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Répliques, Alain Finkielkraut    Page 12 sur 67

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Nessie 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 25 Juin 2011, 14:49

./..

Votre intro m'interpelle, comme on dit ou plutôt comme on ne devrait pas dire. Je peux reconnaître une mienne dérive, mais avant toute chose, je veux préciser que je n'ai jamais visé "tout critique de finkielkraut", car de ces critiques j'en fais partie : je reproche à Alain Finkielkraut d'aller trop vite dans nombre de ses raisonnements, d'user de niveaux d'abstraction qui sont mal venus et facteurs de confusion pour débattre des faits sociaux ; je lui reproche également une approche émotionnelle quasi-hystérique, et je vois en lui le type même de l'intellectuel victime de plusieurs intoxications médiatiques. Mais cela je ne le lui reprocherai plus, et je vais m'en expliquer.

Là où vous me taxez d'une malhonnêteté intellectuelle, je préfère m'accuser d'une dérive, que je crois n'être que partiellement idéologique. Les anti-Finkie acharnés (au nombre desquels je ne vous ai pas inclus, ni explicitement ni par un sous-entendu) se manifestent avec une agressivité qui m'a poussé à une double réaction : d'abord de soutien, et en relisant ce fil je ne la crois pas excessive car je reste mesuré dans mon propos à leur encontre. Ensuite une réaction anti-idéologie qui a probablement amalgamé un peu vite 2 choses : cette bizarre haine qu'il doit essuyer + le gauchisme simplifié (si je reprends votre qualificatif je dirai volontiers "binaire"). Je dis "amalgamé un peu vite", mais habitué aux dérives des gens qui confondent la culture et le combat politique, je persiste à parier que ces deux tendances sont bel et bien co-présentes chez l'anti-Finkie de base. Ça n'est qu'une impression. Est-il bien correct de prendre une position polémique aussi cimentée, en la fondant seulement sur une impression ? Cette question me permet de passer au point central de votre critique, que vous aviez développé récemment sur Régis Debray ; je m'en étais voulu de ne pas vous répondre plus longuement, chose que je vais faire maintenant tout en regrettant de déborder le cadre du fil Répliques, mais là je ne vois pas comment je pourrais l'éviter.

Je ne demande pas à des gens comme Finkie ou Debray (ni même à Millet) de parler en vérifiant leurs faits aussi scrupuleusement que devrait le faire un sociologue honnête. Cela serait les condamner à éviter la plupart des faits qui sont le temps présent. On pourra me répondre que cela fera du silence et donc des vacances à l'auditeur qui voudrait entendre autre chose. Rien de plus vrai a priori, sauf que pour le coup on peut redouter qu'il n'entende encore plus de bétises en provenance de ceux qui veulent exploiter les non-événements et les généralisations abusives dans le sens qui convient à leur engagement. C'est en ce sens que Finkie me semble normalement intoxiqué par les médias, et Debray aussi : ils ne peuvent pas se payer le luxe de vérifier les infos bricolées, et pas non plus cet autre luxe que serait un scepticisme radical. S'ils prêtent le flanc à votre critique, c'est par leur position assumée de commentateurs. Et à l'intérieur de cet exercice contraint, c'est bien là qu'ils me semblent l'un et l'autre meilleurs et plus courageux que ceux qui jouent la carte d'une certaine facilité. Cette facilité qui me fait bondir chaque jour, c'est précisément celle du courant actuel de France Culture. Le fait que tous deux s'inscrivent en faux sur nombre des idées reçues du présent, et pas sur toutes, et pas non plus n'importe lesquelles, est ce qui fait leur qualité. Pour autant, ce qu'ils nous livrent n'est que spéculation (que je crois souvent bien venue) sur des faits sujets à caution. Quant à n'entendre que de la vérité factuelle, c'est autre chose, et peut-être un souhait auquel il faut renoncer quand on écoute un media grand public, fût-ce le Monde ou France Culture.

Enfin je pense que leur propos est juste et utile : juste si eux le croient juste au sens de la vérité ; utile si, diffusé à son tour, il porte des germes d'antidote contre le mouvement de division sociale des activistes de la lutte, qui s'appuient sur les mêmes fausses nouvelles. Ces fausses nouvelles, ou plutôt ces événements peu représentatifs, conclusions biaisées, généralisations abusives, font la matière de ce qui circule dans les têtes, aussi est-il indispensable que, face aux commentaires qui les exploitent dans un certain sens, on entende aussi des commentaires faits d'une autre farine.

