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Répliques, Alain Finkielkraut    Page 21 sur 67

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Alain Machefert 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Dim 16 Sep 2012, 19:46

Entre Langevin qui connaissait l'origine du mot "balaclava" et Nessie qui connaissait la définition du mot "poliorcétique", je me sens inculte car je ne connaissais ni l'un ni l'autre.
Mais comme j'écoute France Culture et je suis ce forum essentiellement pour m'instruire, je leur suis reconnaissant de m'avoir appris quelque chose.
Je ne sais si France Culture "joue" à l'ignorance, mais j'espère qu'elle continuera à jouer son rôle pédagogique.

Langevin 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Dim 16 Sep 2012, 20:09

Alain, je pense que justement, France Culture n'assume plus vraiment son rôle pédagogique. Il n'y a rien de honteux à ignorer le terme poliorcétique lorsqu'on n'est, ni helléniste ni éclairé en histoire militaire. Ce que je trouve plus douteux, c'est que Laurentin ignore le terme ou s'emploie à l'ignorer dans un but faussement, ou naïvement, maïeutique. Que Voinchet l'ignore ne me surprend guère, c'est plus la démonstration d'un savoir précis qui, chez lui, me surprend. Enthoven, je lui accorde le bénéfice du doute. Mais Laurentin ! N'importe quel antiquisant, médiéviste, voire dixseptièmeiste (Vauban !) sait ce qu'est la poliorcétique, art tactique majeur dont, entre autres, les Assyriens, les Grecs de l'époque hellénistique, les Arabes de la conquête et les Chinois de toutes les ères furent de grands spécialistes. On peut, je crois, expliquer le terme aux profanes tout en assumant sa connaissance, et je trouve même que c'est une marque de respect vis-à-vis de son auditoire que d'éviter de singer l'ignorance.

Je ne mets pas les deux anecdotes sur le même plan, toutefois. Dans le cas évoqué par Nessie, il s'agit d'une des nombreuses âneries ouïes aux Matins et que je ne prends même plus la peine de relever, tant elles sont aussi nombreuses -mais moins savoureuses- que les myrtilles en juillet sur les pentes moussues du Massif Central. J'avoue quand même que celle-ci m'avait particulièrement stupéfié au moment d'enfiler ma veste et de quitter mon logis.

Le cas du balaclava m'a franchement plus réjoui dans la mesure où il a dégonflé un court instant les deux outres de contentement d'être et de sûreté de leur savoir qui s'épanchaient à chuintement continu chez le bel Alain (j'exagère. Aucouturier, traducteur de grand talent, est une toute petite ampoule de suffisance. Besançon, stalinien de gauche devenu stalinien catho-conservateur, a de ce point de vue la dimension du zeppelin Hindenburg). Que Finkielkraut ait ignoré de bonne foi la signification du terme, je n'ai aucune peine à le croire. Que les deux autres l'aient sincèrement ignoré et aient tenté de se raccrocher aux branches, j'y crois encore plus, car je n'ai aucun doute sur le fait que l'un et l'autre eussent récusé, à raison, un aussi vil procédé pédagogiste à la Bégaudeau. Deux spécialistes de la Russie, présentés comme tels et fiers de cette décoration, donc, qui sèchent lamentablement sur un terme commun de la vie quotidienne de ces gens qu'ils nous assurent pourtant fréquenter avec assiduité : terrible mise à nu. J'ai ri d'aussi bon cœur qu'à un de mes spectacles préférés que m'offre parfois l'existence, à savoir celui d'un goujat obtus et gominé recevant de la part d'une dame, et en public, une gifle méritée.

Alain Machefert 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Lun 17 Sep 2012, 07:43

Langevin, vous avez raison de distinguer l'un de l'autre. Aucouturier n'était pas loin de la solution puisqu'il indique la bataille de Balaclava. Par contre, Besançon et son Baklava, ça c'est du lourd et du franchement comique.
Ce qui me conduit à un second point, plus complexe: comment distinguer, pour le non-specialiste, le savant du "prétendant"?

