Dans cette rentrée déprimante où France Culture devient un carrousel de "dispositifs" radiophoniques, Répliques conserve à peu près sa qualité, et, pour l'instant, Alain Monophtalmos n'a pas encore trop remis le feu dans sa chaudière à phantasmes. Reste que j'ai été assez interloqué par la dernière émission consacrée à la Russie.
Pas tellement sur le fond : l'analyse faite de l'ethos orthodoxe-slavophile de la Russie par l'excellent Aucouturier et le pontifiant Besançon était un rappel bienvenu à défaut d'être novateur. Et puis, on a eu tous les "bons z'auteurs" estampillés Répliques : Dostoïevski, Tchekhov, Soljenitsyne... On a failli oublier Tolstoï, ce qui est un peu farce quand on prétend parler du réveil orthodoxe du XIXème.
Pendant trente secondes, pourtant, la splendeur du trône des deux invités a pâli dangereusement avec un épisode que je crois révélateur : alors qu'Alain avait -quand même- réussi à flétrir la vulgarité du punkisme des Pussy Riot (et à mon sens de manière bien indue car "No Future" Alain devrait goûter la dimension esthétique du nihilisme de ce mouvement musical radical : il faudra qu'il en parle à Richard Millet lors d'une prochaine émission), Dupont et Dupond embrayent sur les manifestations pittoresques des opposants à Poutine : usage des rubans blancs, etc... et de se gausser en évoquant les manifestations "balaclava". Et là, c'est le drame. Alain de s'interroger "mais peste, qu'est-ce donc que les balaclavas ?". Les deux éminents slavisants produisent alors une bouillie bafouillante masquant mal leur parfaite ignorance : néologisme inventé ? Référence à un "gâteau" ? (le baklava, d'origine persane, est une pâtisserie traditionnelle de l'espace irano-ottoman, merci pour lui). Bref, on ne savait.
Je ne suis pas slavisant, ni russophone. Je n'aurai sans doute jamais l'honneur d'être Reçu à l'Institut, ni (Dieu me préserve) la disgrâce d'écrire dans le Figagaro. Reste que je sais, moi, que la balaclava n'est autre que le nom russe (et anglais, d'ailleurs), de notre bon vieux passe-montagne, dénommé ainsi par référence à la bataille de Balaklava, pendant le guerre de Crimée, où fut utilisé pour la première fois ce vêtement de protection contre les frimas. Moyennant quoi, j'ai apprécié à leur juste valeur ces quelques secondes où Répliques est devenue une annexe bourgeoise et satisfaite des Grosses Têtes...