Je sais que cela peut choquer quiconque voudrait voir dominer la raison et la vérité, mais je crois qu'à partir du moment où les idées fausses envahissent les mentalités, ou du moins les médias, il est bon qu'y soit apporté quelque antidote. Là encore si vous me dites que moi-même je ne sais rien de ce qu'il y a dans les crânes, je vous répondrai que j'en suis bien d'accord, ou plutôt (bis repetita) que mon tableau est hypothétique : vous pouvez imaginer un modèle graphique, avec quelques boites et quelques flèches pour indiquer les effets de l'influence, et le sens qui va des représentations aux actes, et y ajouter quelques rétroactions. Ensuite, seuls les chercheurs bien installés et suffisamment pourvus de budget peuvent tester ce qu'il y a des juste dans de tels modèles. L'honnête homme qui n'a pour lui que sa formation, son esprit à la fois sceptique et curieux d'explications, celui-là ne peut pas se payer le luxe de dépasser le tableau hypothétique. Et encore une fois, se taire parce qu'on n'est pas certain de ce qu'on a à dire, c'est laisser le champ libre à d'autres qui eux ne s'embarrassent ni de doute, ni de scrupules. Or ces derniers me semblent dominants dans le champ de la parole publique. C'est d'ailleurs une des raisons qui me font croire en l'utilité de forums comme celui-ci.



Dernière édition par Nessie le Sam 25 Juin 2011, 15:58, édité 2 fois

Phil 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 25 Juin 2011, 15:45

Bon ce n'est pas un fil sur Bourdieu (vous pourrez mettre mon message à la poubelle après l'avoir lu), mais à nouveau je vous trouve un tantinet caricatural. On sera tous les deux d'accord pour trouver insupportable un certain Bourdieu qui utilise les guillemets, qui dit "il faudrait étudier..." sans le faire vraiment et en tirant les conclusions qu'il espère tirer, etc, etc. A mon sens beaucoup de très bonnes choses ont été dites sur son oeuvre (et oui!) dans le collectif Dettes et critiques (et surtout critiques d'ailleurs) dirigé par ... Lahire.
D'un aute côté je ne pense pas du tout qu'il soit "disqualifié" dans le monde académique. D'abord parce que beaucoup d'universitaires s'y réfèrent encore (encore ce midi l'auteur d'un nouvel essai sur le don disait ce qu'il lui devait), y compris dans d'autres disciplines que la sociologie: à moins de dire qu'une bonne partie de la "gent" universitaire est disqualifiée, à moins de dire que quelqu'un comme Roger Chartier, Olivier Christin, ou encore Pierre-Marc de Biasi, ou encore Pascale Casanova (oui je sais, je sais...) sont de parfaits crétins, on ne peut que reconnaître sa place importante dans le monde universitaire. Je suis retombé sur un texte de Boltanski récemment dans lequel il fait le tri, disqualifie tout son travail des années 80 à 2002, mais reconnait son importance pour avant (vous allez me dire, normal, il était à ses côtés. Certes.)

Ensuite parce que de manière générale, dans le domaine des sciences humaines, je ne vois pas vraiment de raison à (je trouve même stérile de) "disqualifier" un chercheur (à part peut être les véritables charlatans du genre Maffesoli). Bourdieu est lu et critiqué comme Durkheim, comme Parsons, comme Boudon, comme Touraine; il est dans les manuels, ses concepts font référence, il a ses périodes de creux (actuellement peut être), il aura son retour de flamme; certains le détestent, d'autres l'adulent, la plupart le consomment avec modération, rien que de très normal.

Quant à l'accusation de faire passer son idéologie pour de la science, excusez, mais que font Parsons, Boudon, Touraine, Wieworka que vous citiez? Sinon pratiquer une sociologie en phase avec leur vision du monde, pour certains conservatrice, pour d'autres plutôt libérale, pour d'autres encore source d'inspiration d'une deuxième gauche ou d'un centre-gauche modéré (évidemment c'est moins visible que quand la sociologie émane d'une position plus à gauche, ou même plus à droite). Ce n'est pourtant pas ce qui les disqualifie à mes yeux. La neutralité axiologique, vaste programme...