Vincent& 


Invité

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de la prostitution - Sam 13 Oct 2012, 22:55

Aujourd'hui Répliques proposait un débat entre Sylviane Agacinski et Claude Habib, sur une des polémiques du moment, la question de l'abolition de la prostitution. Comme presque toujours dans cette émission les échanges ont été argumentés et dynamiques. Les positions respectives paraissaient bien tranchées (pour et contre), mais ce qui m'a frappé c'est malgré tout une certaine ambiguïté, qui tient sans doute au simple fait qu'on est vite confronté au paradoxe et à l'aporie quand on traite de l'opposition entre la liberté et la loi.
Quelle ambiguïté? En fait, sur le fond, les conceptions des deux femmes ne me paraissent pas si éloignées. Même si Claude Habib a défendu l'idée qu'on puisse s'épanouir personnellement en pratiquant la prostitution, je ne crois pas qu'elle conteste vraiment l'opinion selon laquelle dans une grande majorité des cas la prostitution est assimilable à un esclavage, ou au moins équivaut à un sort peu enviable. De son côté, Sylviane Agacinski admet volontiers qu'un désir de prostitution puisse être réalisé entre deux adultes consentants sans que personne ait à y redire. A partir de là, la discussion prend un caractère assez abstrait (même si les échanges ont parfois été très concrets). Claude Habib érige la liberté en principe suprême, la loi ne devant s'occuper que de régler la coexistence des individus sans chercher à leur imposer aucune valeur morale. Pour Sylviane Agacinski au contraire, la défense de la dignité humaine est un principe affirmé au moins depuis la déclaration universelle des droits de l'homme, et elle doit inspirer la loi. Mais, nantie chacune de son beau principe elles font l'effet d'être toutes les deux en porte-à-faux avec la réalité. Claude Habib n'a pas cherché à répondre à ce que Sylviane Agacinski lui présentait à juste titre comme étant la conséquence inévitable de son libéralisme: les Eros Center, les tristes usines à sexe... Sylviane Agacinski n'a pas eu l'air de proposer autre chose qu'une morale hypocrite pour les institutions: ce qui compte, c'est que ce soit interdit, même si ensuite chacun fait ce qu'il veut. Finalement, le débat était vif mais pas si tranché que ça.

Alain Machefert 


205
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Mar 16 Oct 2012, 16:16

Vous avez bien résumé le débat, me semble-t-il, Vincent. J'ai trouvé que les deux femmes avaient bien défendu leurs positions qui, comme vous l'indiquez, reposaient sur deux principes fondamentaux: la liberté et la dignité humaine. Parfois ces deux principes se trouvent en tension et la loi doit les départager. Personnellement, je place le principe de liberté au dessus de celui de dignité humaine car cette dernière notion me semble beaucoup plus subjective. Et au nom de cette subjectivité, certains groupes limitent la liberté des autres. En conséquence, sur ce sujet, je me retrouve au côté de Claude Habib, y compris avec ses réserves sur certains aspects de la prostitution (Violence, réseaux, etc.)

