porterait sur le mal. Elle ajoute que ce film serait "abject", moralement "abject" car moralisateur. Arnaud Laporte lui emboîte le pas, disant que ce film s'inscrit dans un courant où l'on veut mettre des "miradors dans les écoles", c'est la thèse du film, son propos serait de faire enfermer tous les enfants turbulents dès leur plus jeune âge.
Jean-Baptiste Thoret s'inscrit en porte-à-faux. Lui prétend que ce film l'a fait penser à Clément Rosset, en ceci qu'il y aurait "du mal", de façon inexplicable et inexpliquée et ferait, au contraire, tomber toutes les hypothèses interprétatives.
Lynne Ramsay n'est pas directement à l'origine de l'intrigue de ce film . Il s'agit de l'adaptation d'un roman, roman qui, lui, semble en effet avoir sur la question de l'adolescent meurtrier, une approche extrêmement convenue et lourdement moralisatrice, style "toi, petit salaud, je vais te faire ta fête".
Les critiques de "La dispute" semblent avoir oublié deux choses. D'une part, Lynne Ramsay avait réalisé "Rat Catcher" où elle s'intéressait déjà, sinon à l'enfance délinquante, du moins à la question du meurtre commis par un pré-adolescent.
D'autre part, cette cinéaste appartient à la même génération que Steve Mc Queen, "Hunger", film qui avait révélé un souci esthétique pregnant de la part de cet artiste vidéaste. Souci esthétique que partage indubitablement Ramsay et qui place, d'ailleurs, cette génération dans la filiation de Greenaway ou de Derek Jarman.
Le montage du film (et c'est sans doute là une de ses limites car il borne et rend répétitif son déroulement narratif) fonctionne comme une suite de tableaux ou de vidéos reliés par l'anamnèse de cette mère. Il aurait, sans doute, été fructueux de replacer Ramsay dans ce contexte. Lorsqu'on prétend faire de la critique ciné, c'est en général ce que l'on fait. A moins, bien entendu, de vouloir rester au ras des pâquerettes. C'est aussi une option.
Si les critiques de "La dispute" ont longuement insisté sur la couleur rouge, omniprésente dans ce film, Garson parlant de "symbolisme recuit" ( quel symbolisme ne l'est pas, d'ailleurs ?), ils ont oublié de mentionner qu'à de multiples reprises, Ramsay insérait de longs plans séquences, notamment sur des reliefs de nourriture, abandonnés.
Plans-séquences qui me semblent aller dans le sens de ce qu'exprimait Thoret, convoquant Rosset. A savoir qu'il y aurait un mystère du mal, comme il y aurait un mystère de la matérialité, une sorte d'opacité du monde, totalement impénétrable, voire irréprésentable tout comme le mal et sur lequel buterait la conscience, ne pouvant guère se réfugier que dans une sorte de contemplation sidérée, médusée.
Le plus intéressant dans l'approche choisie pour aborder ce film était, il me semble, le gauchissement de son propos. A savoir, la volonté de lui faire dire ce qu'il ne disait pas, en le taxant de film à la fois "abject", moralisateur et réactionnaire.
Intéressant, pourquoi ? Parce que ce discours donnait à voir, a contrario, un superbe exercice de malhonnêteté intellectuelle. D'une part, je soupçonne qu'il est plus aisé de critiquer un film étranger qu'un film français dans une émission généralement complaisante et se donner ainsi des gages d'indépendance critique.
D'autre part, ce qu'on entendait, était un renversement des points de vue. Garson et Laporte tenaient le rôle des censeurs moralisteurs, voulant à tout crin faire de ce film, un film à thèse, à seule fin de condamner cette thèse et de se porter garants d'un ordre moral, celui du bien, celui du bon, celui qui combat les réflexes fascisants rampants.
Hormis qu'il s'agit là de se donner, à peu de frais et en mentant, une conscience politique immaculée, l'exercice montrait la façon dont plutôt qu'interroger un système de valeurs soi-disant à l'oeuvre, Laporte et Garson lui en ont substitué un autre. Tout aussi faux, tout aussi borné.
Bref, feignant de s'insurger contre la pire des bien pensances, Laporte et Garson ont endossé la robe du censeur et ils l'ont fait avec plaisir, avec joie, défenseurs de la liberté, pourvoyant des idées toutes faites, privant d'un rare usage de l'impossible liberté, celui de l'examen critique des valeurs qui n'a que faire des discours bétonnés et lourds, si lourds ... Dieu, qu'ils étaient lourds !
Fin septembre, présentation du film "We Need to Talk About Kevin" de la britannique Lynne Ramsay, avec dans le rôle principal Tilda Swinton.
Je passe sur le baratin introductif sur Tilda Swinton et les banalités d'usage sur sa beauté, sauf que dans ce film, elle est moche (dixit Florence Ben Saadoun) et que c'est courageux de sa part.