Je ne suis en rien un de ses thuriféraires, je remarque juste que sur FC il fait partie des épouvantails cher à certains producteurs, qui lui font dire un peu tout et n'importe quoi (précisément sur la culture). En fait souvent on déplore les constats de Bourdieu sur la culture parce qu'on aimerait tant qu'elle soit la chose du monde la mieux partagée qu'il apparait comme le "méchant" de service, celui qui annonce la mauvaise nouvelle: non, il n'y a pas de beau en soi, oui, c'est toujours un apprentissage plus ou moins inégalitaire (et ça ne m'a jamais empêché d'aimer la culture légitime que de savoir cela).

Souvenir d'écoute: dernièrement (en mai, désolé, pas le temps de rechercher les intervenants) il y avait un Grain à Moudre avec deux sociologues et un directeur de théâtre (ou de musée), et ce dernier, ni tenant plus, s'était mis à accuser les deux autres de vouloir réserver la haute culture à une élite, sous prétexte qu'ils pointaient les inégalités encore fortes concernant les pratiques culturelles, reprenant au passage certaines conclusions de la Distinction. Il leur avait fallu quasiment s'excuser de ne faire que rapporter une réalité difficilement contestable, dont ils étaient bien désolés, une réalité qu'il fallait essayer de faire changer, mais qu'ils ne pouvaient pas cacher au prétexte de désespérer Billancourt. Finkielkraut (je ne dis pas vous) me fait penser à ce monsieur, ce qui le rend sans doute touchant mais injuste.

Nessie 

Nessie

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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 25 Juin 2011, 16:21

(dans l'intervalle, j'ai achevé de publier ma réponse qui dormait en attente, et se retrouve maintenant insérée en entier avant la vôtre)

Hum, c'est pas un fil sur Bourdieu, que vous êtes en train de déclencher, c'est un fil sur la vérité et les usages de toute la sociologie. Je le sais bien, que vous n'êtes pas un de ses thuriféraires. En la matière, probablement vous êtes plus proche du neutre que je ne le suis. Cela je peux l'assumer encore dans pas mal d'étapes de la conversation si elle se poursuit, chose que je crois utile.

Comment expliquer que ni Parsons, ni Touraine, ni Boudon, n'aient été réfutés au plan méthodologique ou au motif de manipulation, par leurs pairs en science ? Leurs théories ne peuvent que vieillir et se trouver reléguées. En tant que chercheurs, penseurs et même essayistes comme le rappelle Morin (que Bourdieu a tout fait pour fusiller), ils reçoivent de la contradiction, et d'ailleurs ils sont assez grands pour l'accepter. A-t-on jamais vu Bourdieu accepter une contradiction ?

Comment expliquer alors, que contrairement à un Passeron qui n'a jamais été mis à l'index de la communauté scientifique, Bourdieu s'est trouvé amené à créer une revue au fonctionnement sectaire ? Son succès en dehors du cercle sociologique (fut-ce académique mais d'autres disciplines : littérature, histoire, sciences de l'éduc) ne me semble pas un argument bien solide. A l'intérieur d'un monde assez sérieux, il dispose en effet de relais fort estimables, qui constituent non un groupe de crétins mais une sorte de chapelle aux dimensions d'une imposante cathédrale. Même dans les chapelles on entend des choses justes, et il est toujours possible de faire la part des choses quand on écoute Chartier ou Pascale Casanova, qui ne sont pas sociologues.