Vincent& 


Invité

206
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Ven 19 Oct 2012, 12:08

Bonjour Alain. D'accord pour pousser un peu plus loin...
A priori je suis comme vous: je me méfie de l'ordre moral, chacun doit pouvoir vivre comme il l'entend, la censure est inique, etc... Pourtant, dans le débat dont nous parlons je me sentais pencher plutôt du côté de Sylviane Agacinski, avec malgré tout la réserve que je disais, à savoir qu'il faudrait assumer une certaine part d'hypocrisie. Si on reprend le dilemme, liberté vs dignité, et qu'on essaie de ne pas trancher mais plutôt de voir comment il serait possible de les conjuguer (ce qui est sans doute le souhait général), on peut peut-être préciser les enjeux du débat. Il faut noter d'ailleurs que la question de la prostitution est très intéressante de ce point de vue, puisqu'elle oppose directement conceptions morales et libertés "économiques" (le droit d'échanger des services).
Prenons d'abord la conception défendue par Claude Habib. Même si elle reconnaît la part de violence et de contrainte qui existent dans la prostitution, même si elle comprend que la plupart des femmes (et des hommes) ne voudraient pas exercer ce métier, elle considère qu'il y a bien d'autres métiers pénibles ou aliénants, et elle considère aussi que pour certaines personnes, dans certaines conditions, la prostitution peut être un choix assumé et épanouissant. De là j'interprète que si l'on veut conjuguer la liberté et la dignité, il faudrait alors réguler socialement cette activité pour qu'elle puisse effectivement ne plus être contrainte et violente (dégradante) mais libre et professionnalisée. Par exemple, il pourrait y avoir des formations pour que les personnes prostituées sachent se protéger psychologiquement, séparent bien leur vie sentimentale privée de leur pratique professionnelle...(ce que sans doute les plus fortes et équilibrées psychologiquement savent déjà faire). Il faudrait aussi garantir la transparence économique, les conditions de travail, et, le plus difficile sans doute, travailler à la reconnaissance sociale de la profession (lutter contre la discrimination symbolique, la tendance séculaire à la stigmatisation, présenter la prostitution comme une option professionnelle aussi honorable et valorisante qu'une autre). Quel monde merveilleux! Il n'y aurait plus rien d'humiliant ou de honteux pour la personne prostituée et pour son (sa) client(e) à (se) faire plaisir... Le débat sur l'abolition n'aurait même plus lieu d'être: n'étant plus indigne, la prostitution pourrait être effectivement libre.
On peut interpréter la conception portée par Sylviane Agacinski comme rejet de cette conception "merveilleuse", soit que la prostitution ne peut pas être par essence une profession digne et honorable (et les prostituées qui s'en sortent psychologiquement et aiment ce qu'elles font ne peuvent être que d'heureuses exceptions), soit que les conditions à réunir pour qu'elle devienne dans les faits une profession digne et honorable sont tellement inatteignables qu'il vaut mieux ne pas faire semblant d'essayer. Personnellement, comme je le disais, j'ai trouvé que ce discours était plus généreux et réaliste pour les personnes prostituées. Face au problème massif de la traite des femmes, de la marchandisation des corps, de l'industrialisation du sexe... je crois qu'il faut réagir en bloquant les possibilités de développement économique. Comme l'a fait remarquer Sylviane Agacinski au début de l'émission, il y a une convergence des discours entre les règlementaristes, comme Claude Habib, et les industriels du secteur. Je ne sais pas si la prostitution est intrinsèquement mauvaise ou indigne, mais je trouve qu'en l'occurrence défendre la liberté (morale ou commerciale) revient à légitimer l'exploitation (morale et commerciale).
Finalement, si l'on reprend la question du départ (quel principe faut-il mettre en avant, la liberté ou la dignité?), on s'aperçoit que dans les deux conceptions exposées il y a un "geste", politique ou intellectuel, qui prétend s'imposer à la réalité: le geste de "dignifier" la prostitution dans un cas, celui de contrer une logique marchande dans l'autre. Dans les deux cas il y a une intervention sur l'"ordre symbolique" de la société: sur l'image et le statut de la prostitution (en rendant compatibles ou équivalents activité sexuelle et service économique); sur le renforcement ou la réactualisation des interdits concernant cette compatibilité. Donc, ce serait trop simplificateur que de penser que l'une des "débattrices" défendait la liberté et l'autre la dignité...
Bon, Alain, si vous m'avez lu jusqu'au bout j'en profite pour vous remercier de m'avoir fait me creuser un peu plus les méninges à propos de ce débat, mais je ne vous promets pas de suite (au cas où vous voudriez en discuter encore...) parce que j'ai épuisé mon crédit-temps pour la semaine, et même peut-être la quinzaine!

Alain Machefert 


207
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 20 Oct 2012, 21:23

Et bien bonjour à vous aussi, Vincent.
Rassurez-vous, j'ai perdu depuis pas mal de temps l'envie d'avoir le dernier mot sur n'importe quel sujet, et donc je vous suis complétement sur le fait de ne pas étendre outre mesure notre petit échange. Je le fais d'autant plus volontiers que votre argumentation me parait trés réfléchie et je la respecte.
Pour clarifier encore ma position, j'ajouterai simplement qu'un bon nombre de mes opinions et actes concernant des faits de société, repose sur un Impératif Catégorique (Merci Kant): respect de la liberté individuelle.

DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN
Article 6. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui.