Ce film est un long flash-back dans lequel une mère se remémore l'enfance de son fils, devenu un serial killer.
D'emblée, Charlotte Garson attaque ce film sous prétexte que le film déborde d'effets esthétisants et porterait sur le mal. Elle ajoute que ce film serait "abject", moralement "abject" car moralisateur. Arnaud Laporte lui emboîte le pas, disant que ce film s'inscrit dans un courant où l'on veut mettre des "miradors dans les écoles", c'est la thèse du film, son propos serait de faire enfermer tous les enfants turbulents dès leur plus jeune âge.
Jean-Baptiste Thoret s'inscrit en porte-à-faux. Lui prétend que ce film l'a fait penser à Clément Rosset, en ceci qu'il y aurait "du mal", de façon inexplicable et inexpliquée et ferait, au contraire, tomber toutes les hypothèses interprétatives.
Lynne Ramsay n'est pas directement à l'origine de l'intrigue de ce film . Il s'agit de l'adaptation d'un roman, roman qui, lui, semble en effet avoir sur la question de l'adolescent meurtrier, une approche extrêmement convenue et lourdement moralisatrice, style "toi, petit salaud, je vais te faire ta fête".
Les critiques de "La dispute" semblent avoir oublié deux choses. D'une part, Lynne Ramsay avait réalisé "Rat Catcher" où elle s'intéressait déjà, sinon à l'enfance délinquante, du moins à la question du meurtre commis par un pré-adolescent.
D'autre part, cette cinéaste appartient à la même génération que Steve Mc Queen, "Hunger", film qui avait révélé un souci esthétique pregnant de la part de cet artiste vidéaste. Souci esthétique que partage indubitablement Ramsay et qui place, d'ailleurs, cette génération dans la filiation de Greenaway ou de Derek Jarman.
Le montage du film (et c'est sans doute là une de ses limites car il borne et rend répétitif son déroulement narratif) fonctionne comme une suite de tableaux ou de vidéos reliés par l'anamnèse de cette mère. Il aurait, sans doute, été fructueux de replacer Ramsay dans ce contexte. Lorsqu'on prétend faire de la critique ciné, c'est en général ce que l'on fait. A moins, bien entendu, de vouloir rester au ras des pâquerettes. C'est aussi une option.
Si les critiques de "La dispute" ont longuement insisté sur la couleur rouge, omniprésente dans ce film, Garson parlant de "symbolisme recuit" ( quel symbolisme ne l'est pas, d'ailleurs ?), ils ont oublié de mentionner qu'à de multiples reprises, Ramsay insérait de longs plans séquences, notamment sur des reliefs de nourriture, abandonnés.
Plans-séquences qui me semblent aller dans le sens de ce qu'exprimait Thoret, convoquant Rosset. A savoir qu'il y aurait un mystère du mal, comme il y aurait un mystère de la matérialité, une sorte d'opacité du monde, totalement impénétrable, voire irréprésentable tout comme le mal et sur lequel buterait la conscience, ne pouvant guère se réfugier que dans une sorte de contemplation sidérée, médusée.
Le plus intéressant dans l'approche choisie pour aborder ce film était, il me semble, le gauchissement de son propos. A savoir, la volonté de lui faire dire ce qu'il ne disait pas, en le taxant de film à la fois "abject", moralisateur et réactionnaire.
Intéressant, pourquoi ? Parce que ce discours donnait à voir, a contrario, un superbe exercice de malhonnêteté intellectuelle. D'une part, je soupçonne qu'il est plus aisé de critiquer un film étranger qu'un film français dans une émission généralement complaisante et se donner ainsi des gages d'indépendance critique.
D'autre part, ce qu'on entendait, était un renversement des points de vue. Garson et Laporte tenaient le rôle des censeurs moralisteurs, voulant à tout crin faire de ce film, un film à thèse, à seule fin de condamner cette thèse et de se porter garants d'un ordre moral, celui du bien, celui du bon, celui qui combat les réflexes fascisants rampants.
Hormis qu'il s'agit là de se donner, à peu de frais et en mentant, une conscience politique immaculée, l'exercice montrait la façon dont plutôt qu'interroger un système de valeurs soi-disant à l'oeuvre, Laporte et Garson lui en ont substitué un autre. Tout aussi faux, tout aussi borné.
Bref, feignant de s'insurger contre la pire des bien pensances, Laporte et Garson ont endossé la robe du censeur et ils l'ont fait avec plaisir, avec joie, défenseurs de la liberté, pourvoyant des idées toutes faites, privant d'un rare usage de l'impossible liberté, celui de l'examen critique des valeurs qui n'a que faire des discours bétonnés et lourds, si lourds ... Dieu, qu'ils étaient lourds !