Si vous voulez me forcer à affiner mon point de vue, je pourrais faire de sérieux pas vers le raisonnable, vous savez. Par exemple j'aurais vite fait d'admettre que les reproches les plus graves que j'ai à lui faire, en fait je ne les trouve chez lui qu'à l'état de traces certes de plus en plus présentes dans les derniers temps, mais qu'elles sont affreusement présentes chez ses sbires (et puisque des Lemieux ou Lahire ont su faire leur chemin, prenons un exemple contraire : Patrick Champagne, car là je ne connais pas plus déplorable). De même je n'aurai gère de peine à reconnaitre la part d'idéologie chez Touraine évidemment, et même chez Boudon. Ensuite comparer leur idéologie à celle que colporte Bourdieu ? Là encore il me semble évident qu'elles procèdent de mécanismes différents, de valeurs non seulement distinctes par leur position mais par leur nature. Enfin il me semble que la formule idéologique de Bourdieu est à la fois effarante de simplicité manichéenne, et par là socialement dangereuse (je précise que j'écris cela en lecteur de Durkheim). Je ne doute pas que vos réponses me feront encore préciser ce à quoi je suis attaché, et lâcher du lest sur les points où j'ai pris mes aises sans m'en rendre bien compte. Cette discussion serait donc saine, comme celle que mènent en ce moment deux autres forumeurs dans le fil consacré à Henri Maldiney. D'ailleurs de telles discussions sont une des meilleures raisons qu'a ce forum d'exister. Je suggère donc que ça continue. Dans ce fil ou dans un autre, cela importe peu... Smile



Dernière édition par Nessie le Sam 22 Oct 2011, 11:03, édité 1 fois

Cancoillotte 

Cancoillotte

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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 02 Juil 2011, 13:05

Aujourd'hui Finkielkraut recevait Marielle Macé. Je ne suis pas objectif parce que quand sa prestation chez Bourmeau m'avait ébloui et je suis en train de terminer son livre mais il m'a semblé :
1. Que Finkielkraut n'avait pas lu le livre de son invitée d'aussi près que Bourmeau et qu'il plaquait un peu ses catégories et ses propres marottes.
2. OK c'était un débat de bonne tenue et il ne s'agit pas de gagner ou de perdre, mais je ne peux pas me défaire de l'impression qu'elle a totalement dominé les débats face aux deux vieux routiers.

Nessie 

Nessie

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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 22 Oct 2011, 10:58

Pris Répliques en cours de route : ah, encore une émission sur les horreurs du siècle ? En l'occurrence le Cambodge. Essayons : entre 9 et 10 le samedi, au moins peut-on espérer échapper à cet humanisme factice autant que facile qui sert de hochet identitaire aux enfants gâtés de France culture. Radio de la moraline et de la pose dont l'auditeur s'il est soucieux de faire le diagnostic de ce baratin, hésiterait longuement entre la niaiserie et l'hypocrisie. Mais Finkielkraut n'en est pas, n'en sera jamais, enfin on peut l'espérer. Donc écoutons ? Au moins, essayons..

Cambodge donc : de 9h30 à 9h45 peut-être pas encore réveillé j'entends un ronronnement pas bien différent de la note habituelle : récit d'horreurs. Pas plus convainquant non plus : à surexploiter l'horreur, on la banalise. Tiens il faudrait leur dire ça à nos idéologues maison de la Rédac', à supposer qu'ils soient capables de recevoir une critique. Bon les remarques attendues continuent à se succéder avec un air de déjà-entendu : c'est Rwanda ou c'est Cambodge, au fait ? Comme dirait Yann : lundi c'est ravioli. Sur France Culture c'est massacre / génocide / répression. A France-Confiture on fait pas beaucoup d'effort pour changer la recette hein.

Et puis dans la dernière partie de l'émission, Finkielkraut lache son message : faute de discernement, de calme, de sagesse, nos soldats du bien nous préparent de belles horreurs. Il lance sa séquence avec une lecture d'un paragraphe de Joubert sur les excès de la révolution. Ensuite pendant un petit quart d'heure on tartine sur la haine qui gâte le coeur des hommes fut-ce dans leur recherche du bien, et sur les maux qui en résultent. L'invité (ou les invités ?) acquiescent, renchérissent. Aux 99% de misérabilisme victimaire-pas-cher, Finkie met en balance 1% de lucidité historique. Mais on tourne toujours dans la même roue. Et si Finkielkraut une fois encore, se distingue du reste de la chaine, tout à son honneur, pendant ce temps-là nous qu'est-ce qu'on s'emmerde bon sang...