Vincent& 


Invité

208
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Sur le même thème - Sam 03 Nov 2012, 17:59

Je signale l'émission de Concordance des temps de ce matin qui montre que ce débat n'est pas neuf et les arguments non plus. C'est intéressant d'ailleurs cette "concordance des temps", et l'émission elle-même en général aussi. A la fin, Jean-Noël Jeanneney a dit que c'était une idée de Laure Adler, quand elle était à la tête de FC... Un bon point pour elle, à mon avis Smile .

Alain Machefert 


209
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Dim 04 Nov 2012, 16:55

Oui, rien n'a vraiment changé sur ce sujet. Par contre, l'archive d'Irène Joliot-Curie, sous-secrétaire d'Etât sous le Front populaire en 1936, et qui n'avait pas le droit de vote (!), montre bien que le "conservatisme" n'est essentiellement qu'une manière de conserver un status-quo. Et lorsque ce status-quo est changé, le nouveau status devient l'objet à conserver. Je pense que le mariage homosexuel aura le même résultat, car on ne peut priver certains groupes de certains droits trés longtemps; surtout à notre époque, beaucoup plus réactive.

Vincent& 


Invité

210
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d'un débat à l'autre - Dim 11 Nov 2012, 18:30

Bonjour Alain,
Je vous ai lu, je ne vous ai pas répondu... mais, vous m'avez donné l'idée d'aller voir sur le site de FC ce qui avait été proposé en matière de réflexion sur le mariage homosexuel. J'ai trouvé deux émissions de Questions d'éthique, courtes mais intéressantes, qui m'ont donné envie de creuser la question. J'ai mis ça dans un fil à part, pour ne pas tout mélanger. Maintenant, il faut que je révise les leçons de l'Atelier pour savoir comment on insère un lien... J'essaierai de le mettre plus tard.

Gomez 

Gomez

211
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Mar 13 Nov 2012, 19:17

L’émission de samedi dernier, consacrée au thème du "village français" du début du vingt-et-unième siècle, était particulièrement intéressante, moins en raison de la pertinence sociologique ou géographique des propos souvent proches de la caricature (et ce malgré les timides nuances de Jean-Pierre Le Goff), que parce qu’elle met en lumière - de manière très crue - une tendance inquiétante de la société française : ce qu’on pourrait appeler la « concurrence des victimes », pour reprendre l’expression de Jean-Michel Chaumont (il étudiait pour sa part les groupes victimes de génocides ou de tragédies comparables). C’est l’idée qu’il y aurait en France de vrais pauvres et des pauvres moins authentiques, de bons pauvres et de moins bons pauvres, des pauvres plus lésés que d’autres, plus méprisés que d’autres. Des pauvres qui attirent moins la lumière, parce qu’elle est détournée par d’autres pauvres, qui le méritent peut-être moins. La plupart du temps, c’est cela qui est suggéré aujourd’hui par de nombreux penseurs et hommes politiques. L’intérêt de l’émission, c’est que le discours est ici plus débridé.

L’autre intérêt de ce numéro de Répliques, c’est que le tableau que les trois intellectuels (un sociologue, un écrivain, un philosophe) font des espaces ruraux victimes du modernisme fait bien souvent penser, mais de manière renversée, à celui que d’autres intellectuels, pétris d’aussi bonnes intentions, ont depuis longtemps dressé des quartiers sensibles (à ceci près que, même si la souffrance semble à entendre l’émission plus forte et la situation plus critique dans les campagnes françaises, aucun des deux invités, qui vivent ou ont vécu « au village », n’irait sans doute habiter une semaine à la Grande Borne).

