Le Mauvais genre de samedi dernier aura offert d'un seul et même coup de pétoire, à la fois un soulagement pour les uns et une triste nouvelle pour les autres : Thoret fait ses adieux à Mauvais Genres. Etant à la fois des premiers et des seconds, je m'auto-mandate pour instruire de la chose tous ceux que ça désole ou qui n'en ont que faire. Sauf que c'est annoncé à l'antenne avec une dose de mystère : on peut deviner, et même on nous dit clairement que Thoret a d'autres projets et même des plus prenants ; mais les deux compères Thoret-Angelier insistent bien sur le fait que cet éloignement n'est pas de la volonté de l'un et pas non plus de l'autre. Alors quoi ? ben on n'en saura rien et voila 16 années de présence qui se concluent par une sortie un peu foireuse. Mais pas aussi foireuse que la façon dont Thoret a été remercié sans égard par Laurence Bloch alors que son émission sur Inter faisait les délices des audio-cinéphiles. Ce samedi, tout est fait pour nous laisser entendre qu'il n'y a pas de rapport entre les deux événements. Mais les mauvais-genristes ne gobent pas ça. Entendez-ça la rumeur :
on ne nous dit pas tout.
On nous cache quelque chose. Qui a posé un ultimatum à qui ? Qui a flingué qui ? Vous n'en saurez rien mais '
nous' on prévoit qu'après des années passées à détricoter France Culture, Laurence Bloch (alias "Lolo Bloque" pour les amateurs de série noire) sera maintenant occupée à flinguer les émissions favorites des pauvres auditeurs d'Inter qui vont sentir leur douleur en endurant ce que nous autres avons enduré entre 1999 et 2014, année d'achèvement de la mission d'éradication de la culture sur le programme de France Culture.
En ce qui me concerne, je ne regretterai pas tellement Jean-Baptiste Thoret pour son débit verbal certes exceptionnel, qui était saturé en "évidemment" /
evidamɑ̃ / (au rythme de 1 ou 2 par minute en moyenne, il peut monter à 5 en période de surchauffe) occasionnellement remplacé par "
'Absolument" /'
apsolymɑ̃/. Je serai soulagé de ne plus avoir à passer au microscope de légiste ses analyses pas toutes convaincantes, sa sémiologie hasardeuse nourrie de name-dropping (à noter) et ses rapprochements (à étudier) sortis tout armés de son inspiration personnelle qui était florissante. Mais à coup sûr je regretterai la passion sans réserve qu'il savait y mettre, et la considérable densité en savoir cinéphilique dont la moindre de ses interventions était porteuse quand je dis la moindre j'exagère à peine cela dit ce fut bien rarement qu'il s'emparât du micro pour moins de quelques minutes. Je me souviens d'une soirée de présentation à la cinémathèque où on disposait d'une vingtaine de minutes, Bernard Benoliel n'eut le temps de poser qu'une question à JB qui de cet unique coup de starter réussit à remplir la totalité de l'intervalle disponible et même un peu plus, achevant son parcours par une série de "et aussi" / "ah j'oubliais" / "je voudrais encore dire que" qui enfoncent Max Gallo même dans son meilleur festival de "Dernier point" / "mon dernier point sera" / "Enfin, dernier point : " (il peut faire 3 dernier-point d'affilée).
Le résultat : la deuxième partie de ce Mauvais genre, consacrée au cinéma d'humour anglais et principalement aux studios Ealing, fut à la fois instructive et assez pénible à écouter. Surtout venant après le premier sujet : Thierry Beauchamp invité comme traducteur d'Ambrose Bierce et de Leacock. De là lectures et commentaires après la publication des
Fables de Zambri (au Dilettante) pour le premier et du second :
Bienvenue à Mariposa (chez Wombat). La discussion entre érudits & connaisseurs se paie le luxe d'évoquer tout à la fois Under milk wood
ET le Spoon River d'Edgar Lee Masters c'est donc à écouter toutes affaires cessantes : [son mp3="http://franceculture.fr/sites/default/files/sons/2014/12/s49/SO_BRITIIICHE_%21%21%21___LEACOCK_LE_RETOUR_-_LE_CENTENAIRE_D_ALEC_GUINESS.NET_FC_FA9B9C51-2096-418D-B10F-DB1FB4095F3D.MP3" debut="21:50" fin="75:55"]
Le Bierce est certainement le bienvenu mais étant donné que Rivages nous a déjà donné quelques volumes de contes & nouvelles, le véritable événement c'est plutôt le Leacock car l'auteur est très peu présent dans les éditions françaises : de minces volumes au Dilettante, un seul recueil chez Rivages, en fait pas grand chose depuis le recueil dans la collection de Juillard "Humour secret", volume qui fut réédité chez Laffont sous le titre "Histoires humoristiques", et dont la parution en poche doit elle-même être épuisée depuis 1979. On trouvera une notice biographique au bout du lien ci-dessus qui mène tout droit chez Wombat.
En sus, j'ai trouvé je ne sais même plus où ce texte de présentation pour :
« Bienvenue à Mariposa ! Suivez le guide, et vous ferez la connaissance de M. Smith, le patron de bar roublard qui ruse avec les ligues de tempérance pour servir de l'alcool à ses concitoyens assoiffés ; Jefferson Thorpe, le barbier saisi de la fièvre de la spéculation boursière, qu'il propage dans toute la ville ; le vieux révérend Drone, terrassé par la dette contractée pour construire sa nouvelle église, mais si peu doué en arithmétique. Situé à l'orée du XXe siècle dans la ville fi ctive de Mariposa, bourgade imaginaire de l'Ontario sur les rives du lac Wissanotti, Bienvenue à Mariposa (1912), inédit en français, est un grand classique populaire de la littérature canadienne anglophone, qui valut à son auteur le surnom de Mark Twain canadien. »