Et puis ça ne suffira pas à nous rassurer, puisqu'en cette rentrée, plus que l'an dernier encore, la majorité des voix de France Culture semble dévolue à l'affichage du Bien -du moins le leur- considéré comme la seule vérité vraie. Chacun achète son paradis comme il peut Résultat : une radio saoulante de préchi-précha, plus que jamais. Si nous fermons nos postes, demain les mêmes soldats viendront-ils forcer nos portes ? Bah, vu les voix molles qu'on entend sur la fréquence, on n'est pas près d'avoir en France un nouveau Cambodge, et c'est tant mieux. Le terrorisme moral qu'on cultive sur FC, à la fois minable et fastoche, n'a fait pour l'instant qu'un seul mort : le programme culturel de la chaine.

Nessie 

Nessie

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François Bon, un personnage de Gérard Lauzier... - Sam 12 Nov 2011, 09:56

Nessie a écrit: [...] encore une émission sur les horreurs du siècle ? En l'occurrence le Cambodge. Essayons ... [...]
Entre temps j'ai repris à son début cette émission sur le procès du tortionnaire Douch. J'espère avoir le temps de revenir dessus pour contredire ma critique, au moins en partie : parce qu'elle allait en profondeur, la discussion valait beaucoup plus que ce qu'en dit mon coup de gueule un peu dérisoire. C'est tout le contraire avec le Répliques de ce matin :

En ce moment même, j'écoute l'enfumeur François Bon qui, entre deux "on s'frite avec Amazon" ou "là on est dans un'boutiqu'de radio" et autres "y'a plein de trucs à rev'nir là-dessus" ou "faut arrêter avec s'vocabulair", manifeste sa réactivité et son art de la clé face à 2 interlocuteurs mal préparés. Face à cette rhétorique bien entrainée et encore mieux masquée sous le relâchement verbal, ils sont tous deux franchement à côté de la plaque Beigbeder et Finkielkraut, ou simplement ils sont moins accrochés que lui au sujet qui, ce matin, n'en est pas un. Résultat : François Bon les enfonce à chaque minute.

François Bon ? Jusqu'ici je n'avais jamais compris le succès de ce type, mais tout en remarquant qu'il parle encore plus mal qu'il n'écrit, j'entends une intelligence vive et je vois déployer une belle énergie au service de sa thèse. Thèse ? Hum hum, enfin appelons ça ainsi, mais je ne suis pas certain que sous la brume de phrases qu'il vaporise à grands jets, il y ait autre chose qu'une excitation individuelle, celle de sa vive curiosité et de sa juvénile volonté de "changer s'mond'pourri" (on est chez Lauzier, là) ; car des idées je n'en entends pas, sinon quelques unes tellement générales et creuses que je décroche de l'écoute puisque le plus dynamique des trois n'a, finalement, rien à dire alors qu'il parle sans arrêt. Et après tout, qu'il donne à l'émission le style emporté d'une discussion de bistrot entre passionnés de bagnole ou de télé, eh bien ça ne nous change pas tellement dans ce France Culture de Poivre Jeune qui ressemble de plus en plus à un plateau de prise de tête télévisée.