En vrac, et à côté des différences évidentes (pauvreté diffuse / pauvreté concentrée, origine des habitants, cadre de vie) en voici quelques traits, dont le parallélisme avec ceux que l’on trouve dans certains discours sur les banlieue me semble frappant :
- Éloge de l’authenticité du populaire, face à l’inauthenticité des classes moyennes ou supérieures, surtout les classes cultivées, en encore plus urbaines : les cultureux, par exemple, cristallisent toutes les haines, ou les socialistes (et les socialistes cultureux, bien entendu).
- Valorisation du bon sens, de la franchise, de la rudesse (avec sa part de violence, mais une violence « honnête », légitime) opposés au ricanement, à l’ironie, à la distance des urbains mondialisés. En banlieue les traits mis en avant seraient sans doute l’énergie, la spontanéité, opposés aus mêmes tares des habitants des centre-villes. C’est la vieille opposition virilité / féminité qu’on entend aussi, reformulée. (Quand on s’aventure sur l’esprit communautaire, Finkielkraut et le Goff émettent cependant quelques doutes, rappelant que l’air de la ville et la liberté qu’il procure n’est pas si mauvais).
- Tout cela donne lieu à une concurrence médiatique : les uns ont TF1 (et plus précisément le journal de Pernaud, assurent les trois intervenants) les autres Canal + (Groland, même si l’audience est nettement moindre).
- Indulgence des deux invités, et de Finkielkraut, envers les débordements sous toutes leurs formes (excès de vitesse, vote FN, voire violence), indulgence informée par la compréhension de la souffrance profonde et incompréhensible, pour qui ne la vit pas (sauf les trois intervenants) que ressentent ces populations.
- Plus généralement : demande de règles particulières, au nom d’une « culture locale », elle-même particulière et irréductible, rejet donc des règles imposées d’en haut (même si ce rejet s’accompagne paradoxalement d’un discours dit « républicain », quand il le faut). Au cours de l’émission ces règles injustes ont été illustrées par le contrôle technique et la trop grande intolérance aux excès de vitesse (la haine des radars, motif d’une future jacquerie, voir plus bas).
- Rejet des nouveaux arrivants, sauf s’ils se plient à cette culture locale (il vaut mieux alors, conseille l’écrivain, taire par exemple ses opinions sur la chasse, de même que dans certains quartiers il vaut mieux se montrer tolérant sur certaines pratiques). Le mot « collabos » est même employé pour qualifier les soixante-huitards de la dernière heure, arrivés dans les années 80, agents infiltrés qui ont fait perdre aux petits villages leur authenticité.
- L’image apparait ainsi d’un territoire, comme « hors » du territoire de la république, trop homogénéisante, qui doit être défendu contre cet extérieur délétère.
- Menace que fait en particulier peser la mondialisation sur l’identité locale. Ici il s’agit moins d’ailleurs de mettre en cause de grands groupes marchands comme Mc Do ou Carrefour, ou même des comportements (comme la course à la maison individuelle) qui pourtant défigurent objectivement le paysage, que de dénoncer l’idéologie de l’ouverture, le libéralisme culturel et il s’agit moins aussi, bien entendu de défendre des coutumes étrangères qu’un mode de vie « français » marqué par le christianisme.
- Tout cela débouche sur la revendication de la plus grande souffrance, elle-même démultipliée par le sentiment de ne pas être entendu (il est vrai que la banlieue a au moins ses intermédiaires culturels : cette idée de la souffrance incomprise se retrouve souvent dans les chansons de rap…).
- Pour finir sur une note sinistre : menace sourde que ces population font peser et pourraient mettre à exécution si cette souffrance n’était pas écoutée: la colère gronde et que la révolte va éclater bientôt si rien n’est fait.

Ce portrait des classes populaires rurales, comme certains portraits laudatifs des classes populaires urbaines, fait parfois songer à celui du « bon sauvage » du siècle des Lumières (et plus tard lors de la colonisation). Il est en tout cas mobilisé avec la même bienveillance et au fond avec les mêmes préjugés (qui ont d’autant peu de barrières ici qu’il y a unanimité lors de l’émission) par nos trois penseurs. Malgré les différences, on peut voir derrière au moins un but comparable : mettre en cause la pointe avancée de la modernité (l’Europe civilisée hier/ les métropoles mondialisées aujourd’hui) en décrivant un espaces et des mœurs tout droits sortis, pour leur malheur, d’un âge d’or (îles exotiques hier /les petits villages aujourd’hui). On reconnaît aussi la vieille opposition Paris / Province.

Quelques bouquins que je conseille pour prolonger :
L’excellent livre de Jean-Michel Chaumont, La concurrence des victimes, La Découverte, 1997
Un éclairage historique : Bernard Marchant, Les ennemis de Paris, la haine de la grande ville des Lumières à nos jours, Presse universitaire de Rennes.

Et j’oubliais : L’émission de samedi : http://www.franceculture.fr/emission-repliques-villages-de-france-2012-11-10

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Re: Répliques, Alain Finkielkraut -

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