Sa forme est un simulacre de mutation et d'hybridation, prise dans la plus totale paralysie.
En ceci, elle nous montre comment des recettes emprisonnent la réflexion.
Quel est le projet des "Rendez-vous" ? Offrir un "Direct Culture Media Musique - soit une heure d'actualité culturelle en trois temps". Je cite ici la présentation de l'émission sur sa page FC.
C'est bien du temps qu'il est question, d'ailleurs, dans "Le rendez-vous". Du temps même qui sera dévolu à nier la réflexion, à nier la pause nécessaire à la réflexion. En ceci, le "Journal de la culture" de Raphaël Bourgois est symptomatique. Toujours sur le site, on nous précise qu'en sept minutes, l'essentiel de l'actualité culturelle nous est offert.
"Le journal de la culture" n'est pas une invention radiophonique. C'est même l'anti-forme radiophonique, par excellence. C'est un truc journalistique qui traîne dans la presse écrite. Quiconque a lu "Le Monde" a constaté que dans les pages de ce journal, on trouve des entrefilets : nombre d'ouvrages vendus grâce au prix Goncourt, rachat de telle maison d'édition, absence de tel cinéaste à une remise de prix ...
Sur la page du journal, ces brèves prennent leur sens, elles divertissent, elles donnent une information brute, elles délassent le regard du lecteur.
Autre exercice formel du "Rendez-vous" : l'invité du jour pose une question à l'invité du lendemain.
Nouvel exercice formel : le questionnaire de Manou Farine. Celle-ci reprend le principe du questionnaire de Proust et l'applique à un invité.
A savoir, ce truc a été trouvé par les "Inrocks". La question qui débutait leur questionnaire était "Qu'est-ce qui vous donne envie de vous lever le matin ?"
Un journal, un magazine se lisent. C'est un truisme ! Une radio s'écoute. Autre truisme ! Néanmoins, la lecture peut être linéaire, elle peut aussi se faire en diagonale, dans le va et vient.
C'est là l'impuissance et la limite radiophonique du "Rendez-vous". Cette émission n'a pas de forme radiophonique. Elle est calquée sur des formes de la presse écrite. J'insiste sur le terme de formes parce que la presse écrite a recours à ces formes comme à des diversions.
Elles servent à mettre de la respiration, à aérer le texte.
La question du temps, maintenant.
"Le rendez-vous" fonctionne comme un collage. C'est là que sa tentation ou tentative formelle d'hybridation connaît de nouvelles limites et un nouvel échec.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que sur la page Fc dédiée à l'émission, on trouve une galerie de portraits des invités sous forme de collage de micro-photos comme une volonté de donner de l'instantané, de l'immédiat, du direct (une fois encore), une volonté de coller au momment, à sa soi-disant vérité.
"Le rendez-vous" fonctionne comme un dispositif (mot cher à Laurent Goumarre, d'ailleurs) qui cherche à mimer le temps, qui cherche à mimer le temps qui s'écoule, qui voudrait se couler dans ce temps, cette actualité mais qui, paradoxalement, le sclérose en recettes journalistiques.
On a, du coup, une sorte de séries de discours formels qui, en fait de dynamisme, propose à entendre le discours redondant d'une actualité qui mimerait sa propre représentation.
Il y a une impasse formelle. Le malheur de cette impasse formelle est qu'elle débouche sur une impasse intellectuelle.
"Le rendez-vous" n'a rien à dire. Il bégaie des échos journalistiques et sa forme parfaitement opérationnelle coupe court aux idées, s'oppose à leur développement.
Explique peut-être pourquoi elles sont singulièrement absentes d'un magazine à vocation "culturelle".
A cela, on reviendra ...
Dernière édition par Lola le Lun 01 Nov 2010, 12:43, édité 2 fois