Le problème : au moment où je commence ce post ça fait bien 30' que les 3 interlocuteurs "se fritent" à la vitesse de la lumière. Le résultat : une caricature de débat entre trois excités, sur un ton assez proche de ce qu'on entend au bistrot entre passionnés de foot, ou entre inquiets de l'insécurité, ou entre partisans de la bagnole japonaise contre partisans de la bagnole française. Il n'y a rien dans cette émission sinon la frousse d'un intellectuel méfiant et échaudé, qui réunit dans son studio : à sa droite un narcisse stérile capable (seulement ?) de cracher de la formule ou du bon mot, et à sa gauche un esprit tonifié bien nourri et bien préparé qui les enfonce tous les deux à chaque minute avec de l'argument inattendu, technique par ci, historique par là. Car François Bon qui n'a pas de complexe, les interrompt à chaque minute, et faut voir comment : il ne loupe pas une occasion de placer là une citation, ici une référence, de Socrate à Quignard et du codex à l'éthanol en passant par le téléphone de Proust : << Proust y capte toul'temps s'coté sismiqu' du présent >> (encore un phylactère à la Lauzier). Hélas, ce ne sont que généralités, tout juste dignes d'un ado intello ou d'un amateur bombardé préfacier d'une Histoire des techniques livrée en supplément d'une revue de Rock : la culture et les idées de François Bon sont du niveau de la page Wiki sur Bernard Lavilliers -allez voir c'est croquignolet-, et ce qu'il envoie à Finkie et au Beig' c'est toujours plus ou moins des savonnettes sous leurs pieds, parce qu'ils ne regardent pas où ils marchent : Finkie est traumatisé à l'idée que sa bibliothèque devienne une exception ; et pour Beigbeder, le livre papier c'est bien paske dans l'avion quand on voit le titre sur une couverture on peut draguer la fille qui lit l'bouquin. Face au culturel de Beigbeder, il y a l'enfumage à la François Bon, dont voici un exemple typique : l'autre qui sait estimer à sa juste valeur la place du livre dans la civilisation, déclare imprudemment qu'il aime l'odeur du papier, et l'on voit illico débouler François Bon qui en faisant tournoyer ses connaissances d'ingénieur, balance que le papier ça n'existe pas puisque c'est de la .. .. .. lavé à l'acide sulfurique et imprégné à l'éthanol. Voila qui prouve admirablement que le papier n'existe pas. Et quelle pertinence du raisonnement pour nier que le livre a une odeur et pour mépriser ceux qui apprécient l'ambiance que ce parfum donne aux librairies et aux bibliothèques, dont par ailleurs François Bon est un produit. J'ai choisi parmi d'autres cette anecdote de la non-conversation pour montrer par l'exemple comment celui qui s'empare de la parole avec assez de punch parvient à clouer le bec de ses vis-à-vis quand bien même il n'avait rien à dire. Certains des grands cloueurs dans les médias (Godard par exemple, ou Bourdieu dans les débats en général) pratiquent ainsi couramment, sans aucun complexe. Si on ne s'en rend pas compte, c'est uniquement du fait de la pression qui règne dans l'échange ; j'y reviendrai plus bas. Mais si aucun des traits de François Bon ne va au fond d'aucun problème c'est aussi parce qu'il répond à un type qui n'a rien de consistant à dire. Parce qu'à côté des âneries de son renfort Beigbeder, les arguments et citations de Finkie sont restées au tiroir ou bien à peine sorties se sont trouvées aussitôt rangées. Parce qu'en fin de compte, présenté comme il l'a été, le sujet de ce Répliques n'en est pas un, qui n'offrait à démolir que du fantasme, en l'occurrence celui de Finkielkraut effaré à l'idée que sa bibliothèque devienne un objet obsolète. Pauvre Finkie...

Rien de surprenant donc, à voir François Bon prendre aussi aisément de cours ses deux voisins et quasi à chacune de ses reprises, car que dire sinon du détail ou du non-pertinent, quand on vous embauche pour une discussion sans intérêt ? Habituellement ce qui motive Finkielkraut et ce qui fait le sens de ses combats, est plutôt de l'ordre de la pensée et de l'esprit. Or ce matin dans Répliques il n'y a rien de tout ça puisque malgré quelques incises de François Bon, le débat se focalise sur l'instrument de la diffusion qui, en l'occurrence, ne réduit en rien la dynamique de l'esprit, ni celle de la création. Par contre ils ne diront rien de la stimulation ou du dopage que le numérique occasionne à l'un comme à l'autre ! Pourtant c'est bien plus de ce côté-là que le (hi!)progrès change la donne. Et l'évolution la plus difficile à encaisser, c'est la saturation de l'esprit, plutôt que la "mort" annoncée par notre Finkie une fois de plus sapé en semeur de frousse. D'ailleurs François Bon et Beigbeder sont, chacun à leur façon, de bons exemples de saturation par dopage de l'esprit. Ca ne fait ni de l'un ni de l'autre de bons écrivains, mais des ego excités et sur-enflés ça oui et on l'entend. On l'entend aussi bien dans le décadentisme neuneu de Beigbeder que dans l'arrogance du je-sais-tout qu'est François Bon, incapable de ne pas ponctuer, interrompre, contrarier, quand bien même il place sa flèche à côté du sujet ce qui est le cas à chaque fois ou presque. Et là encore, la tension de l'échange, la pression mise sur les débatteurs et par là sur l'auditeur, tout cela empêche de voir l'enfumage. Si vous ne me croyez pas, écoutez bien et appuyez sur "pause" après les interventions de Bon, le temps de les peser pour ce qu'elles apportent en réponse : dans la plupart des cas vous n'y trouverez que de l'entrisme brut, et rarement un apport consistant au débat. François Bon est un faussaire de la conversation.

On peut déplorer que Finkie soit assez naïf ou froussard pour croire que la technique va changer quelque chose à l'esprit en bouleversant la diffusion des textes, car c'est le type même de la fausse bonne question, et ça devrait n'être que son problème. Ce matin avec Répliques, ça devient le nôtre. L'émission de ce matin ne vaut pas un clou, parce que le sujet n'en est pas un. La révolte bidon de François B(id)on est aussi bidon que la réaction bidon de Frédéric Beigbidon. Finkielkraut en invitant ces deux intellectuels bidon sur un sujet bidon, nous a fait ce matin une émission bidon.



Dernière édition par Nessie le Mar 29 Nov 2011, 13:11, édité 1 fois

Nessie 

Nessie

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Répliques samedi prochain - Banlieues. Avec Michèle Tribalat, Gilles Kepel - Mar 29 Nov 2011, 12:57

Voici une nouveauté dans regards FC : la critique anticipée
(jadis on appelait ça : le programme - à l'époque où la presse parlait radio....)


De quoi s'agit-il ?
Samedi prochain Alain Finkielkraut fidèle à ses obsessions et à ses thèmes, invite Michèle Tribalat, la démographe courageuse, et Gilles Kepel, un spécialiste arabisant qui surfe sur la vague de l'islamo-phobo/philie, en homme de savoir venant irriguer régulièrement notre radio de son talent intellectuel, denrée qui devient rare sur FC, hélas.

3 esprits honnêtes. 3 interlocuteurs de qualité. Qu'entendrons-nous ?
Perso, j'espère y voir se déméler un peu les fils de ce débat embrouillé qui mélange la pauvreté et l'insécurité, l'éducation et la religion, l'islam et la banlieue cette nouvelle Zone où les bidonvilles sont remplacés par des Cités, banlieue peuplée d'un sous-prolétariat habilement recréé : car les masses dangereuses d'aujourd'hui (d'ailleurs pas si massives et peut-être celles-la aussi sont-elles moins dangereuses qu'on se complait à le dire) ne sont ni le résultat de la fatalité, ni un résidu dans le trop lent processus de l'Histoire. Au contraire elles sont le produit direct de la maladresse d'une classe politique démissionnaire soumise à l'influence délétère d'une intelligentsia à la ramasse : depuis 40 ans ce sous-prolétariat a été créé, de façon continue, active et irresponsable.

De quoi vont-ils parler dans cette émission sur la banlieue, sur les banlieues ?
Très certainement d'immigration. Donc d'intégration et d'assimilation ?
J'ai confiance dans Michèle Tribalat pour dire le vrai, avec le courage de l'honnêteté intellectuelle. Gilles Kepel n'aura pas besoin de courage pour dégonfler la bulle de l'inquiétude insécuritaire.

En ce qui me concerne, fidèle à un schème contemporain, je me demanderais plutôt : " De quoi nos Cités sont-elles le symptôme ? ". En soi leur situation désolante ne serait pas plus inquiétante que celle de la zone de jadis. Du moins si toute une part de l'intelligentsia ne s'attachait à l'exploiter pour souffler sur le feu de la division sociale. Reste à savoir dans quelle mesure le merdier des banlieues peut vraiment déborder sur le reste du territoire. Au plan budgétaire, aucun doute : le débordement a eu lieu. Au plan concret, du moins si on peut juger concret le spectre de l'invasion et du déferlement que l'extrême-droite nous décrit, là il est permis de douter.

Mais ça, s'ils en parlent, alors ça sera parce que le cher Finkie n'en pourra plus de retenir son angoisse et qu'il va craquer ; disons vers la 43eme minute : la violence des banlieues est à nos portes et la sous-éducation qui en est le vice, est déjà dans les esprits. Hélas il n'aurait pas entièrement tort, puisque la même influence délétère de l'intelligentsia a frappé pareillement l'Education un peu partout en même temps que l'organisation sociale des banlieues. Mais heureusement, parmi les trois participants, Finkie sera finalement le seul véritable idéologue. S'il s'engage dans cette voie, les deux autres ne répondront pas, parce que là n'est pas leur terrain de chercheurs. Ils ne sont pas moins sincères que lui et peut-être pas moins désolés non plus, mais ils sont moins investis dans l'idéologie ou plutôt : leur pensée se développe sous le primat de la recherche (on les connait assez pour le dire). Je pense donc qu'il sera en minorité face à eux. Au moins sur le papier, ce cocktail s'annonce de qualité. Finalement, même quand Finkie stagne dans les sujets sociaux (mais n'oublions pas que cette ligne a toujours été celle de Répliques), son émission reste un des derniers refuges sur ce France Culture envahi non par la banlieue et le sous-prolétariat, mais par le banc public sur laquelle est assise la sous-culture.

Langevin 


118
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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Mar 29 Nov 2011, 20:27

Nessie, c'est sévère mais assez bien vu. A dire vrai, je serai encore plus pessimiste que vous : c'est avant la demi-heure qu'Alain Monophtalmos va craquer, et peut-être en raison du décalage croissant qui s'est fait jour entre les thèses de Michèle Tribalat et l'usage que Finkielkraut en fait.

La question est d'ailleurs sans doute insoluble : il y a à la fois un substrat culturel (qui n'était pas proprement religieux mais qui le devient, semble-t-il) et des conditions sociales particulières au malaise des "cités". Quand à son utilisation politique, elle est également cynique de tous côtés : prolétariat de substitution pour une certaine extrême-gauche, le phénomène des cités est une forme d'équivalent du bolchévisme pour conduire la radicalisation des classes moyennes paupérisées et du lumpenprolétariat "blanc" (disons les choses comme elles sont) par le FN. Je sens qu'on en apprendra pas plus que lors de la (bonne) émission avec Guillery.

leniax 


Invité

119
Répondre en citant  
Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Mar 29 Nov 2011, 20:47

"...la violence des banlieues est à nos portes et la sous-éducation qui en est le vice, est déjà dans les esprits. Hélas il n'aurait pas entièrement tort, puisque la même influence délétère de l'intelligentsia a frappé pareillement l'Education un peu partout en même temps que l'organisation sociale des banlieues."
Je ne comprends pas trés bien la mauvaise influence ici d'une quelconque intelligentsia ( pas plus que celle d'ailleurs de l'extrême gauche pointé par Mr Langevin).
S'agit il ici du choix effectué par Mr Lang des 100% bacheliers dans un contexte international qui , rappelons le, pointait les déficits et nous préparait déjà des coupes sombres dans le service public ?

terki 

terki

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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 03 Déc 2011, 09:50

Aujourd'hui samedi 3 decembre 2011 ,sans surprise , comme c'est devenu un rituel toute les 2 ou 3 émissions, Finkielkraut nous ressert son plat favoris , l'islamisation des banlieues, le danger que ferait peser sur la république les populations immigrés ou issus de l'immigration africaine.

le très fin est cultivé Gilles Kepel a beau argumenter , en face l'islamophobe Tribalat et le pseudo philosophe Finkielkraut nous servent leurs habituels argumentaires servis à la truelle.

J’espère qu'un jour une étude sur l'ensemble de ces émissions viendra nous démontrer qu'elle est sa vrai nature.



Miles 


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Re: Répliques, Alain Finkielkraut - Sam 03 Déc 2011, 15:35

Triste argumentation (!) en effet que celle de Tribalat-Finkielkraut. Ce qu'on pourrait appeler le raisonnement par anecdote et fait divers: de l'info de première main, du lourd, à base de "y parait que..." et de "une fois (à la télé?) j'ai vu..." ou encore, beaucoup plus précis: "tout le monde sait bien que..." (au choix: "les bons élèves sont traités de bouffons", "on jette les poubelles par les fenêtres", "AC le feu y font plus rien"). Au fond la situation réelle de l'islam en banlieue ne les intéresse pas du tout, pas plus que la situation réelle de l'URSS ou des Etats-Unis n'intéressait les idéologues des deux bords pendant la guerre froide.

Chapeau à Kepel pour avoir su, calmement, rappeler les faits, et pour avoir dressé un tableau plus nuancé (pas difficile me direz-vous) de la situation.

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